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Mise en page 1 - Théâtre Massalia

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Ecriture et notation musicales : L’écriture et l’espace par Nicolas Frize<br />

volumes acoustiques très intéressants. Il y avait d’imm<strong>en</strong>ses hauteurs de plafonds, des<br />

lignes de fuite très grandes. En éclairant très peu, on ne savait pas où étai<strong>en</strong>t les murs,<br />

c’était à perte de vue. C’est vraim<strong>en</strong>t le cas des textes que j’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dais, qui sont des textes<br />

à perte de vue. On a l’impression que ça se prolonge sans cesse, que ça ne peut<br />

jamais s’arrêter, et que tout est possible. Au contraire de ce qu’on peut croire, il n’y a pas<br />

de murs. Ce sont des textes sans murs. Je ne dis pas que quand on est intellig<strong>en</strong>t, on a<br />

des murs, mais <strong>en</strong> tout cas, quand on perd la cohér<strong>en</strong>ce sémantique, il y a une sorte de<br />

vertige, d’espace sans fin, d’infini. J’avais cherché cette usine, et je l’avais travaillée <strong>en</strong><br />

éclairage pour qu’il n’y ait plus de limites.<br />

Là on arrive sur une deuxième création, qui est une chronique sur la voix des g<strong>en</strong>s. J’ai<br />

<strong>en</strong>registré 200 personnes, il y a quelques années, avec l’<strong>en</strong>vie de créer une mémoire de<br />

la voix, et <strong>en</strong> postulant que les voix ont changé <strong>en</strong> 50 ans, <strong>en</strong> 100<br />

Chronique sur<br />

la voix des g<strong>en</strong>s.<br />

ans, <strong>en</strong> 300 ans.<br />

Mais on ne peut pas le mesurer parce qu’on a pas d’<strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t.<br />

Et on voit bi<strong>en</strong> que dans les premiers films sonores, les g<strong>en</strong>s ne parlai<strong>en</strong>t<br />

pas pareil que nous. Mais on n’est pas très sûrs, c’est évidemm<strong>en</strong>t<br />

dû aux micros, les voix étai<strong>en</strong>t un peu plus aiguës, comme celle d’Arletty, un peu<br />

plus pointues. Est-ce que c’est le cinéma, les micros… ? On a du mal à mesurer ça.<br />

Donc j’ai <strong>en</strong>registré 200 personnes, <strong>en</strong> leur faisant faire un même corpus. C’était un peu<br />

sci<strong>en</strong>tifique. Ils dis<strong>en</strong>t une même série de textes. Par exemple, ils dis<strong>en</strong>t « La Déclaration<br />

des Droits de l’Homme », un extrait de « Lucky Luke », et « Les Trois Petits Cochons ». Ce<br />

qui est très intéressant, si je vous le fais lire par chacun de vous, vous allez dire : (Il pr<strong>en</strong>d<br />

un ton de récit d’une histoire, d’un conte) « Alors, le troisième petit cochon… », et vous<br />

le racontez comme si vous le disiez à un <strong>en</strong>fant. Tout le monde le fait spontaném<strong>en</strong>t. Et<br />

quand vous lisez « Lucky Luke », (il pr<strong>en</strong>d un ton « western »), « Les Daltons… », vous<br />

mettez la voix <strong>en</strong> arrière, et vous parlez d’une voix un peu gutturale. Quand vous lisez<br />

« La Déclaration des Droits de l’Homme », vous pr<strong>en</strong>ez un ton neutre, inexpressif, vous<br />

respirez un grand coup et vous dites « Les hommes naiss<strong>en</strong>t et meur<strong>en</strong>t libres et égaux<br />

<strong>en</strong> droits… ».<br />

J’étais amusé de voir qu’il y avait des référ<strong>en</strong>ces culturelles comme ça très intéressantes<br />

sur le timbre, sur le son, sur le sil<strong>en</strong>ce, sur la position de la voix, sur le souffle, qui nous<br />

sont communes et qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t du fait qu’on vit <strong>en</strong>semble, qu’on écoute les mêmes<br />

radios, et que l’on se parle.<br />

J’ai imaginé que dans 50 ans, les choses pourrai<strong>en</strong>t ne pas se passer de la même façon.<br />

Peut-être qu’on fera des phrases moins longues, peut-être qu’on chantera <strong>en</strong>core beaucoup<br />

plus que maint<strong>en</strong>ant. Ou peut-être qu’au contraire, on devi<strong>en</strong>dra très neutre, collectivem<strong>en</strong>t.<br />

Donc j’ai fait ce gros travail. Après, j’ai fait toute une série de pièces qui voulai<strong>en</strong>t montrer<br />

la voix dans tous ses états. Ça a donc donné des scénographies.<br />

(Il désigne une photo). Ici, il y a des g<strong>en</strong>s qui sont sur des banquettes, allongés, d’autres<br />

sur des chaises, d’autres sur des tabourets, d’autres <strong>en</strong>core assis sur<br />

La voix dans<br />

tous ses états.<br />

des bancs d’écoles. Il y a 4 parties dans le concert, <strong>en</strong>tre chaque partie<br />

dans le concert, c’est comme si on tape avec le bâton, et on dit<br />

de changer de cavalière. Comme un jeu de chaises musicales. Les<br />

g<strong>en</strong>s se mett<strong>en</strong>t dans d’autres dispositions. C’est une expéri<strong>en</strong>ce de<br />

stature de l’auditeur, et <strong>en</strong> même temps, c’est une expéri<strong>en</strong>ce de positionnem<strong>en</strong>t dans la<br />

salle. Car évidemm<strong>en</strong>t, l’acoustique n’est pas du tout la pareille d’un point à un autre.<br />

Les interprètes sont sur les scènes qui sont ici, et se déplac<strong>en</strong>t aussi tout le temps. On a<br />

derrière soi une clarinette, ou un petit <strong>en</strong>semble vocal, un trombone, ou un saxophone.<br />

La régie est <strong>en</strong> plein milieu. Sans arrêt, on est soumis à… ça c’est une chose à laquelle<br />

je crois beaucoup : Vous avez tous eu l’expéri<strong>en</strong>ce d’arriver <strong>en</strong> retard au théâtre, et donc,<br />

vous ne pouvez pas rejoindre la place sublime que vous avez payée la peau des fesses au<br />

milieu devant, parce que c’est trop tard, et vous êtes à l’arrière.<br />

A l’<strong>en</strong>tracte, vous comptez bi<strong>en</strong> la retrouver. Mais vous vous r<strong>en</strong>dez compte que vous<br />

voyez deux pièces différ<strong>en</strong>tes. Dans la première, vous vous r<strong>en</strong>dez compte que d’abord<br />

vous voyez tout le théâtre, et la scène est le théâtre, donc vous vous focalisez sur le cadre,<br />

vous voyez les personnages, leurs déplacem<strong>en</strong>ts, vous voyez les décors. Le texte s’inscrit<br />

dans un espèce de tout, dans un espace qui est distancié. Quand vous rejoignez votre<br />

place à l’<strong>en</strong>tracte, vous vous r<strong>en</strong>dez-compte qu’il y a des personnes, avec des visages, que<br />

vous ne voyiez pas bi<strong>en</strong> jusque là. Vous êtes obligé de faire un travail c<strong>en</strong>tripète alors<br />

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