Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

LE RETOUR A GENÈVE 239
tels qu'il les a connus. Aux premiers mots touchant
sa discipline, les visages se sont rembrunis
et les cris ont éclaté. Chacun a prétendu y apporter
des amendements pour en adoucir la rigueur.
Pendant deux mois, il a fallu discuter. Et Calvin,
au milieu de ces disputes incessantes, de ces embarras
continuels, de ces contradictions quotidiennes
s'est tenu ferme dans sa résolution de demeurer
doux et patient. Il ne s'est pas mis en colère, il
n'a pas injurié ses contradicteurs, il est resté
calme et a pris grand soin de n'offenser personne.
Par la force de sa volonté toute puissante,
il s'est fait un autre homme. La paix publique,
la concorde, sont pour lui d'un tel prix qu'il est
parvenu enfin à dompter son tempérament. Il en
est devenu le maître. Dieu seul peut savoir ce
qu'une telle victoire lui a coûté d'efforts.
Il s'est si bien corrigé de sa violence que ses
ennemis eux-mêmes sont contraints de reconnaître
sa douceur. Ils en restent tout ébahis. Certains
s'en montrent si émus qu'ils deviennent spontanément
ses amis.
Et Calvin en arrive même à l'amabilité. Il se
fait gracieux. Il a des procédés galants. Il évite
avec le plus grand soin de blesser qui que ce soit
par le plus petit mot. Bien plus, il accepte que
l'on accomplisse devant lui des actes qu'il juge
coupables.
Serré, tendu, craignant toujours un débordement
de sa bile, il se dit : « Quand on ne fait pas
ce que nous voulons, voulons ce que nous pouvons...
». Il s'est mis dans la tête de tolérer ce
qu'il ne lui est pas permis de supprimer, et il se
cramponne à sa résolution. Mais quel bondissement
intérieur, quelle révolte de tout son être.