Mise en page 1 - Théâtre Massalia
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L’écriture au théâtre jeune public - Emerg<strong>en</strong>ce d’un nouveau langage ou nouveau rapport au public ? (1ère partie)<br />
mot là, on dit beaucoup et ri<strong>en</strong>. Parce que, bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, un <strong>en</strong>fant va toujours compr<strong>en</strong>dre<br />
quelque chose de ce qu’on va lui transmettre. Vous savez, il y avait un grand débat<br />
sur la question du texte et du langage. A partir des travaux de Dolto. Ça me rappelle un<br />
grand débat, lors d’un colloque, <strong>en</strong>tre Caroline Eliacheff, qui était une représ<strong>en</strong>tante, une<br />
fille spirituelle de Françoise Dolto et Serge Lebovici, professeur de psychiatrie de l’<strong>en</strong>fance,<br />
qui a inv<strong>en</strong>té <strong>en</strong> France ce qu’on appelle la « bébologie », c’est à dire l’intérêt pour<br />
les tout-petits. L’un et l’autre se confrontai<strong>en</strong>t à cette idée de ce que compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les<br />
<strong>en</strong>fants, les tout-petits <strong>en</strong> particulier dans ce qu’on leur dit. Serge Lebovici questionnait<br />
Caroline Eliacheff sur le fait qu’elle dise que tout est langage, que tout est compris par<br />
les <strong>en</strong>fants, qu’ils ont une compréh<strong>en</strong>sion fine des énoncés qui leur sont transmis. C’est<br />
vraim<strong>en</strong>t du baratin tout cela. Ça n’est absolum<strong>en</strong>t pas vrai. Je peux vous assurer que si<br />
je pr<strong>en</strong>ds un bottin et que je lis les <strong>page</strong>s jaunes de l’annuaire à un tout petit, et cet<br />
<strong>en</strong>fant là va être <strong>en</strong> empathie, <strong>en</strong> communication avec moi. Donc on peut témoigner du<br />
fait que le texte même<br />
n’a aucune importance,<br />
ce qui compte, c’est la<br />
réalité du message<br />
lat<strong>en</strong>t qui est transmis.<br />
C’est à dire ce qui<br />
dépasse le texte. La<br />
prosodie de la voix, la<br />
prés<strong>en</strong>ce de la personne,<br />
les mimiques, la<br />
réalité charnelle de la<br />
personne qui dit. Donc,<br />
ça, c’était la thèse de<br />
Serge Lebovici. Caroline Eliacheff repr<strong>en</strong>ait ce propos <strong>en</strong> disant « Monsieur le professeur,<br />
assurém<strong>en</strong>t, sauf qu’il y a juste un petit problème à ça, c’est que les mères ne liront<br />
jamais les <strong>page</strong>s jaunes du bottin à leur <strong>en</strong>fant ». Je crois que là tout est dit quand on<br />
parle du caractère créatif de l’œuvre <strong>en</strong> soi, du caractère particulièrem<strong>en</strong>t écrit, joué<br />
autour de cette question là.<br />
Je crois que ce qui est important, c’est à partir du mom<strong>en</strong>t où il y a un véritable travail,<br />
et je p<strong>en</strong>se que c’est un vrai travail, et que, s’il y a si peu de propositions dans le théâtre<br />
à destination de la petite <strong>en</strong>fance, c’est que, c’est vraim<strong>en</strong>t un travail particulièrem<strong>en</strong>t<br />
complexe. Alors, c’est pas le modèle de : « Les <strong>en</strong>fants sont les spectateurs très exigeants<br />
de jeunesse ». Ça, c’est du pipeau. Les <strong>en</strong>fants gob<strong>en</strong>t tout et n’importe quoi. Il faut arrêter<br />
d’avoir une vision totalem<strong>en</strong>t romantique de la petite <strong>en</strong>fance, des <strong>en</strong>fants qui sav<strong>en</strong>t<br />
là où est la r<strong>en</strong>contre esthétique, qui sav<strong>en</strong>t ce qui est beau, qui sav<strong>en</strong>t l’émotionnel etc,<br />
etc… Ce n’est pas vrai.<br />
C’est un vrai déni de ce<br />
qui s’appelle la culture.<br />
La culture, c’est un travail<br />
de transmission,<br />
d’éducation, dans le<br />
s<strong>en</strong>s noble du terme. Ce<br />
n’est pas acquis de base.<br />
Le texte même n’a aucune importance,<br />
ce qui compte, c’est la réalité du message<br />
lat<strong>en</strong>t qui est transmis. C’est à dire ce qui<br />
dépasse le texte. La prosodie de la voix,<br />
la prés<strong>en</strong>ce de la personne, les mimiques,<br />
la réalité charnelle de la personne qui dit.<br />
La culture, c’est un travail de transmission,<br />
d’éducation, dans le s<strong>en</strong>s noble du terme.<br />
Ce n’est pas acquis de base.<br />
Et, bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, par rapport à ce que vous évoquiez <strong>en</strong>core de Claude Morand, les <strong>en</strong>fants<br />
naiss<strong>en</strong>t racistes. Pour eux, c’est noir, ou blanc. C’est un ou deux. C’est la nuit ou le jour.<br />
C’est Papa ou Maman. C’est comme cela que ça se passe. C’est un monde totalem<strong>en</strong>t<br />
contrasté. Et que c’est un vrai travail d’humanisation de montrer que le contraste n’est pas<br />
aussi radical et que les choses peuv<strong>en</strong>t s’élaborer avec des tas et de tas de gris, par exemple,<br />
et puis après avec des couleurs. Bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, au début de la vie, on fonctionne sur le<br />
modèle qui est totalem<strong>en</strong>t dichotomique, <strong>en</strong>tre une vérité, et son opposé. Ce n’est pas<br />
possible autrem<strong>en</strong>t. Il y a un vrai travail, dans toutes les premières années de vie de l’<strong>en</strong>fant,<br />
d’assemblage du monde et de la réalité. Pour compr<strong>en</strong>dre le monde, il faut avoir une<br />
vue très grossière de ce qui fait le monde. Je ne peux pas avoir une idée déterminée de mon<br />
<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t. Je ne peux que compr<strong>en</strong>dre la réalité des « <strong>en</strong>tours » de ce qu’il se passe.<br />
Les ambiances. Le grand cadre. A partir de là, ça se passe ou tout d’un côté ou tout de l’autre.<br />
Il n’y a pas d’<strong>en</strong>tre deux. Il n’y a pas d’écart. Hormis ce qui va être travaillé, élaboré dans<br />
le temps, et qui va permettre à l’<strong>en</strong>fant de compr<strong>en</strong>dre que cet espace là peut exister, et<br />
doit exister. Mais au tout début, ça ne se figure jamais comme ça.<br />
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