Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

VERS L'EXIL 127
à son éclat, contemplait sa ruine. Ses murs se
lézardaient. Une mousse verte poussait sur les
sculptures. Les larges dalles polychromes des
grandes salles dansaient sous les pas des lourds
soldats bardés de fer. et un soir, Renée de France
avait dû fuir sa chambre, dont le plafond menaçait
de s'écrouler.
Cela n'empêchait pas qu'on y
menât fort
joyeuse vie.
Les petits pages, vêtus de rouge cramoisi et
coiffés de bérets roses, portaient de grands plats
fumants sous les dorures fléchissantes des plafonds,
et les pavanes lentes faisaient tourner les
damas des plus belles robes sur le carreau défoncé
des salles. Ce n'étaient que réjouissances sans fin,
banquets monstrueux, joutes, cavalcades et comédies.
Il y avait des fous, des nains, des singes,
des perroquets ! Chaque soir, une foule somptueuse
se réunissait dans les vastes appartements du
château dont on avait rehaussé l'éclat de grandes
tentures de fête, rouges, blanches et vertes. On
y voyait des princes lettrés, des princesses héroïnes
d'amour, de poésie ou de roman, des cardinaux
aspirant à la papauté, des érudits, des artistes,
des poètes moitié chevaliers, moitié bardes. Renée,
vêtue d'une robe de velours noir à manches bouillonnées,
cachait sa bosse sous les longs plis tombants
d'un voile noir qui couvrait ses splendides
cheveux blonds. L'échancrure du corsage laissait
apercevoir sa peau nacrée. Ses yeux bleus étaient
pleins de vivacité. Elle avait tant de séduction
et d'esprit que tous ceux qui l'approchaient
oubliaient très vite la disgrâce de son corps et
se retiraient charmés.
La fille de Louis XII ne pouvait se consoler