Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

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Calvin est couché dans son lit. Dès six heures
du matin, il s'est fait apporter des livres. Il dicte
à son secrétaire. Il faut écrire à la duchesse de
Ferrare, éclairer et encourager la foi de la reine
de Navarre, la prémunir contre les séductions des
« libertins spirituels », réchauffer le zèle des petites
églises protestantes de France, prêcher une dernière
fois ceux qui vont subir le martyre. Des
visiteurs l'interrompent à tous instants. Ce sont
des fous, des illuminés, des aigrefins, des quémandeurs
— et de doctes personnages, des protestants
notables venus de loin pour l'entretenir.
Entre deux visites, Calvin reprend sa lettre
interrompue. Par moments, il se gratte, car ses
vers le tourmentent. Il a un linge chaud sur l'estomac,
une compresse à la tête, et il vient d'avaler
des pilules pour calmer ses coliques. Souvent il est
pris d'un tel débordement de bile, d'une telle
diarrhée ou d'une névralgie si féroce qu'il ne peut
sortir du lit.
Le docteur Textor — il a, lui aussi, latinisé son
nom — s'assied à son chevet. C'est un homme d'un
caractère difficile, mais fort évangélique, et cela
a décidé Calvin à lui donner sa clientèle. Le bon
médecin ne sait jamais, quand il arrive chez le
pasteur, s'il vient pour la femme ou pour le mari.
Tous deux, en effet, toussent à fendre l'âme, se
traînent dans la salle avec un dos voûté et s'asseyent
en prenant des précautions, car ils sont
pareillement affligés d'hémorrhoïdes. Leurs mains
sèches brûlent du même feu, et l'un n'a pas moins
de douleurs que l'autre. Ils ont les jambes molles,
la joue creuse, l'oeil noir. Après le départ du
médecin, une odeur de moutarde et de baume
monte dans la salle.