Mise en page 1 - Théâtre Massalia
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Ecriture et notation musicales : L’écriture et l’espace - Confér<strong>en</strong>ce-concert de Nicolas Frize<br />
va beaucoup mieux. Et on lui demande quand on pourra sortir. Et quand il n’y a<br />
personne, et qu’il y a une relative complicité avec les aides-soignantes, les infirmières, là<br />
on est dans des conditions où la douleur n’arrête pas d’aller et v<strong>en</strong>ir, elle s’<strong>en</strong> va, elle<br />
revi<strong>en</strong>t, selon qu’on est obsédé par elle, selon qu’on ne la s<strong>en</strong>t pas etc…<br />
Il y a donc tout un rapport au corps qui est finalem<strong>en</strong>t un rapport vivant au corps, qui<br />
n’est pas statique. Il n’y a pas d’état, pas de figure, il n’y a que du mouvem<strong>en</strong>t. Et donc,<br />
pour r<strong>en</strong>trer <strong>en</strong> relation avec cette personne, pour <strong>en</strong>registrer sa douleur, il fallait que je<br />
lui explique que j’<strong>en</strong> avais besoin. Pourquoi ? Non pas pour <strong>en</strong> jouir, comme font les<br />
journalistes, qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t nous voir quand nous souffrons, et pour gagner de l’arg<strong>en</strong>t et<br />
<strong>en</strong> jouir, mais là, je lui racontais que c’était une histoire de mémoire et que ça serait bi<strong>en</strong><br />
que dans 50 ans, on sache ce qui se passait dans les hôpitaux de l’an 2002 ou 2003. Et<br />
que je lui ai expliqué le s<strong>en</strong>s de cette mémoire, le fait qu’elle était une inscription dans<br />
l’histoire.<br />
J’ai tiré de ce travail de mémoire un imm<strong>en</strong>se creuset de réflexions sur ce que c’était que<br />
le sil<strong>en</strong>ce. Par exemple, dans le service d’immunologie, où sont traités les g<strong>en</strong>s atteints<br />
du Sida, il y a eu des crédits très importants qui ont été attribués à ces services <strong>en</strong> particulier.<br />
Dans le service où j’étais, le sol était moquetté, il était refait à neuf, avec des<br />
chambres individuelles pour des g<strong>en</strong>s qui étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fin de vie. Sauf que des g<strong>en</strong>s <strong>en</strong> fin<br />
de vie, il y <strong>en</strong> a dans tous les services. Il y a des soins palliatifs partout. Il y a des g<strong>en</strong>s<br />
qui sont <strong>en</strong> fin de vie, et il y a des g<strong>en</strong>s qui bénéfici<strong>en</strong>t de soins palliatifs pour le cancer<br />
etc… J’ai remarqué uniquem<strong>en</strong>t à l’oreille, et je l’ai fait <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre au personnel, que dans<br />
ces <strong>en</strong>droits là, il y avait du sil<strong>en</strong>ce, que les g<strong>en</strong>s marchai<strong>en</strong>t sur la pointe des pieds,<br />
fermai<strong>en</strong>t la porte doucem<strong>en</strong>t quand ils r<strong>en</strong>trai<strong>en</strong>t dans les chambres. Alors que dans les<br />
autres services, il y avait un barouf pas possible. J’avais même remarqué, comme j’étais<br />
là tout le temps, et que je voyais mourir les g<strong>en</strong>s, que les g<strong>en</strong>s qui étai<strong>en</strong>t morts le l<strong>en</strong>demain,<br />
la veille ils étai<strong>en</strong>t vivants. C’est à dire qu’il y avait la télévision qui était<br />
ouverte… On s’est comme ça r<strong>en</strong>du compte uniquem<strong>en</strong>t avec les prises de son, avec<br />
l’oreille, qu’on a t<strong>en</strong>dance à faire r<strong>en</strong>trer la mort avant qu’elle n’arrive. Et tout ça<br />
pourquoi ? Par amour. C’est à dire que quand on va voir quelqu’un dont on sait qu’il va<br />
décéder, on veut lui faire compr<strong>en</strong>dre que c’est une situation horrible, pas pour lui, parce<br />
qu’il ne saura pas quand il est mort, mais pour nous, parce qu’il n’y a que nous qui<br />
saurons. On veut le lui faire s<strong>en</strong>tir, alors on fait une tronche de quinze pieds de long. Et<br />
lui, qu’est-ce qu’il a <strong>en</strong> face de lui ? La mort qui r<strong>en</strong>tre dans sa chambre. Alors que dans<br />
les autres services, on voyait que les g<strong>en</strong>s montai<strong>en</strong>t les télévisions pour dire qu’ils<br />
étai<strong>en</strong>t là, et laissai<strong>en</strong>t la porte ouverte.<br />
Ce travail a duré évidemm<strong>en</strong>t plusieurs mois, je suis resté 6 mois, et ces prises de sons<br />
nous ont beaucoup appris sur nos comportem<strong>en</strong>ts par rapport à ces situations critiques,<br />
difficiles, pour lesquelles on a pas toujours les bons… Enfin, je ne parle pas de nous…<br />
mais surtout des personnels qui sont eux confrontés à cette gestion des sons et de<br />
l’écoute. Il <strong>en</strong> est sorti une création musicale, dans l’hôpital. Elle n’était pas du tout à<br />
destination des pati<strong>en</strong>ts, elle était à destination de la ville, des pati<strong>en</strong>ts et du personnel.<br />
De toute façon, les pati<strong>en</strong>ts, c’est tout le monde, c’est vous et nous, et moi. On est tous<br />
pati<strong>en</strong>ts, vous, moi. Vous portez tous <strong>en</strong> vous un milliard de trucs que vous ne direz à<br />
personne. Ce n‘est pas les autres.<br />
Ça a donné lieu à une création qui se passait dans deux espaces de l’hôpital. Un premier<br />
qui se passait au 9ème étage. J’avais pu l’investir tout à fait parce qu’il était <strong>en</strong> travaux. Je<br />
l’ai repeint complètem<strong>en</strong>t. J’ai imaginé un trajet où on r<strong>en</strong>tre dans toute une série d’expéri<strong>en</strong>ces<br />
sur le corps. Des <strong>en</strong>fants qui se pass<strong>en</strong>t des objets, des sons. On parlait de la transmission.<br />
On peut se transmettre <strong>en</strong> quelques secondes une grippe, alors qu’on n’arrive pas<br />
à se transmettre nos idées. C’est un comble ! Il y a des choses tellem<strong>en</strong>t importantes qu’on<br />
aurait <strong>en</strong>vie de se transmettre et on se transmet ce qu’on ne veut pas. Donc on beaucoup<br />
parlé de transmission. Dans cette salle, il y a des chanteuses qui chant<strong>en</strong>t <strong>en</strong> étant<br />
allongées, un violoncelliste qui joue à l’<strong>en</strong>vers. Il y a toutes les positions d’un corps. On<br />
passait <strong>en</strong>tre des g<strong>en</strong>s qui formai<strong>en</strong>t un couloir de personnes qui chuchotai<strong>en</strong>t. On passait<br />
<strong>en</strong>tre ces voix. On r<strong>en</strong>trait comme dans des tuyaux, des espèces d’organes chuchotants et<br />
chantants. C’est une expéri<strong>en</strong>ce du corps que j’ai essayé de faire vivre dans la musique.<br />
[Film de l’expéri<strong>en</strong>ce à l’hôpital]<br />
Je vais vous faire <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre une séqu<strong>en</strong>ce où je travaillais avec l’un de ces hommes sur un<br />
travail vocal.<br />
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