Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

346 CALVIN
Maintenant que le combat est fini, Calvin peut
se dire qu'il a rudement besogné, et mesurer
l'étendue de sa peine en se demandant qui est
le plus grand, de Luther ou de lui.
Le Luthérianisme fut un triomphe du Germanisme
et de l'unité nationale.
En France, au contraire, on a considéré le
Calvinisme comme un mouvement anti-français,
appelé à détruire l'unité nationale.
Luther a triomphé dans son propre pays, alors
que Calvin a dû s'expatrier.
Luther fut encouragé et soutenu, Calvin poursuivi
et persécuté.
Et néanmoins, en dépit de tous les obstacles,
Genève a regardé Rome en face !
Cependant le grand rêve n'est pas réalisé,
Calvin a manqué son but. Il détestait le sens
propre et il a préparé un chemin à la libre philosophie
!
Doué comme il l'était d'une vue perçante et
d'un rare génie politique, il a dû en avoir le pressentiment.
Alors, au lieu de se réjouir de son oeuvre et
d'en tirer de l'orgueil, il s'est peut-être effrayé
de tous les missionnaires qui portaient au loin
sa doctrine, de toutes ces églises auxquelles il
avait prodigué tant de conseils, de tous les élèves
qui jusqu'alors l'avaient rempli d'espérance, ayant
compris, en cette heure suprême de sa vie, que
plus il aurait de disciples plus il aurait de contradicteurs.
Il avait souhaité l'unité protestante et son
collège, ce collège objet de tous ses soins et joie
de son orgueil, allait bientôt répandre dans le
monde cet esprit philosophique qui a permis à