Mise en page 1 - Théâtre Massalia
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L’œuvre de Anne Teresa de Keersmaker par Philippe Guisgand<br />
« Rosas danst rosas » et puis l’accès aux hauts moy<strong>en</strong>s musicaux qu’offre la Monnaie <strong>en</strong><br />
tant qu’orchestre, va permettre un travail nouveau de grande <strong>en</strong>vergure, qui est<br />
« Mozart/Concert Aria’s ». Elle travaille avec 40 musici<strong>en</strong>s, installés sur scène d’abord, et<br />
<strong>en</strong>suite dans la fosse parce qu’elle se r<strong>en</strong>d compte, <strong>en</strong> allant prés<strong>en</strong>ter cette pièce à<br />
Avignon, que 40 musici<strong>en</strong>s plus trois chanteuses, plus une quinzaine de danseurs, ça fait<br />
vraim<strong>en</strong>t trop de monde pour que la pièce soit véritablem<strong>en</strong>t lisible. Cette pièce, qui<br />
n’est pas celle que je préfère, reste quand même une fête de la musique et de la danse.<br />
C’est un mom<strong>en</strong>t de jouissance sans prét<strong>en</strong>tion, qui est une sorte de happ<strong>en</strong>ing, qui<br />
symbolise assez bi<strong>en</strong> cette nouvelle ère qui comm<strong>en</strong>ce.<br />
En 1993, c’est aussi la r<strong>en</strong>trée d’Anne Teresa de Keersmaeker <strong>en</strong> tant que danseuse. Pour<br />
la première fois depuis 7 ans, elle revi<strong>en</strong>t sur scène, alors qu’elle était dev<strong>en</strong>ue la<br />
chorégraphe au s<strong>en</strong>s où elle ne participait plus, elle n’était plus interprète des pièces. Il<br />
lui vi<strong>en</strong>t l’<strong>en</strong>vie de remonter sur scène, avec une pièce qui s’appelle « Toccata », dont on<br />
verra un extrait tout à l’heure. Puis elle va créer un autre spectacle, « Kinok », qui sert<br />
lui-même de base.<br />
Vous voyez que l’idée du germe qui explose et qui se déplie <strong>en</strong> tous s<strong>en</strong>s, ça n’est pas<br />
seulem<strong>en</strong>t valable pour une cellule corporelle. C’est aussi valable d’un spectacle à<br />
l’autre. C’est à dire que « ERTS » cont<strong>en</strong>ait un germe, La Grande Fugue, qui va être<br />
reprise dans le spectacle « Kinok », et il y a une partie de ce spectacle qui va se retrouver<br />
dans d’autres spectacles ultérieurem<strong>en</strong>t. Il y a comme ça un jeu de relation <strong>en</strong>tre les<br />
pièces, qui comm<strong>en</strong>ce à se complexifier et qu’on ne voit qu’à partir du mom<strong>en</strong>t où on<br />
pr<strong>en</strong>d du recul et où on étudie d’assez près les élém<strong>en</strong>ts syntaxiques de la danse, pour<br />
voir qu’effectivem<strong>en</strong>t, des élém<strong>en</strong>ts existai<strong>en</strong>t, sont repris, sont transformés.<br />
Cette pièce, « Kinok », et même « Toccata » avant, exprim<strong>en</strong>t une forme de danse<br />
« nouvelle manière » de la chorégraphe. C’est à dire que la lecture de ce que je vous ai<br />
prés<strong>en</strong>té tout à l’heure, de « Rosas danst rosas », s’infléchit vers une relecture assez personnelle<br />
de ce que pourrait être l’académisme ou <strong>en</strong> tout cas la danse classique. On le<br />
voit à la manière dont le geste va structurer le s<strong>en</strong>s des pièces. Les créations se poursuiv<strong>en</strong>t,<br />
avec « La Nuit Transfigurée », sur la partition de Schönberg, qui constitue elle-même<br />
un mom<strong>en</strong>t d’une pièce qui va être inséré dans la pièce suivante qui s’appelle « Woud ».<br />
En 1997, elle crée « Just before », qui est aussi le début d’une nouvelle période. C’est une<br />
autre façon d’alterner les choses, <strong>en</strong>tre des pièces de danse pure où il y a musique et<br />
danse seulem<strong>en</strong>t, et des formes théâtrales qu’elle avait déjà abordées au début de sa carrière.<br />
Et pour ce spectacle, « Just before », Anne Teresa de Keersmaeker est assistée par<br />
sa sœur Jol<strong>en</strong>te, qui est comédi<strong>en</strong>ne et qui membre de ce collectif T.G.STAN. Cette<br />
collaboration va avoir une incid<strong>en</strong>ce assez forte sur les parti pris théâtraux de cette pièce.<br />
Et comme la plupart des œuvres de Keersmaeker, « Just before » est à la fois la synthèse<br />
d’expéri<strong>en</strong>ces précéd<strong>en</strong>tes, parce qu’il y a de nombreuses composantes ess<strong>en</strong>tielles du<br />
passé chorégraphique qui ressurgiss<strong>en</strong>t à ce mom<strong>en</strong>t là. Elle amorce égalem<strong>en</strong>t, de<br />
façon incontestable, un nouveau départ dans la manière de faire exister ou de faire<br />
cohabiter les mots et les gestes dans son travail. Mais on va voir aussi que l’influ<strong>en</strong>ce de<br />
la danse classique vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> colorer cette nouvelle période de la compagnie. Il faut se rappeler<br />
qu’au départ c’est quand même une danseuse de formation classique, c’est pour ça<br />
que je parlais de réminisc<strong>en</strong>ce tout à l’heure. Cette influ<strong>en</strong>ce revi<strong>en</strong>t tout d’un coup, alors<br />
que jusque là, elle l’avait complètem<strong>en</strong>t écartée, parce qu’elle voulait véritablem<strong>en</strong>t<br />
fonder un style loin de l’académisme,<br />
A plusieurs égards, « Mikrokosmos », l’une des premières pièces, où il avait ce mom<strong>en</strong>t<br />
musical inscrit <strong>en</strong>tre un duo et un quatuor, portait déjà les stigmates de cette formation<br />
classique, de ce bagage initial. Pourquoi ? Grâce à l’apparition d’un pas de deux dans son<br />
travail. Le pas de deux est classique, avec un pas de deux qui est une sorte de « pas de<br />
deux homme femmes », ce qui est tout à fait traditionnel. Classique aussi la distribution<br />
des rôles des portés, jusque là, les femmes sont portées par les hommes Là, c’est une<br />
photo extraite de « Achterland ». Classique <strong>en</strong>core la répartition du mouvem<strong>en</strong>t dans le<br />
corps avec un bas ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t rythmique dans l’utilisation des appuis pédestres et<br />
un haut du corps aux acc<strong>en</strong>ts plus mélodiques notamm<strong>en</strong>t dans les bras. Classique aussi<br />
l’arrimage de la danse à la partition.<br />
Pourtant, jusqu’à « Achterland », les élém<strong>en</strong>ts de ce vocabulaire académique, étai<strong>en</strong>t<br />
pratiquem<strong>en</strong>t abs<strong>en</strong>ts de l’écriture, c’est à dire qu’on ne les voit pas, on ne les id<strong>en</strong>tifie<br />
pas. Et puis les ports de bras, les pirouettes, les ronds de jambe, vont progressivem<strong>en</strong>t<br />
être réintégrés, à partir de La Grande Fugue, ils faisai<strong>en</strong>t partie des élém<strong>en</strong>ts récurr<strong>en</strong>ts,<br />
notamm<strong>en</strong>t le tour <strong>en</strong> dehors. Mais cette assimilation n’est pas si évid<strong>en</strong>te que ça. On ne<br />
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