Mise en page 1 - Théâtre Massalia
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L’écriture au théâtre jeune public - Emerg<strong>en</strong>ce d’un nouveau langage ou nouveau rapport au public ? (1ère partie)<br />
m<strong>en</strong>t une œuvre littéraire au s<strong>en</strong>s qu’il va uniquem<strong>en</strong>t pouvoir se découvrir dans cette<br />
relation d’intimité de la lecture muette ? ». Donc, c’est une complexité, mais je la trouve<br />
très féconde.<br />
Car la question est de savoir si l’éphémère peut t<strong>en</strong>ir dans un livre. Est-ce qu’un livre<br />
peut conc<strong>en</strong>trer, résumer, rassembler, tous les éphémères et les émotions fugaces qu’on<br />
ress<strong>en</strong>t au mom<strong>en</strong>t de la représ<strong>en</strong>tation ? On est là aussi dans une belle question de la<br />
complém<strong>en</strong>tarité. Je crois que fondam<strong>en</strong>talem<strong>en</strong>t, on est du côté de la poésie. Quand on<br />
est du côté de la poésie, on est du côté de l’écart. On est du côté du pas de côté. On est,<br />
comme le disait Truffaut dans un article des Cahiers du Cinéma, (et comme je sais que<br />
Patrick B<strong>en</strong> Soussan aime bi<strong>en</strong> le cinéma, et qu’il est né je crois du côté de la Nouvelle<br />
Vague, dans ces années là, il l’a écrit dans un très beau texte), dans « une certaine t<strong>en</strong>dance<br />
du cinéma français ».<br />
Je le disais au début, de quel bois on se chauffe ? On est dans une certaine t<strong>en</strong>dance du<br />
théâtre jeune public, des arts scéniques, (voire des ars<strong>en</strong>ic), du spectacle vivant, du côté<br />
de la poésie, de ce certain regard que l’on porte sur le monde, de certain regard que l’on<br />
porte sur l’<strong>en</strong>fance.<br />
Voilà, <strong>en</strong> quelques mots, ce que j’avais <strong>en</strong>vie de vous dire par rapport à la question que<br />
vous m’aviez posée, qui traverse mon travail. On va retrouver toutes ces questions au travers<br />
des différ<strong>en</strong>ts points de vue que l’on va <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre grâce à la prés<strong>en</strong>ce d’auteurs, de<br />
metteurs <strong>en</strong> scène, d’artistes, qui trac<strong>en</strong>t un sillon avec ce très joli mouvem<strong>en</strong>t qui apparaît<br />
aujourd’hui de va et vi<strong>en</strong>t. On peut passer de l’un à l’autre. Les frontières sont <strong>en</strong><br />
train de s’estomper. Car ces artistes pos<strong>en</strong>t aujourd’hui d’une autre manière la question<br />
du théâtre et des <strong>en</strong>fants.<br />
On a une petite aération, une virgule théâtrale !<br />
Georges Perpès, comédi<strong>en</strong>, metteur <strong>en</strong> scène (Cie Orphéon)<br />
Je ne sais pas si ça va être une aération. Plutôt une ponctuation, une résonance. On a<br />
choisi 5 textes. On va comm<strong>en</strong>cer par deux textes un peu historiques. L’un écrit par un<br />
acteur, l’autre par un auteur de théâtre.<br />
Lecture de Roger Gaillard, La vie d’un joueur, Calmann Lévy éditeurs, 1953<br />
Bi<strong>en</strong> avant d’absorber avec obstination, les comm<strong>en</strong>taires douceâtres de mon professeur de lettres, j’avais<br />
demandé que l’on me fit cadeau d’un Racine. Non sans résistance, car le couvre-lit noué naguère <strong>en</strong> toge<br />
et les longues stations devant l’armoire à glace, avai<strong>en</strong>t mis la puce à l’oreille des mi<strong>en</strong>s. On me fit prés<strong>en</strong>t,<br />
pour mon quinzième anniversaire, des œuvres complètes de Jean Racine. A l’instant où je trace ces<br />
lignes sur un cahier recouvert de toile, semblable exactem<strong>en</strong>t à mes cahiers de collège, j’ai sur ma table ce<br />
volume. Ouvrons le livre. Sur la <strong>page</strong> de garde voici : Bibliothèque de la jeunesse, Racine, édition épurée,<br />
Gélahure, éditeur rue des Saints Pères. Avertissem<strong>en</strong>t : <strong>en</strong> offrant, particulièrem<strong>en</strong>t aux jeunes g<strong>en</strong>s et aux<br />
jeunes personnes, un choix du théâtre de Racine, nous nous sommes vus obligés d’y faire d’assez nombreuses<br />
épurations, que nous avons opérées au moy<strong>en</strong> de retranchem<strong>en</strong>ts et de coupures. Ces coupures port<strong>en</strong>t<br />
sur des passages qui nous sembl<strong>en</strong>t accessoires, pour l’intérêt du drame, et dont une prud<strong>en</strong>te réserve et<br />
de pieuses conv<strong>en</strong>ances, nous prescrivai<strong>en</strong>t la suppression. On nous dira peut-être que nous avons eu tort<br />
de mutiler Racine. Nous répondrons avec les juges les plus aptes à décider <strong>en</strong> cette matière, que ces tragédies<br />
ont des inconvéni<strong>en</strong>ts réels, qu’elles ne peuv<strong>en</strong>t être transmises intégralem<strong>en</strong>t, parce que ce poète est<br />
trop t<strong>en</strong>dre. Il peint trop vivem<strong>en</strong>t des passions dont on s<strong>en</strong>t toujours, trop tôt les attaques, et qu’il offre,<br />
par conséqu<strong>en</strong>t, tous les dangers les plus pernicieux des compositions théâtrales. Nos p<strong>en</strong>sons faire ce que<br />
Racine, lui-même ferait aujourd’hui, si par opposition, il rev<strong>en</strong>ait parmi nous. Quoi qu’il <strong>en</strong> soit, répétons<br />
le, malgré notre respect pour le tal<strong>en</strong>t d’un grand poète, nous avons de bi<strong>en</strong> plus fortes raisons de respecter<br />
les règles éternelles de la morale, qui sont à nos yeux, ce qu’il y a de plus beau. Terminons <strong>en</strong> disant<br />
que les passages sont nous nous sommes permis la suppression sont d’autant moins excusables qu’ils<br />
n’étai<strong>en</strong>t aucunem<strong>en</strong>t nécessaires aux ressources d’un vrai tal<strong>en</strong>t. Il serait très souhaitable de produire des<br />
chefs-d’œuvre, dans l’art dramatique, sans l’emploi des passions dangereuses ».<br />
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