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Mise en page 1 - Théâtre Massalia

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L’œuvre de Anne Teresa de Keersmaker par Philippe Guisgand<br />

à ce mom<strong>en</strong>t là, il y a peut-être un peu de cette relation musique-mouvem<strong>en</strong>t.<br />

Ce saut qu’on vi<strong>en</strong>t de voir, ou du moins, ces déclinaisons autour d’un saut, vi<strong>en</strong>t d’une<br />

manière dont Keersmaeker a cerné des registres moteurs spontanés qui étai<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>ts<br />

chez les hommes et chez les femmes. Ça peut paraître un peu contradictoire de dire ça<br />

quand on vous propose une pièce où apparemm<strong>en</strong>t, les rôles peuv<strong>en</strong>t être indifféremm<strong>en</strong>t<br />

t<strong>en</strong>us par des hommes ou par des femmes. Mais elle dit, au mom<strong>en</strong>t de « ERTS » : « La<br />

femme bouge avec la pesanteur, l’homme bouge contre ». L’homme, pour elle, avec sa<br />

prés<strong>en</strong>ce différ<strong>en</strong>te et sa motricité qui est quand même relativem<strong>en</strong>t inédite, elle n’a pas<br />

<strong>en</strong>core beaucoup travaillé avec des hommes, apparaît au départ dans « Mikrokosmos »,<br />

c’est à dire dans la création précéd<strong>en</strong>te. Il semble bi<strong>en</strong> qui la chorégraphe ait du mal à<br />

cerner la motricité de l’homme, si on <strong>en</strong> juge par la manière dont elle choisit, pour ce<br />

premier duo dans « Mikrokosmos », ses interprètes. Là, c’est Oliver Koch, mais au départ,<br />

à la création, c’était Jean-Luc Ducourt, ou Martin Kilvady, qui sont des danseurs très<br />

grands, et qui ont un air un peu dégingandé, parfois presque malhabile, notamm<strong>en</strong>t pour<br />

Jean-Luc Ducourt.<br />

Le saut apparaît avec l’arrivée des hommes dans la compagnie. Avant, dans les pièces<br />

précéd<strong>en</strong>tes, il n’y a vraim<strong>en</strong>t aucun rapport avec cette asc<strong>en</strong>sion verticale. Un saut qui<br />

va dev<strong>en</strong>ir typique : c’est un cloche-pied. On ne le voit pas ici parce qu’il est un peu<br />

différ<strong>en</strong>t, c’est vraim<strong>en</strong>t les premières images où on voit des susp<strong>en</strong>sions. Un clochepied<br />

qui est réalisé sur une jambe t<strong>en</strong>due, et avec l’autre jambe qui est retirée au g<strong>en</strong>ou<br />

ou à la cheville. Il est souv<strong>en</strong>t accompagné d’un port de bras <strong>en</strong> seconde qui l’équilibre<br />

et <strong>en</strong> même temps lui donne une composante esthétique horizontale. On peut même<br />

dire que ce saut, qui est fait des dizaines et des dizaines de fois dans la Grande Fugue,<br />

est véritablem<strong>en</strong>t emblématique de son style. Notamm<strong>en</strong>t dans cet ultime saut, qui vous<br />

voyez là, dans la Grande Fugue, c’est un saut sans retombée. Vous avez un saut à l’unisson<br />

des huit danseurs, et qui est saisi dans un cut au noir. C’est à dire que vous ne voyez<br />

pas les danseurs retomber. Ils s’<strong>en</strong>vol<strong>en</strong>t presque définitivem<strong>en</strong>t. Ça fait un peu p<strong>en</strong>ser<br />

à Nijinski dans « Le Spectre de la Rose », il s’<strong>en</strong>vole par la f<strong>en</strong>être, on ne voit pas la<br />

retombée du saut.<br />

Deuxième élém<strong>en</strong>t du style de cette époque, c’est<br />

le statut du sol, la manière dont Keersmaeker<br />

Le statut du sol.<br />

conçoit le rôle du sol, qui gagne <strong>en</strong> importance, et qui est toujours un dialogue, un<br />

travail dynamique <strong>en</strong>tre le corps et le sol. Le sol est une aide. C’est une surface qui va<br />

contribuer à tisser des li<strong>en</strong>s avec une danse qui devi<strong>en</strong>t une danse véritablem<strong>en</strong>t de<br />

dép<strong>en</strong>se. Un peu comme celle, à la même époque que propose un Lloyd Newson, un<br />

Edouard Lock au Canada, ou un Wim Vandekeybus aussi <strong>en</strong> Flandre. Mais chez<br />

Keersmaeker, la desc<strong>en</strong>te n’est jamais suivie d’une immobilité, comme c’est le cas chez<br />

Edouard Lock, ou d’une déflagration, comme c’est le cas chez Vandekeybus. Au contraire,<br />

c’est toujours une accélération qui permet de relancer le corps et qui lui permet de s’ériger,<br />

pour mieux rebondir à nouveau. On retrouve ce rôle du sol dans « Stella », dans<br />

« Achterland », dont vous voyez <strong>en</strong> haut une photo, ou dans « ERTS ».<br />

La troisième caractéristique qui est finalem<strong>en</strong>t une des caractéristiques majeures,<br />

prés<strong>en</strong>te dans toute l’œuvre, c’est évidemm<strong>en</strong>t le rapport amoureux à la musique. C’est<br />

un vaste sujet, que je ne vais faire qu’évoquer ici, tout simplem<strong>en</strong>t parce que je ne suis<br />

pas musici<strong>en</strong> de formation. Pour y répondre, j’ai comm<strong>en</strong>cé à travailler avec Jean-Luc<br />

Plouvier, qui est le directeur artistique d’Ictus, avec lequel on va publier la semaine prochaine,<br />

dans une revue que vous connaissez peut-être, qui est la revue Repères, éditée par<br />

la Bi<strong>en</strong>nale du Val de Marne, qui sort un numéro précisém<strong>en</strong>t sur « Musique et danse ».<br />

Donc là, on a essayé de creuser un peu la question. Ce qui est sûr, c’est que Keersmaeker,<br />

et là il n’y a pas besoin d’être musici<strong>en</strong> pour le dire, est allée vers des formes de musique<br />

assez variées, et presque maint<strong>en</strong>ant vers toutes les musiques. Elle a utilisé le<br />

Baroque, Purcell, Bach ; le Classique, avec Mozart, Beethov<strong>en</strong> ; la musique moderne,<br />

Berg, Schönberg, Webern, Bartók ; la musique contemporaine, Cage, Ligeti, Steve Reich,<br />

Thierry de Mey ; la musique d’opéra, Monteverdi ; la musique populaire, « Wants » est<br />

fait sur des chansons de Joan Baez ; le jazz, avec Miles Davis et John Coltrane ; ce qu’on<br />

appelle les musiques du monde, notamm<strong>en</strong>t les raga indi<strong>en</strong>s, dans une pièce plus<br />

réc<strong>en</strong>te qui s’appelle « Desh », créée <strong>en</strong> 2005.<br />

Qu’est-ce que c’est que cette relation à la musique ? Il y a des indices. Les premiers sont<br />

qu’il y a de nombreux titres de Rosas qui repr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t le nom des compositeurs, ou des<br />

partitions. « Fase », c’est le raccourci, mais le titre global, c’est « Fase, quatre mom<strong>en</strong>ts<br />

sur une musique de Steve Reich ». « Bartók annoté », « Woud, trois mom<strong>en</strong>ts sur une<br />

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