Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

PREMIERS ACTES DE PROSÉLYTISME 103
Briçonnet : « Votre gelée, altérée et affamée fille »,
ou bien encore : « La pis que morte ». Elle avait
fait de sa demeure une vraie « auberge de la justice
», un refuge pour tous les malheureux, et
Marot qui allait s'y rendre devait bientôt célébrer
cet « exil plus doux que liberté ».
Sans doute, Calvin ne rencontra-t-il pas Marguerite
de Navarre, cette reine si simple en son
accoutrement, dont
la façon accoutumée est un manteau de velours noir
couppé un peu sous les bras, sa cotte noire, assez à
haut collet, fourrée de marthes, attachée d'épingles
par devant. Sa cornette assez basse sur la tête, et
apparaît un peu sa chemise froncée au collet.
Elle devait alors se trouver en Normandie.
La vie, à Nérac, n'était que jeux et ris. Les plus
sages personnes y perdaient de leur gravité,
l'amour n'était plus que badinage, et la religion
elle-même, qu'on n'avait garde d'oublier, qui faisait
même l'objet des plus constantes recherches, y
était troussée de si plaisante façon qu'elle perdait
son air guindé pour en prendre un de folâtrerie
qu'on ne lui voyait pas ordinairement. Elle était
hardiment mêlée aux plaisirs les plus frivoles.
Après dîner, dames et gentilshommes, interrompant
leur aimable badinage, discutaient quelque
texte de l'écriture Sainte. La reine qui, pour se
pouvoir former en l'étude de la Bible, avait appris
l'hébreu, lisait aussi Sophocle et Erasme dans
l'original.
Si le temps était beau, l'érudite et galante
compagnie descendait dans le parc, de l'autre côté
de la Baïse, et s'asseyait dans la garenne, auprès
de la fontaine Saint-Jean, à l'ombre des arbres.