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Mise en page 1 - Théâtre Massalia

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“Déroutes” de Mathilde Monnier par Gérard May<strong>en</strong><br />

[Extrait vidéo de la pièce captée par la vidéaste.]<br />

La danse n’est pas un art de l’image.<br />

C’est un art de la transaction <strong>en</strong>tre<br />

l’humain et l’espace, sa relation au<br />

monde au travers de cette relation<br />

de l’espace et du temps.<br />

Les précisions d’Herman seront précieuses. J’<strong>en</strong> profite pour vous dire quelle est ma<br />

méthode. Naïvem<strong>en</strong>t, dans un premier temps, j’ai cru que plus j’allais interviewer de<br />

danseurs, plus j’y verrais clair dans cette pièce, plus j’allais m’approcher de sa vérité. La<br />

vérité d’une pièce serait l’adjonction des vérités de chacun. On a treize interprètes sur le<br />

plateau, on aurait donc treize vérités. Grand dieux, merci, je me suis r<strong>en</strong>du compte que<br />

même s’y j’appr<strong>en</strong>ais des choses, j’y voyais de moins <strong>en</strong> moins clair. C’est à dire que je<br />

perdais de plus <strong>en</strong> plus mon propre territoire de regard, je laissais s’étouffer littéralem<strong>en</strong>t<br />

la dim<strong>en</strong>sion performative de mon regard, dont je parlais tout à l’heure, comme<br />

opérateur, comme co-réalisateur de la pièce. Je ne peux, moi, ne r<strong>en</strong>dre compte que de<br />

cette expéri<strong>en</strong>ce là, de mon expéri<strong>en</strong>ce de perception, et j’ai donc à un mom<strong>en</strong>t<br />

délibérém<strong>en</strong>t cessé de r<strong>en</strong>contrer les interprètes et aussi annulé le grand <strong>en</strong>treti<strong>en</strong> final<br />

avec Madame la chorégraphe que j’avais prévu.<br />

Contrairem<strong>en</strong>t, à ce qu’évoquait Philippe Guisgand ce matin avec Anne Teresa de<br />

Keersmaeker, pour tout vous dire, j’ai été très longtemps journaliste des <strong>page</strong>s cultures<br />

à Montpellier, et c’est quelqu’un avec qui je peux facilem<strong>en</strong>t obt<strong>en</strong>ir un r<strong>en</strong>dez-vous. Ce<br />

problème ne se pose pas. C’est de mon propre chef qu’à un mom<strong>en</strong>t, j’ai susp<strong>en</strong>du ce<br />

cycle d’<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s, pour que mon regard puisse fonctionner. En clair, je ne suis pas <strong>en</strong><br />

mesure d’être précis et exact pour tout. Mais ça ne constitue pas à mes yeux un problème<br />

rédhibitoire. En l’occurr<strong>en</strong>ce, pour ce qui est des espacem<strong>en</strong>ts, de la façon dont se traite<br />

la relation de l’un à l’autre dans l’espace. Qu’est-ce qui se produit là ? J’avoue que je reste<br />

dans une perplexité. Je sais que chacun a ses boucles. Je constate que, à l’évid<strong>en</strong>ce, parce<br />

que j’ai vu la pièce maintes fois, cela produit une trame différ<strong>en</strong>te, à chaque fois, à<br />

chaque représ<strong>en</strong>tation. On n’a pas à tout instant les mêmes r<strong>en</strong>contres qui se produis<strong>en</strong>t<br />

au même <strong>en</strong>droit du plateau. Chaque représ<strong>en</strong>tation est différ<strong>en</strong>te. On est dans une<br />

structure de dispositif. C’est un dispositif qui permet, qui génère et qui va, d’une certaine<br />

manière, laisser la pièce auto-générer d’elle-même une partie de sa forme sans que la<br />

chorégraphe <strong>en</strong> ait l’absolue maîtrise.<br />

A chaque représ<strong>en</strong>tation, il y a quelque chose de neuf. Par exemple, à un mom<strong>en</strong>t assez<br />

merveilleux, on a une r<strong>en</strong>contre absolum<strong>en</strong>t inopinée, qui est saisie par les deux interprètes,<br />

qui crée une micro-dramaturgie de cet instant là, qui m’émeut énormém<strong>en</strong>t. A<br />

part ça, ces trajectoires sont néanmoins très inscrites, reconnaissables. Elles sont à mi<br />

chemin <strong>en</strong>tre la trajectoire et l’amorce de la construction d’un personnage, d’une qualité<br />

de prés<strong>en</strong>ce, d’une manière d’être dans cette histoire. Entre cette part d’écrit, de<br />

déterminé, et là l’information des danseurs m’est très précieuse, par le temps. En coulisse,<br />

sont donnés les temps très précis d’<strong>en</strong>trée et décl<strong>en</strong>chem<strong>en</strong>t des <strong>en</strong>trées. Ils sav<strong>en</strong>t<br />

à quel mom<strong>en</strong>t ils doiv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>trer. Ils ont des trajectoires souv<strong>en</strong>t semblables, des<br />

qualités, des manières de les aborder, de s’<strong>en</strong> saisir. Je ne sais pas jusqu’à quel élém<strong>en</strong>t<br />

de variation ils peuv<strong>en</strong>t aller. En tout cas, ça produit de l’aléatoire de relation et de<br />

croisem<strong>en</strong>ts, tout ça reste très ouvert. Parfois, on a alors au contraire, à certains<br />

mom<strong>en</strong>ts, des micro-dramaturgies parfaitem<strong>en</strong>t écrites, volontaires, et reproduites de<br />

soirées <strong>en</strong> soirées où on s’att<strong>en</strong>d relativem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> à la situation où untel et untel se<br />

r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t, et il se produit une situation.<br />

Dans l’<strong>en</strong>semble, je crois qu’on pourrait se mettre d’accord pour observer que l’écriture<br />

pourrait être particulièrem<strong>en</strong>t celle de l’espacem<strong>en</strong>t. Les contacts sont rarissimes. Les<br />

rapprochem<strong>en</strong>ts ne sont pas recherchés. On est dans une écriture de l’<strong>en</strong>tre-deux. Une<br />

écriture qui naîtrait <strong>en</strong> grande partie <strong>en</strong>tre les interprètes eux-mêmes, sur un territoire<br />

qui échapperait <strong>en</strong> partie à la prise volontaire et déterminée des interprètes eux-mêmes.<br />

On serait dans une écriture de l’autre, à l’autre. De cet espace de l’autre à l’autre, je m’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds.<br />

Ev<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t de l’espacem<strong>en</strong>t<br />

à l’autre soi-même, ça me<br />

semble ess<strong>en</strong>tiel dans cette<br />

affaire.<br />

En tout cas, je reti<strong>en</strong>drais au passage<br />

une leçon de regard <strong>en</strong> danse<br />

pour tout un chacun, appr<strong>en</strong>ons à<br />

regarder la danse autant par l’espace<br />

que par le geste. Encore une<br />

fois, la danse n’est pas un art de<br />

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