22.04.2015 Views

Mise en page 1 - Théâtre Massalia

Mise en page 1 - Théâtre Massalia

Mise en page 1 - Théâtre Massalia

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

L’œuvre de Anne Teresa de Keersmaker par Philippe Guisgand<br />

et émotion. La critique a souv<strong>en</strong>t repris l’idée de cette dualité, qui consistait à la situer,<br />

<strong>en</strong> fait, comme si elle était un pont impossible <strong>en</strong>tre la structure, c’est à dire, Trisha<br />

Brown, Lucinda Childs et la postmodern danse et l’émotion qui se trouverait dans la<br />

danse d’expression dont est héritière Pina Bausch. Cette oscillation artistique, cette<br />

espèce de recherche figée <strong>en</strong>tre ces deux pôles, de mon point de vue, est <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce<br />

désavouée par cette recherche, ces différ<strong>en</strong>ts cycles de recherche qui émaill<strong>en</strong>t l’œuvre<br />

quand on la regarde d’un peu plus près. Ce qui dém<strong>en</strong>t ça, surtout, c’est le fait que Anne<br />

Teresa de Keersmaeker, depuis une quinzaine d’année, est très fortem<strong>en</strong>t influ<strong>en</strong>cée, et<br />

ce n’est pas seulem<strong>en</strong>t de la lecture, c’est vraim<strong>en</strong>t un choix de vie, par le Taoïsme. Je ne<br />

sais pas si vous savez beaucoup de choses sur le Taoïsme, mais <strong>en</strong> tout cas, <strong>en</strong> Chine,<br />

l’harmonie résulte d’une action perpétuelle <strong>en</strong>tre le Yin et le Yang, qui implique un<br />

mouvem<strong>en</strong>t incessant de contractions, d’expansion, de flux, de reflux, une espèce de<br />

métamorphose perman<strong>en</strong>te, qui font que l’état des choses n’est jamais figé. Ces<br />

alternances dynamiques, on les retrouve dans la symbolisation du Tai Chi, c’est à dire les<br />

deux vagues emmêlées. La p<strong>en</strong>sée chinoise, la p<strong>en</strong>sée philosophique qui s’inspire du<br />

Taoïsme privilégie la continuité à la rupture dans tous les domaines, pas seulem<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

art. C’est donc la notion de transition qui préside à la logique de p<strong>en</strong>sée, aux régulations,<br />

aux alternances etc. On le trouve déjà dans « Fase », même si à cette époque là, elle n’est<br />

pas nourrie de cette philosophie, C’est vraim<strong>en</strong>t une dégradation, <strong>en</strong>fin une évolution de<br />

l’état interprétatif dans la répétition du toujours même et qui, forcém<strong>en</strong>t, n’est plus le<br />

même.<br />

L’uniformité qu’on peut avoir aussi <strong>en</strong> regardant la pièce d’un peu loin, n’est toujours<br />

que de surface, dans les costumes, dans les morphologies utilisées, dans les manières<br />

d’interpréter la danse. Les danseurs sont des personnes, ils ne sont jamais des personnages,<br />

et pourtant ils sont toujours désignés comme des quasi-personnages. Mais <strong>en</strong><br />

fait, ces personnages, ce sont eux-mêmes, et cette façon de laisser cet espace de révélation,<br />

est aussi un jeu beaucoup plus fin que serait la construction d’un personnage au<br />

s<strong>en</strong>s plus traditionnel du terme. Chez Keersmaeker, cette esthétique là, est toujours<br />

beaucoup plus fine et beaucoup plus mobile qu’elle peut paraître, d’un peu loin, quand<br />

on se cont<strong>en</strong>te simplem<strong>en</strong>t de voir les choses sans trop y réfléchir.<br />

Ce qui peut frapper l’observateur att<strong>en</strong>tif de ce travail, qui est étalé sur 25 ans maint<strong>en</strong>ant,<br />

ce sont toutes ces redondances, ces rappels, ces citations de toute sorte, qui sont<br />

disséminées dans les pièces. Cette utilisation d’indices, d’élém<strong>en</strong>ts, de matériaux qui<br />

voyag<strong>en</strong>t d’une création à l’autre, fonctionne aussi comme un système d’auto citation,<br />

assez sophistiqué, et qui tisse un jeu de piste assez hallucinant parfois, dans lequel on<br />

peut s’amuser à se perdre.<br />

Ce jeu, un peu comme un puzzle, finalem<strong>en</strong>t, comm<strong>en</strong>ce parfois au sein d’une même<br />

pièce. Par exemple dans « Fase », les costumes de la première et de la dernière partie se<br />

répond<strong>en</strong>t, ainsi que ceux des deuxièmes et quatrièmes mouvem<strong>en</strong>ts. Ces filiations, ces<br />

jeux avec les référ<strong>en</strong>ces peuv<strong>en</strong>t aussi se faire dans des créations qui se suiv<strong>en</strong>t. Le<br />

vocabulaire de « Asch », qui était cette étude de fin de cursus à MUDRA se retrouve dans<br />

« Fase ». Elle préserve aussi la structure de ce duo fondateur, c’est à dire quatre parties<br />

distinctes dont une partie, la troisième, est un solo. Donc, « Fase », et « Asch » sont organisés<br />

de la même manière de ce point de vue là. La déambulation de la troisième partie de<br />

« Rosas danst rosas », est empruntée à « Piano Fase ». La coda finale de « El<strong>en</strong>a’s aria »,<br />

c’est à dire des femmes assises sur des chaises, rappelle aussi « Rosas danst rosas », qui<br />

était la pièce précéd<strong>en</strong>te. La solo de Marion Ballester dans « Toccata », <strong>en</strong> 1993, a une<br />

forte analogie avec sa position <strong>en</strong>train de diriger des musici<strong>en</strong>s dans la pièce de l’année<br />

suivante. Il y a parfois un simple bras levé, qui peut passer d’une pièce à l’autre, mais qui<br />

fonctionne un peu comme un indice, comme quelque chose qui relie les pièces l’une<br />

avec l’autre.<br />

Certaines pièces fonctionn<strong>en</strong>t <strong>en</strong> diptyque. Le matériel de base de « Acht<strong>en</strong>land » est<br />

celui de « Stella ». Les matériaux sont id<strong>en</strong>tiques alors que l’une est écrite pour garçons<br />

et filles, l’autre est une pièce pour effectif féminin assez resserré. « Just before » trouve<br />

l’année suivante un versant quasim<strong>en</strong>t solaire dans la pièce « Drumming ». La citation<br />

peut aussi fonctionner à plus vaste échelle, avec des pièces qui sont beaucoup plus<br />

éloignées dans le temps. On retrouve par exemple des danses de pieds et de mains qui<br />

étai<strong>en</strong>t dans « Rosas danst rosas », dans « Achterland », alors que les deux pièces sont<br />

séparées de 7 ans. Dans « ERTS », il y a une espèce d’oscillation, qui a l’air d’une danse<br />

du temps, qui voyage de « Just before », jusqu’à « Amor Constante ». Des battem<strong>en</strong>ts de<br />

91

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!