Mise en page 1 - Théâtre Massalia
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Du fait divers à la fiction, le cas Roberto Zucco par Jean-Pierre Ryngaert<br />
Troisième référ<strong>en</strong>ce à des exemples : on a des prises de parole directes d’un personnage<br />
qui est désigné comme l’Auteur à la hache sous forme de monologue ouvrant et fermant<br />
la pièce, et écrites par des élém<strong>en</strong>ts courts et séparées par des slashes. Il arrive égalem<strong>en</strong>t<br />
que ce personnage s’adresse à une autre série de personnages, <strong>en</strong> particulier à<br />
Succo, sans que la prés<strong>en</strong>ce de celui-ci <strong>en</strong> scène soit précisém<strong>en</strong>t avérée.<br />
Quatrième série d’exemples : on a des scènes <strong>en</strong>tre l’écrivain qui mène son <strong>en</strong>quête sur le<br />
serial killer et une serveuse du restaurant. Dans la liste des personnages, j’insiste, l’Auteur<br />
à la hache et l’Ecrivain ne font qu’un mais ils se distingu<strong>en</strong>t dans le cours du texte par la<br />
nature de leurs interv<strong>en</strong>tions. L’Ecrivain semble plus ordinaire, <strong>en</strong> tout cas, plus inoff<strong>en</strong>sif.<br />
Voilà une scène <strong>en</strong>tre l’Ecrivain et la Serveuse à l’Auberge du Lac.<br />
L’ECRIVAIN. - Plus personne. Vous n’att<strong>en</strong>dez plus que moi pour fermer on dirait.<br />
LA SERVEUSE. - Je ne suis pas pressée. Le patron peut-être un peu. Les g<strong>en</strong>s se couch<strong>en</strong>t comme des<br />
poules ici. Ce sont des familles surtout.<br />
L’ECRIVAIN. - C’est toujours aussi apaisant de dîner au-dessus du lac.<br />
LA SERVEUSE. - Vous étiez déjà v<strong>en</strong>u ?<br />
L’ECRIVAIN. - Oui souv<strong>en</strong>t. Mais vous par contre, vous êtes nouvelle. Il fait déjà presque nuit.<br />
LA SERVEUSE. - Vous habitez Annecy ?<br />
L’ECRIVAIN. - Non, non. Je suis à l’hôtel un peu plus haut. Et vous, vous êtes d’ici ?<br />
LA SERVEUSE. - Non, de Gr<strong>en</strong>oble, je suis ici pour l’été.<br />
L’ECRIVAIN. - Je vi<strong>en</strong>s de temps <strong>en</strong> temps voir ma mère, à Annecy.<br />
LA SERVEUSE. - Ah bon, et vous desc<strong>en</strong>dez à l’hôtel ? Excusez-moi, je suis indiscrète.<br />
L’ECRIVAIN. - Je préfère être un peu à l’écart. Rapport à la ville. Je suis plus tranquille pour travailler.<br />
J’ai le lac sous ma f<strong>en</strong>être.<br />
LA SERVEUSE. - Vous n’êtes pas <strong>en</strong> vacances ?<br />
L’ECRIVAIN. - Si aussi. J’écris.<br />
LA SERVEUSE. - Qu’est-ce que vous écrivez ? Euh, vous pouvez m’<strong>en</strong>voyer prom<strong>en</strong>er, hein !<br />
L’ECRIVAIN. - Non non, pas du tout, j’écris une pièce sur un serial killer.<br />
LA SERVEUSE. - Ah la la…<br />
L’ECRIVAIN. - Qui a semé la mort il y a plus de dix ans.<br />
LA SERVEUSE. - Et vous, vous êtes v<strong>en</strong>u <strong>en</strong>quêter sur place ?<br />
L’ECRIVAIN. - Non, même pas. C’est une coïncid<strong>en</strong>ce. Je suis v<strong>en</strong>u voir ma mère. L’<strong>en</strong>quête a déjà été<br />
faite, il y a un livre.<br />
LA SERVEUSE. - Et vous vous écrivez une pièce sur ce type ?<br />
L’ECRIVAIN. - C’est ça.<br />
LA SERVEUSE. - Pourquoi ?<br />
’est toute la question. Pourquoi diable Danan revi<strong>en</strong>t-il sur cette affaire ? Pourquoi<br />
mène-t’il une <strong>en</strong>quête aussi minutieuse, avec un Ecrivain qui est assez inoff<strong>en</strong>sif ?<br />
L’Auteur à la hache lui, peut tout à fait manifester de la colère, du ress<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t, des émotions,<br />
qui sont notamm<strong>en</strong>t dirigées contre Succo. Mais dans une autre scène de<br />
l’Ecrivain, intitulée « Quelque part dans le midi de la France », l’Ecrivain est seul <strong>en</strong><br />
scène mais il semble qu’il s’adresse à une forme de personnage abs<strong>en</strong>t, qui ne figure pas<br />
dans la liste, et qui pourrait être sa mère.<br />
Là, je m’arrête un instant parce que ça va faire partie des séries de parallélismes qui vont<br />
apparaître. Succo et Zucco avai<strong>en</strong>t un rapport très particulier à leur mère, qui a été<br />
jusqu’au meurtre. Ici, on a affaire à l’Ecrivain qui a aussi un rapport peut-être un peu particulier,<br />
peut-être banal, je n’<strong>en</strong> sais ri<strong>en</strong>, à sa mère. Donc le texte est fortem<strong>en</strong>t adressé,<br />
mais il est construit autour de « blancs », qui pourrai<strong>en</strong>t correspondre aux répliques de<br />
celle que l’on n’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d pas. La mère, on ne l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dra jamais.<br />
L’ECRIVAIN. - La mer est belle. Comme tout est simple. La mer, le ciel, cette terrasse au soleil, sur les<br />
rochers, c’est autre chose que le lac d’Annecy. Et oui, il a son charme aussi, qui n’est pas moins simple.<br />
C’est un peu clos, c’est un lac. C’est <strong>en</strong> face que nous sommes. J’ai toujours rêvé de v<strong>en</strong>ir vivre dans le sud.<br />
C’est un non-retour. Moi aussi je disparaîtrai un jour. Je sais. Pas de café ? Bon on va y aller. C’était<br />
bi<strong>en</strong>, hein ? Et pas très cher. Je regarde, je regarde la mer. Je revi<strong>en</strong>drai bi<strong>en</strong>tôt mais l’été sera fini. Ce ne<br />
sera plus cette lumière du plein midi. On y va ? Tu vas être bi<strong>en</strong> ici, tu verras, c’est tranquille.<br />
La mort pour la mère de Zucco, la maison de retraite pour la mère de l’Ecrivain.<br />
Cinquième exemple : une scène où le dialogue est <strong>en</strong>train de s’écrire. Ou plutôt la scène<br />
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