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Mise en page 1 - Théâtre Massalia

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L’œuvre de Anne Teresa de Keersmaker par Philippe Guisgand<br />

musique de Berg, Weber, et Wagner ». Deuxième indice : la musique jouée live sur le<br />

plateau, avec les musici<strong>en</strong>s sur le plateau chaque fois que c’est possible. Troisième<br />

indice, l’occupation du plateau par les musici<strong>en</strong>s, qui vont jusqu’à danser eux-mêmes<br />

parfois. Là, c’est la photo d’une création « Just before », vous voyez les pianistes au fond,<br />

vous voyez tous les instrum<strong>en</strong>ts d’Ictus, le travail que font les musici<strong>en</strong>s dans un second<br />

plan. Leur place n’est jamais la même, bi<strong>en</strong> qu’elle soit toujours très définie dans les<br />

spectacles. Là ils sont devant, il y a une pièce où il y a une p<strong>en</strong>te à 6 ou 7 %, beaucoup<br />

plus que la moy<strong>en</strong>ne des théâtres à l’Itali<strong>en</strong>ne, qui tombe carrém<strong>en</strong>t dans le piano.<br />

Parfois ils sont un peu sur le côté comme dans « La Grande Fugue », comme on a vu tout<br />

à l’heure. Parfois aussi, comme dans « April Me », vous avez les danseurs et les musici<strong>en</strong>s<br />

qui se mêl<strong>en</strong>t dans des parties chorégraphiques.<br />

Bon, ça c’est au rayon des indices. Au rayon des explications de ce postulat esthétique,<br />

j’<strong>en</strong> ai parlé tout à l’heure, il y a une r<strong>en</strong>contre déterminante, au mom<strong>en</strong>t où elle était<br />

jeune étudiante <strong>en</strong> danse, à MUDRA, avec Fernand Schirr<strong>en</strong>. Anne Teresa de Keersmaeker<br />

n’a pratiquem<strong>en</strong>t jamais écrit, la seule chose qu’elle ait écrite, c’est lors de la publication<br />

par Nouvelles de Danse, du fac-similé du Traité de Rythme de Fernand Schirr<strong>en</strong> où elle a<br />

écrit une petite préface, avec Maguy Marin qui était aussi étudiante à MUDRA à la même<br />

époque.<br />

Autre explication, une curiosité éclectique naturelle qui l’a am<strong>en</strong>ée au devant de toutes<br />

les musiques. Elle a toujours justifié ses choix dans les interviews, les <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s avec la<br />

presse, par une r<strong>en</strong>contre amoureuse avec une forme de musique, avec une certaine<br />

musique. Et puis, aussi, mais ça c’est peut-être un arrière-plan moins connu, elle a un<br />

<strong>en</strong>tourage musical. Elle est musici<strong>en</strong>ne, il y a les musici<strong>en</strong>s d’Ictus, mais aussi les g<strong>en</strong>s<br />

qui l’<strong>en</strong>tourai<strong>en</strong>t quand elle était <strong>en</strong> résid<strong>en</strong>ce à la Monnaie, à l’Opéra de Bruxelles, qui<br />

a duré une quinzaine d’années. Un <strong>en</strong>tourage musical très compét<strong>en</strong>t et très incitateur.<br />

Les g<strong>en</strong>s lui disai<strong>en</strong>t « Ti<strong>en</strong>s, Anne Teresa, tu devrais écouter, ça, compte t<strong>en</strong>u de ce que<br />

tu as déjà fait, ça pourrait être intéressant etc. ». Donc autant d’élém<strong>en</strong>ts qui ont fondé,<br />

au fil de sa carrière, l’image d’une chorégraphe musici<strong>en</strong>ne, pour qui la musique constitue<br />

une donnée fondam<strong>en</strong>tale et est organisatrice de son travail. Schirr<strong>en</strong> disait : « Le<br />

bon chorégraphe est celui qui s’id<strong>en</strong>tifie et compose, tandis que le mauvais juxtapose ».<br />

Elle est un peu atypique dans la nouvelle danse des années 80, à un mom<strong>en</strong>t où,<br />

forcém<strong>en</strong>t, après les expéri<strong>en</strong>ces de Cage et Cunningham, c’est à dire la possibilité<br />

d’avoir une cœxist<strong>en</strong>ce presque de hasard, <strong>en</strong>tre la danse et la musique, rares étai<strong>en</strong>t<br />

ceux qui avai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>vie, dans la nouvelle danse, dans les années 80 <strong>en</strong> Belgique, <strong>en</strong><br />

France, <strong>en</strong> Angleterre, d’utiliser la musique dans les rapports classiques qu’offrait déjà<br />

l’histoire de la danse. Souv<strong>en</strong>t eux-mêmes n’étai<strong>en</strong>t pas musici<strong>en</strong>s. Donc la confrontation<br />

avec les grands compositeurs a toujours mis son travail à l’épreuve d’une exig<strong>en</strong>ce,<br />

qui est t<strong>en</strong>tée de construire une espèce d’<strong>en</strong>veloppem<strong>en</strong>t mutuel <strong>en</strong>tre la danse et la<br />

musique, et d’<strong>en</strong> faire un seul individu esthétique, sans qu’un art singe l’autre, ou t<strong>en</strong>te<br />

même de pr<strong>en</strong>dre l’asc<strong>en</strong>dant sur l’autre. C’est cette forme d’intuition commune <strong>en</strong>tre la<br />

danse et la musique, mais j’<strong>en</strong> reparlerais plus tard, qui fonde ce rapport, cette<br />

particularité de Keersmaeker, chorégraphe musici<strong>en</strong>ne.<br />

Il y a aussi une périodisation<br />

de la musique. On<br />

peut distinguer trois grandes<br />

périodes dans son travail, avec des relations musicales différ<strong>en</strong>tes. La première est<br />

courte : 1982-1985, où la partition est abordée comme une espèce de maître autoritaire<br />

à défier. C’est spécialem<strong>en</strong>t criant dans « Rosas danst rosas », à travers des constructions<br />

chiffrées, glaciales qu’avai<strong>en</strong>t écrites Thierry de Mey, spécialem<strong>en</strong>t pour ce spectacle, où<br />

véritablem<strong>en</strong>t, c’est un casse-tête. C’est à dire que les danseuses r<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t dans la<br />

partition tête la première, et c’est un défi. Deuxième temps, de 1986 jusqu’au milieu des<br />

années 90, c’est le temps des grandes partitions de la tradition classique, romantique,<br />

avec Beethov<strong>en</strong>, jusqu’à Bartók, où la danse pr<strong>en</strong>d une sorte de distance avec le cérémonial<br />

de la grande musique, mais <strong>en</strong> épouse quand même les principes. Parmi ces principes,<br />

on trouve le thématisme. Le matériel chorégraphique ne se déduit pas de qualités<br />

de mouvem<strong>en</strong>ts que souhaiterait imprimer Anne Teresa de Keersmaeker ou les danseurs<br />

eux-mêmes qui particip<strong>en</strong>t évidemm<strong>en</strong>t beaucoup à la création du matériau, mais s’inspire<br />

des processus, de la notion de phrase de base, qui est ce point de départ, à partir<br />

duquel va se générer, sortir le reste du matériau. Deuxième caractéristique très musicale,<br />

la notion de polyphonie, notamm<strong>en</strong>t sur le modèle du canon. La même phrase chorégraphique<br />

se diffracte dans des compositions de plus <strong>en</strong> plus complexes. C’est ce qui<br />

Une périodisation de la musique.<br />

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