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Mise en page 1 - Théâtre Massalia

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L’écriture au théâtre jeune public - Emerg<strong>en</strong>ce d’un nouveau langage ou nouveau rapport au public ? (1ère partie)<br />

Philippe Dorin lit L’Hiver 4 chi<strong>en</strong>s mord<strong>en</strong>t mes pieds, mes mains<br />

Un homme <strong>en</strong>tre <strong>en</strong> tirant une femme par le bras.<br />

L’homme : Vi<strong>en</strong>s un peu par ici, toi. Tu sais, il y a un type, là-bas, qui est assis derrière son bureau pour<br />

écrire notre histoire, il n’a pas beaucoup d’idées. Alors il va falloir être pati<strong>en</strong>t, toi et moi. Il ne va pas falloir<br />

s’att<strong>en</strong>dre à des miracles, ni à des grands événem<strong>en</strong>t pour tous les deux. Il y aura sûrem<strong>en</strong>t des longs<br />

mom<strong>en</strong>ts sans ri<strong>en</strong> dire, des complém<strong>en</strong>ts d’objets direct qui vont manquer, et même directem<strong>en</strong>t les objets.<br />

Faudra pas faire la difficile, c’est l’hiver. On peut pas faire trop de chichis <strong>en</strong> hiver.<br />

La femme : Je ne pourrais pas avoir une chaise ?<br />

L’homme : Bi<strong>en</strong> sur.<br />

Il sort précipitamm<strong>en</strong>t, on l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d scier, raboter, limer, clouer. Il revi<strong>en</strong>t avec une chaise. La femme s’assoit.<br />

L’homme : Les g<strong>en</strong>s débarqu<strong>en</strong>t toujours avant leur histoire. C’est pour ça qu’ils rest<strong>en</strong>t un long mom<strong>en</strong>t<br />

à pas savoir quoi faire. C’est sûr, on n’a pas tous un stylo à se demander par quel bout du dictionnaire<br />

on va comm<strong>en</strong>cer sa vie. On n’a que ses bras et ses jambes. On se demande surtout comm<strong>en</strong>t on va pouvoir<br />

s’<strong>en</strong> sortir.<br />

La femme : Tu voudrais pas t’asseoir aussi ?<br />

L’homme : Bi<strong>en</strong> sûr.<br />

Il sort de nouveau précipitamm<strong>en</strong>t, on l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d scier, raboter, limer, clouer. Il revi<strong>en</strong>t avec une autre chaise.<br />

Il s’assoit près de la femme.<br />

L’homme : Moi j’t’ai vue. J’ai couru. J’t’ai attrapée. J’ai pas demandé ton avis. C’est comme ça, faut pas<br />

m’<strong>en</strong> vouloir. Mais, j’vais pas att<strong>en</strong>dre des heures que la vie m’apporte quelque chose sur un plateau. Faut<br />

pas réfléchir. Moi les p<strong>en</strong>sées, j’préfère les avoir derrière que devant.<br />

La femme : Il ne pourrait pas y avoir une table, tant qu’on y est ?<br />

L’homme : Bi<strong>en</strong> sûr.<br />

Il ressort de nouveau précipitamm<strong>en</strong>t, on l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d scier, raboter, limer, clouer. Il revi<strong>en</strong>t avec une table. Il<br />

la pose <strong>en</strong>tre lui et la femme.<br />

L’homme : Tu vois, là. En quelques minutes, on a déjà réussi à construire quelque chose. Tous les deux.<br />

Et sans écrivain. Et c’est du solide, tu peux me croire. Mais le plus difficile maint<strong>en</strong>ant, ça va être de trouver<br />

quelque chose à mettre dans les assiettes.<br />

La femme : Tu pourrais pas la fermer un peu ?<br />

L’homme : Bi<strong>en</strong> sûr.<br />

Il se tait. Sil<strong>en</strong>ce. La femme sort délicatem<strong>en</strong>t les mains de ses poches. Elle les pose délicatem<strong>en</strong>t. Elle fait<br />

semblant de manger.<br />

L’homme : Qu’est-ce que tu fais ?<br />

La femme : Je mange.<br />

L’homme : Remets les vite dans tes poches tes mains. Tu vas te les faire attraper par le froid. Y’a ri<strong>en</strong> à<br />

manger par ici. C’est pas la peine de faire les gestes si t’as pas les choses. Ça donne le vertige, et ça r<strong>en</strong>d<br />

très triste.<br />

La femme : T’<strong>en</strong> veux ?<br />

L’homme : Oui.<br />

La femme sert l’homme.<br />

L’homme : Elles sont chouettes tes mains. Elles sont toutes neuves. On dirait qu’on vi<strong>en</strong>t de les sortir de<br />

la boite. A mon avis, c’est pas des mains à faire grand chose ça. C’est plutôt des mains à regarder le temps<br />

passer. C’est pour ça qu’elles sav<strong>en</strong>t si bi<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir les choses qui sont invisibles et qu’on a toujours rêvées.<br />

La femme : Mange, ça va être froid.<br />

L’homme fait semblant de manger lui aussi.<br />

L’homme : C’est curieux, hein. Le matin, on se lève, on a du mal à trouver deux chaussettes qui se ressembl<strong>en</strong>t<br />

dans le grand bazar de la vie, et le soir, on se retrouve à l’autre bout du monde à dîner <strong>en</strong> tête à<br />

tête avec la fille de ses rêves.<br />

La femme : On ne parle pas la bouche pleine.<br />

L’homme : Ouais.<br />

Il se tait. Ils finiss<strong>en</strong>t leur repas <strong>en</strong> sil<strong>en</strong>ce. La femme repose ses mains sur la table.<br />

La femme : t’as pas quelque chose à me dire ?<br />

L’homme : Si. Est-ce que tu veux m’épouser ?<br />

La femme : Oui. C’est tout ?<br />

L’homme : Oui.<br />

La femme : Alors bonne nuit.<br />

Elle pose sa tête <strong>en</strong>tre ses bras sur la table, elle s’<strong>en</strong>dort.<br />

L’homme : Et voilà déjà un jour de passé.<br />

Il se lève, pr<strong>en</strong>d sa chaise, va s’asseoir à l’écart. Il fredonne une chanson de Johnny Cash, <strong>en</strong> faisant sem-<br />

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