Mise en page 1 - Théâtre Massalia
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Ecriture et notation musicales : L’écriture et l’espace par Nicolas Frize<br />
une pièce écrite à partir des poèmes d’Eluard, qui s’appelle « Je t’aime, je meurs ». Ce<br />
sont des lettres que Eluard a écrites à Gala. C’est une pièce pour baryton et piano qui<br />
peut être jouée partout, n’importe quand, par quiconque, qui veut ! C’est une pièce de<br />
répertoire. Je l’aime beaucoup. Je ne lui donne pas plus d’importance qu’une autre. Pour<br />
moi, elle est finie. Je sais que d’autres g<strong>en</strong>s vont la rejouer, mais…<br />
Je voulais vous dire que, <strong>en</strong> fait, écrire pour le près ou pour le lointain, ce n’est pas pareil.<br />
Quand on sait qu’un instrum<strong>en</strong>tiste sera là, près de vous, ou qu’il sera à l’autre bout, on<br />
n’écrit pas les mêmes choses. Si on ne sait pas à l’avance qu’il est près ou loin, on n’écrit<br />
pas les mêmes choses non plus. Monteverdi a fait des échos dans certaines pièces, où il<br />
y a un chœur derrière et un devant qui repr<strong>en</strong>d <strong>en</strong> écho, c’est écrit dès l’écriture. On ne<br />
peut pas écrire des choses pour la voix et après, on décidera de les mettre où on veut. Si<br />
une personne est loin, dans une musique, on peut imaginer qu’elle ne va pas chanter les<br />
mêmes choses. Si elle est tout au bord des g<strong>en</strong>s, elle ne va pas non plus chanter la même<br />
chose. Ça n’est pas qu’une question d’int<strong>en</strong>sité, ou de nuance. C’est aussi une question<br />
de cont<strong>en</strong>u musical.<br />
On travaille beaucoup sur le c<strong>en</strong>tripète et le c<strong>en</strong>trifuge. C’est quelque chose que<br />
l’auditeur doit aller chercher, parce qu’on lui donne l’<strong>en</strong>vie d’aller écouter cette chose, et<br />
d’aller la chercher, d’aller la trouver. Au contraire, des fois, on va lui <strong>en</strong>voyer la chose,<br />
pour qu’il l’attrape. Même si il ne veut pas écouter, il va l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre. Les concerts de rock,<br />
ça n’est que c<strong>en</strong>trifuge. C’est <strong>en</strong> face, il y a deux <strong>en</strong>ceintes, on n’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d même pas la<br />
gauche et la droite. C’est <strong>en</strong> mono, c’est très<br />
fort, c’est tout le temps pareil. Je dis ça avec<br />
beaucoup de sérénité, j’écoute beaucoup de<br />
rock. C’est 40 % de mon écoute. Cette musique<br />
est invraisemblable parce qu’elle est c<strong>en</strong>trifuge.<br />
Si on veut aller écouter un truc spécial,<br />
c’est dur. C’est une musique qui ne peut pas<br />
être défaite. C’est comme ça. C’est tout<br />
<strong>en</strong>semble. On a du mal à la défaire. Dèjà, elle<br />
existe rarem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> stéréo, il n’y a pas de<br />
volume. Il n’y a pas d’espace. En fait, elle vous<br />
arrive.<br />
Cette question du c<strong>en</strong>trifuge et c<strong>en</strong>tripète,<br />
c’est important. C’est le mom<strong>en</strong>t où le corps<br />
se transporte, et où il reçoit, c’est cet espèce<br />
d’aller-retour dans l’écoute que nous avons,<br />
dans la vie quotidi<strong>en</strong>ne. Notre oreille est<br />
errante. Elle passe son temps à s’approcher, à<br />
se retirer, à rev<strong>en</strong>ir et à repartir.<br />
Cette question du c<strong>en</strong>trifuge<br />
et c<strong>en</strong>tripète, c’est important.<br />
C’est le mom<strong>en</strong>t où le corps<br />
se transporte, et où il reçoit,<br />
c’est cet espèce d’aller-retour<br />
dans l’écoute que nous<br />
avons, dans la vie<br />
quotidi<strong>en</strong>ne. Notre oreille est<br />
errante. Elle passe son temps<br />
à s’approcher, à se retirer, à<br />
rev<strong>en</strong>ir et à repartir.<br />
J’ai fait tout un programme pédagogique sur<br />
cette question de l’écoute. Comm<strong>en</strong>t on<br />
écoute la musique différemm<strong>en</strong>t de la vie<br />
quotidi<strong>en</strong>ne ? On écoute différemm<strong>en</strong>t parce qu’on a décidé d’écouter, ce que l’on ne fait<br />
pas dans la vie quotidi<strong>en</strong>ne, <strong>en</strong> tout cas dans la durée. Mais il n’empêche que c’est la<br />
même façon, c’est ce qu’on a appris, c’est comme ça qu’on a appris à écouter, et on le<br />
met <strong>en</strong> œuvre dans la musique. Il n’y a pas de raison que les musici<strong>en</strong>s ne travaill<strong>en</strong>t pas<br />
ce va et vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre le c<strong>en</strong>trifuge et le c<strong>en</strong>tripète.<br />
Et puis, il y a cette idée de créer un espace c<strong>en</strong>tral, et de ne pas toujours faire de la<br />
musique à la périphérie. Ne pas faire de la musique à l’extérieur des g<strong>en</strong>s. S’inscrire dans<br />
le vivant, r<strong>en</strong>dre lisible et intelligible ce que l’on fait, et puis, faire sonner et faire absorber.<br />
Vous imaginez que les architectes fabriqu<strong>en</strong>t des murs porteurs et des murs de séparation.<br />
Les murs porteurs ce sont les murs <strong>en</strong> pierre de taille, que certains d’<strong>en</strong>tre vous ont<br />
la possibilité de s’acheter grâce à leur salaire, et les murs de séparation, ce sont ceux que<br />
les autres, qui n’ont pas un pouvoir d’achat très important, peuv<strong>en</strong>t acquérir. C’est dans<br />
les HLM ou les logem<strong>en</strong>ts sociaux. Et comme par hasard, le mur porteur est celui qui<br />
isole, le mur de séparation est celui qui relie. C’est à dire qu’avec un mur de séparation,<br />
vous <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dez tout ce qui se passe de l’autre côté. Et avec un mur porteur, vous n’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dez<br />
ri<strong>en</strong>. Comme par hasard, ce ne sont pas n’importe lesquels d’<strong>en</strong>tre nous qui<br />
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