Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

340 CALVIN
en telle sorte, ou si débile, comme je suis. Quand on
me prend pour me mettre seulement sur le lit, la tête
s'en va et je m'esvanouis incontinent. Il y a aussi cette
courte haleine qui me presse de plus en plus. Je suis en
tout contraire aux autres malades : car, quand ils
s'approchent de la mort, leurs sens s'esvanouissent
et s'égarent. De moi, vrai est que je suis bien hébété,
mais il semble que Dieu veuille retirer tous mes esprits
de dans moi et les renformer et pense bien que j'aurai
bien de la peine, et qu'il me coustera bien à mourir,
et je pourrai perdre le parler, que j'aurai encore bon
sens.
Puis il retrace le tableau de son oeuvre à Genève :
Quand je vins premièrement en cette Église, il
n'y avait quasi comme rien ; on preschait, et puis
c'est tout. Tout était en tumulte. Il y avait le bon
homme maistre Guillaume (Farel), et puis l'aveugle
Coraud. D'advantage il y avait maître Antoine Saulnier
et le beau prescheur Froment qui ayant laissé son
devantier (le devant de sa boutique) s'en montait
en chaire, puis s'en retournait à sa boutique, où il
jasait, et ainsi il faisait double sermon.
J'ai vécu ici un combats merveilleux ; j'ai esté salué
par mocquerie, le soir, devant ma porte, de cinquante
ou soixante coups d'arquebuse. Que pensez-vous que
cela pouvait estonner un pauvre escholier timide
comme je suis et comme je l'ai toujours esté, je le
confesse !
Puis, après, je fus chassé de ceste ville et m'en allai
à Strasbourg, où ayant demeuré quelque temps je
fus rappelé. Mais je n'eus pas moins de peine qu'auparavant
en voulant me faire ma charge. On m'a mis les
chiens à ma queue criant : « Hére, Hére ! » et m'ont pris
par la robbe et par les jambes. Je m'en allai au Conseil
des Deux-Cents quand on se combattait, et retins les
aultres qui y voulaient aller et qui n'estaient pour faire
cela et quoi qu'on se vante d'avoir tout fait, comme