Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

LA RUPTURE 117
Ils y apparaissaient les uns après les autres,
et, se saluant du nom de frères, découvraient leurs
visages enfouis dans des capuchons et des collets.
Leurs poings agitaient des torches qui leur jaunissaient
la face et poussaient une âcre fumée
rousse vers les ténèbres de la grotte.
Puis Calvin faisait l'exhortation, c'est-à-dire le
prêche. Il commençait en invoquant le Saint-
Esprit, sans qui leurs intelligences n'eussent été
que ténèbres épaisses et nuit impénétrable, puis
commentait un chapitre de l'Écriture. Il avait
déjà la poitrine délicate, et sans doute l'acre
fumée des torches le faisait-elle tousser, cependant
qu'il lisait ainsi l'Évangile pour l'édification de
ses frères. Sa voix nette, métallique, devait résonner
étrangement dans cette caverne. Quelquefois
le vent s'y engouffrait et sifflait en effilochant les
flammes des résines, ou bien jetait de la pluie,
par paquets, au dos des protestants.
Pour plus de sécurité, Calvin et ses amis changeaient
fréquemment de grotte et se rendaient
parfois aux caves de Saint-Benoît et de Crotelles.
C'est en cette dernière que se passa l'une des
scènes les plus violentes de leurs réunions.
Quand le réformateur avait achevé sa lecture
de l'Évangile, chacun disputait, et la conférence
devenait fort animée. Des ombres démesurées
s'agitaient sur les parois rocheuses. Une fois,
Calvin s'emporta contre le picard Charles Le Sage,
qui lui contestait que la messe fût une invention
diabolique et qu'il fallût la supprimer. Excédé
par ses objections continuelles 1, Calvin, qui souf-
1. Calvin n'aimait pas la contradiction. Ne devait-il
pas écrire, peu de temps après à du Tillet : « J'ai telle-