Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

LE TRIOMPHE 307
en allemand, ce qui met dans un bel embarras
messieurs du Consistoire, lesquels, à commencer
par maître Calvin, ignorent tout de cette langue.
Dès cinq heures du matin, le 2 décembre, le Conseil
délibère à la lueur des chandelles. Il faut se hâter,
le premier dimanche de mars, date de l'expiration
du traité, est tout proche, et, si l'on ne prend
de décision, Genève sera sans alliance.
C'est, en effet, ce qui lui arrive. Elle ne s'est
pas trouvée dans un si grand péril depuis trente
ans ! La voilà donc isolée au milieu de la convoitise
de ses voisins ! Si on l'attaque, personne ne viendra
à son secours. Comme elle se sent petite et faible,
tout-à-coup ! De quelque côté qu'elle regarde, elle
voit un ennemi prêt à fondre sur elle : le duc de
Savoie, l'évêque, le roi de France, les seigneurs
voisins qui la guettent du haut de leurs châteaux,
et même Berne, l'ancienne alliée, qui attise le feu
de ses querelles intestines dans l'espoir d'y prendre
occasion de l'assujettir. Malheureuse petite ville
suisse, elle n'a pour la défendre qu'une poignée
de bannis français, dont le principal est universellement
haï, bafoué, méprisé ! Les libertins réfugiés
à Berne répandent sur lui les plus basses
calomnies. Ils le traitent de larron et les Genevois
de brigands, poltrons, ruffians, etc.. Ils rédigent
le Mémoire des Fugitifs, où les ouailles ne sont
pas moins injuriées que leur pasteur.
La situation de Genève est singulière. Convoitée
de tous, elle attend son salut de l'homme, justement,
qu'elle exècre le plus au monde.
Plus singulière encore la situation de cet homme.
Si maître Calvin commettait l'imprudence de
poser le pied en dehors de la Suisse, il serait sans
nul doute aussitôt jeté au fond d'un cul-de-fosse.