Mise en page 1 - Théâtre Massalia
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L’écriture au théâtre jeune public - Emerg<strong>en</strong>ce d’un nouveau langage ou nouveau rapport au public ? (1ère partie)<br />
écrire un texte qui les alerte et les empêche de le dev<strong>en</strong>ir. C’est la fable qui s’est imposée<br />
quant à la forme. La fable, avec ces personnages de bêtes familières, prés<strong>en</strong>tes à l’esprit<br />
de chaque <strong>en</strong>fant. Quoi de plus banal qu’une histoire de chat, de chi<strong>en</strong>ne et même de<br />
souris. Mais quelle fable ? Et surtout pour quelle morale ? Le grand La Fontaine m’avait<br />
traumatisée dès l’<strong>en</strong>fance avec « la raison du plus fort est toujours la meilleure ».<br />
L’histoire de ce demi-siècle s’est violemm<strong>en</strong>t inscrite <strong>en</strong> faux. Je décidais que tout le travail<br />
d’écriture découlerait de mon att<strong>en</strong>tion particulière aux erreurs d’aiguillage, et peu à<br />
peu, le concept de tolérance et de respect de l’autre, remplaça celui de racisme, et je me<br />
s<strong>en</strong>tis libre ».<br />
Quand on lit cette pièce, <strong>en</strong>core faut-il savoir la lire, si on reste à la fable première, on va<br />
dire, c’est une bluette, cette histoire de chat, de chi<strong>en</strong>ne et de souris. Les att<strong>en</strong>dus que<br />
nous livre Claude Morand, nous montr<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> que les différ<strong>en</strong>ts niveaux de lecture, dont<br />
on va faire son miel <strong>en</strong>suite, sont ess<strong>en</strong>tiels, et c’est à ce mom<strong>en</strong>t là qu’on comm<strong>en</strong>ce à<br />
r<strong>en</strong>trer dans le champ de la littérature. Puisque la littérature suggère plus qu’elle ne<br />
décrit. Elle invite à rêver plus qu’elle ne prescrit. Avec ce g<strong>en</strong>re de textes, et Philippe<br />
Dorin nous parlera tout à l’heure de son écriture, on <strong>en</strong>tre dans un nouveau champ littéraire,<br />
on élargit la littérature à de nouveaux univers. Donc, cette littérature théâtrale, qui<br />
a comm<strong>en</strong>cé à naître dans les années 80, a pris à contre pied les att<strong>en</strong>dus du théâtre et<br />
de la littérature, puisque la nature même des auteurs, et c’est ce qui est nouveau et révolutionnaire,<br />
dans leur for intérieur, dans leur désir, leur motivation et leur urg<strong>en</strong>ce, ont à<br />
écrire aussi pour les <strong>en</strong>fants, ils r<strong>en</strong>ouvell<strong>en</strong>t ainsi radicalem<strong>en</strong>t le regard sur l’<strong>en</strong>fance,<br />
sur le théâtre de l’<strong>en</strong>fance, et r<strong>en</strong>ouvell<strong>en</strong>t la prés<strong>en</strong>ce de l’<strong>en</strong>fant au théâtre.<br />
Je crois qu’on peut dire, sans employer un gros mot, que c’est une véritable révolution<br />
copernici<strong>en</strong>ne qui se déroule à l’occasion de l’émerg<strong>en</strong>ce de ce répertoire. D’une formule<br />
on pourrait dire que ce n’est plus le théâtre qui va aux <strong>en</strong>fants, mais que ce sont les<br />
<strong>en</strong>fants qui retourn<strong>en</strong>t au théâtre, comme art de la métaphore, comme art du simulacre,<br />
comme art de la représ<strong>en</strong>tation. Ce sont bi<strong>en</strong>, donc, à cette occasion là, les <strong>en</strong>fants qui<br />
retourn<strong>en</strong>t au théâtre. Car il s’agit bi<strong>en</strong>, c’est l’autre point important qu’il faut signaler,<br />
que c’est une véritable révolution littéraire qui <strong>en</strong>globe les adultes, et qui ne produit pas,<br />
comme à la naissance de la littérature de jeunesse, une littérature de substitution. Parce<br />
qu’elle produit une littérature de contribution, une littérature de création.<br />
On est là <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce d’un élargissem<strong>en</strong>t, d’un approfondissem<strong>en</strong>t de ce champ littéraire,<br />
qui s’inscrit dans le monde, dans un monde d’aujourd’hui, partagé par les adultes.<br />
Ce partage de ce monde avec les adultes, à l’occasion de cette révolution littéraire, est<br />
tout à fait ess<strong>en</strong>tiel pour compr<strong>en</strong>dre, et pour mieux lire, car il s’agit bi<strong>en</strong> aussi de ça, de<br />
mieux lire cette littérature créative, qui est <strong>en</strong>train de naître.<br />
Cela pose plein de jolis problèmes. Parce que tout ça est complexe. Tout ça est contradictoire.<br />
Pourquoi ? Parce qu’on est dans le domaine de l’œuvre et de l’art, et que l’œuvre trouble. Elle<br />
fait rupture. Sinon, cela n’est pas de l’art. Ces textes aux écritures protéiformes, comme dans le<br />
théâtre pour adultes, c’est à dire que de Godot à Zucco, pour repr<strong>en</strong>dre le titre de l’anthologie<br />
qu’a écrite Michel Azama, se gliss<strong>en</strong>t des Nathalie Papin, des Philippe Dorin, des Bruno Castaing,<br />
des Suzanne Lebeau. Mais ils ne se gliss<strong>en</strong>t plus subrepticem<strong>en</strong>t, ils ne sont pas <strong>en</strong> contrebande,<br />
ce ne sont plus des passagers clandestins. Ils sont reconnus comme auteurs. On voit bi<strong>en</strong><br />
qu’on est <strong>en</strong>core obligés de dire « reconnaître », alors qu’on devrait dire « connaître ». C’est à<br />
dire, « naître avec eux » au théâtre. Au s<strong>en</strong>s étymologique de connaissance, « Naître à nouveau,<br />
à l’occasion de ».<br />
On voit bi<strong>en</strong> que l’on est dans un mouvem<strong>en</strong>t tout à fait fondam<strong>en</strong>tal, parce qu’à cette question<br />
là du statut du texte, qui a à voir avec cette question des écritures, on va devoir aujourd’hui,<br />
rajouter, d’une manière<br />
En gros, et pour rev<strong>en</strong>ir à 68,<br />
nous passons de la discipline théâtrale,<br />
à l’indiscipline artistique.<br />
Je trouve que ce qui est intéressant,<br />
c’est que cette indiscipline artistique<br />
aujourd’hui, s’écrit, se p<strong>en</strong>se.<br />
extrêmem<strong>en</strong>t riche, d’où la<br />
prés<strong>en</strong>ce autour de cette<br />
table, de Christian<br />
Carrignon et d’Isabelle<br />
Hervouët, emblématiques<br />
d’un autre mouvem<strong>en</strong>t,<br />
c’est la question des nouveaux<br />
langages artistiques<br />
qui contribu<strong>en</strong>t à cette<br />
nouvelle littérature active,<br />
littérature vivante.<br />
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