Mise en page 1 - Théâtre Massalia
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Traditions, transgressions, proposé par La P<strong>en</strong>sée de Midi<br />
que chose qui part, comme ça, ils s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t quelque chose. Je p<strong>en</strong>se par exemple à Nidaa<br />
Abou Mrad, qu’on pourrait presque prés<strong>en</strong>ter comme un intégriste de la tradition. Lui, il<br />
est retourné aux Abbasides, il fait une recherche extrêmem<strong>en</strong>t précise. Il est le grand spécialiste.<br />
Il a étudié non seulem<strong>en</strong>t cette période, mais aussi tous les musicologues qui<br />
avai<strong>en</strong>t étudié cette période. Vous savez, c’est la réflexion, et le discours sur le discours…<br />
Il a tout étudié, c’est un puriste, c’est un intégriste. Au départ, la r<strong>en</strong>contre avec Zad<br />
Moultaka était improbable. Elle était imp<strong>en</strong>sable, parce que, <strong>en</strong> plus, il avait comm<strong>en</strong>cé<br />
par la musique occid<strong>en</strong>tale, le violon baroque… Il est allé tourner un peu partout <strong>en</strong><br />
Europe… Et puis il y a eu cette espèce de retour, comme définitif à cet <strong>en</strong>droit là. Comme<br />
s’il avait trouvé son espace. Donc la r<strong>en</strong>contre avec Zad Moultaka était imp<strong>en</strong>sable. Tu es<br />
d’accord ?<br />
Zad Moultaka<br />
Oui.<br />
Catherine Peillon<br />
Elle était excessivem<strong>en</strong>t difficile. En plus, moi j’avais lu beaucoup de témoignages et<br />
d’<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s qu’il avait pu accorder à droite et à gauche. Et je me disais : « Comm<strong>en</strong>t<br />
faire ? ». Parce que je voulais absolum<strong>en</strong>t que ces deux personnes aussi exigeantes se<br />
r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t. Outre le fait qu’il avait ce côté un peu puriste, intégriste, je voulais qu’ils se<br />
r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t. C’était une intuition. Finalem<strong>en</strong>t, la r<strong>en</strong>contre a eu lieu. Au départ, chacun<br />
doit faire un effort terrible, mais il y a une sorte de reconnaissance. Notamm<strong>en</strong>t sur la<br />
pièce que vous avez <strong>en</strong>t<strong>en</strong>due hier, « Zourna », pour ceux qui étai<strong>en</strong>t là, qui est juste<br />
après la lecture de R<strong>en</strong>aud Ego, la première pièce au soprano. Quand Nidaa Abou Mrad<br />
a <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du ça, il l’a trouvée extraordinaire. Alors que c’est quelqu’un qui disait : « Hors<br />
Bach, il n’y a point de salut dans musique occid<strong>en</strong>tale. Il n’y a pas de perspective. Il ne<br />
peut pas y avoir de musique arabe contemporaine ».<br />
Zad Moultaka<br />
Oui, c’est surtout ça. Par rapport à la musique arabe, il n’y a pas de transgression possible.<br />
Catherine Peillon<br />
Que c’était impossible. Donc ça, c’est la première chose. La deuxième, c’est que récemm<strong>en</strong>t,<br />
au cours d’un concert qui était vraim<strong>en</strong>t très expérim<strong>en</strong>tal, ce n’était pas un<br />
concert achevé, c’était une forme <strong>en</strong> dev<strong>en</strong>ir, c’était « La f<strong>en</strong>être sur cour », à la Fondation<br />
Royaumont, un « work in progress », comme on dit, est v<strong>en</strong>u un joueur de nay. Mais ce<br />
joueur de nay, <strong>en</strong> fait n’est pas arabe, ni ori<strong>en</strong>tal, il est tout à fait parisi<strong>en</strong>, et cela fait 25<br />
ans qu’il s’est plongé dans ce milieu là. Il a changé son prénom. De Jean-Luc ou de Hervé,<br />
il est dev<strong>en</strong>u Haroun, et ça s’est accompagné de toute une métamorphose intérieure, ditil.<br />
Je fais exprès d’<strong>en</strong> parler juste après Nidaa Abou Mrad, qui d’ailleurs, est un savant, on<br />
n’<strong>en</strong> trouve plus des g<strong>en</strong>s comme ça, il a aussi un diplôme de Médecine, il a aussi…<br />
<strong>en</strong>fin, bon, il est musicologue, il est violoniste… C’est un homme d’une très grande<br />
<strong>en</strong>vergure. Donc, Haroun arrive au concert. Autant dire qu’il n’apprécie pas l’expéri<strong>en</strong>ce<br />
qui est <strong>en</strong>train d’être donnée. A la fin du concert, il parle à une petite fille, qui <strong>en</strong> fait,<br />
nous a tout rapporté. Il a dit qu’il avait fallu qu’il att<strong>en</strong>de d’avoir, je ne sais pas 50 ans,<br />
pour <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre des choses pareilles, aussi scandaleuses. Donc on s’est trouvé dans cette<br />
position où c’est celui qui a emprunté la culture de l’autre qui est bi<strong>en</strong> plus intégriste que<br />
l’autre. Pour répondre à ta question. Donc celui qui fantasme sur cette culture, lui, il<br />
place tout de suite…<br />
Thierry Fabre<br />
La sur<strong>en</strong>chère des convertis.<br />
Un homme dans l’assemblée<br />
Parce que ça le déstabilise.<br />
Catherine Peillon<br />
C’est exactem<strong>en</strong>t la même question qui était posée à l’atelier avec l‘histoire de la langue<br />
dont on ne peut tout transcrire, <strong>en</strong> termes de métrique et de rythmique. C’est à dire que lui,<br />
il a épousé une certaine forme de la culture de l’autre, mais cette forme, il ne peut pas, il ne<br />
l’a pas intégrée de manière à pouvoir réellem<strong>en</strong>t vivre avec cette forme et la faire évoluer.<br />
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