Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

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calculateur avisé, un homme assez habile pour
se tenir en équilibre entre les trois partis qui se
partagent Genève : les protestants, les catholiques
et les patriotes. Ceux-ci sont les soldats de l'indépendance,
Genevois avant tout. Ils ont combattu
pour la liberté de leur petite patrie, et s'irritent
de voir d'un côté les Français vouloir gouverner
leur cité sous le prétexte de religion et, de l'autre,
les Bernois s'immiscer dans les affaires intimes de
la République. Au milieu de toutes ces complications
politiques, Farel perd la tête. Il est débordé.
Il ne pourra ramener à Dieu le tumultueux troupeau
de Genève. Des âmes vont se perdre. Il faut
rester pour l'aider à convertir la ville dissipée et
paillarde.
A cet appel inattendu, Calvin se trouble. Il
objecte son humeur sauvage et sa timidité. Il
ne souhaite que l'étude, la retraite ! Il est taci-
turne, tourmenté de maux, souvent aigre et impatient,
bilieux et sombre ! Le Seigneur ne peut
vouloir qu'il devienne le pasteur des Genevois.
Il supplie Farel,
au nom de Dieu, d'avoir pitié de lui et de le laisser
servir autrement à Dieu 1...
Alors Farel s'emporte. Il frappe la table de ses
poings et, frémissant d'une sainte colère :
« Et moi », se met-il à vociférer de sa voix tonnante,
« au nom du Dieu tout-puissant, je te déclare : tu
prétextes tes études. Si tu refuses de t'adonner ici
avec nous à cette oeuvre du Seigneur, Dieu te maudira,
car tu te cherches toi-même, bien plutôt que le Christ ! »
1. Lettre de Farel à Libertet, 6 juin 1564.