Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

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il avait besoin pour la conquête religieuse de l'Europe
? Certes, il doit s'attendre à ce que sa nationalité
dresse devant lui de grands obstacles, mais,
d'autre part, il n'est ni prince, ni évêque, ni Bernois.
C'est l'essentiel.
S'il a de l'adresse et de l'énergie — et Calvin
sait qu'il est capable d'en avoir — il pourra se
glisser parmi tous ces gens turbulents qui n'ont
point encore pris l'habitude de la liberté, qui sont
même fort embarrassés de celle qu'ils viennent
de conquérir, et ne soupçonnent guère que la
servitude puisse leur arriver d'ailleurs que du
côté de leurs anciens maîtres.
Ceux-ci étaient catholiques, et, à cause de ce
souvenir, les Genevois exècrent le catholicisme.
Ils ne feront donc point difficulté de se convertir
à la religion nouvelle qu'on leur apportera, pourvu
que le prédicateur soit assez habile pour donner
à cette religion un caractère municipal et national,
et rien n'est plus facile, quand on a, comme Calvin,
le génie de la politique et l'instinct du despotisme.
Alors, Calvin fera de Genève la « ville de sûreté »
où accourront tous les réformés de la vieille Europe.
Chaque année son armée grossira. Genève rayonnenera
de plus en plus loin sur le monde religieux,
et Calvin, seul, sans appui, sans roi, sans prince,
sans argent, n'ayant pour soi que sa volonté plus
forte qu'aucune autre volonté humaine, sera ce
que n'a pas su être Luther, lui qui fut soutenu
par les rois, les princes, les États — le maître
tout-puissant de Genève, la ville sainte du calvinisme,
la rivale de Rome !
Le fils de l'homme d'affaires excommunié regardera
le Pape en face !