Mise en page 1 - Théâtre Massalia
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Danse contemporaine, l’écriture à l’œuvre, proposé par l’Adiam 83<br />
des bonnes attitudes dans ces cas là, c’est d’aller chercher dans l’opposé, le contraire.<br />
On va clarifier une notion parce qu’on va s’intéresser à ce qui pourrait s’y opposer.<br />
En l’occurr<strong>en</strong>ce, j’avais beaucoup travaillé sur la pièce « Déroutes », de Mathilde<br />
Monnier, qui pourrait, d’une certaine manière, être vraim<strong>en</strong>t très distincte de l’écriture<br />
d’Anne Teresa de Keersmaeker. Je ne veux pas empiéter sur le terrain de Philippe<br />
Guisgand, mais c’est quand même une écriture extrêmem<strong>en</strong>t lisible, structurée, très<br />
déroulée, figurale etc., alors que vous verrez, « Déroutes », et son titre peut déjà le laisser<br />
press<strong>en</strong>tir, peut paraître déroutante, avec quelque chose d’abyssal, d’insaisissable,<br />
quelque chose difficile d’abord.<br />
En écrivant sur cette pièce, j’ai traversé la notion de dispositif. On retourne au Petit<br />
Robert : « dis », élém<strong>en</strong>t du latin indiquant la séparation, la différ<strong>en</strong>ce, le défaut. On était<br />
tout à l’heure dans le fait d’être avec, là on serait dans le fait de cultiver la séparation, la<br />
différ<strong>en</strong>ce et le défaut. Mais, dispositif : manière dont sont disposées les pièces, les organes<br />
d’un appareil. On s’intéresse là au mécanisme lui-même. On s‘approche beaucoup<br />
plus. Il ne s’agit pas de séparation ou de défaut, mais au mécanisme lui-même. Quel est<br />
ce mécanisme, qu’est-ce qu’il produit ? A quoi ressemble ce qu’il fait ? Comm<strong>en</strong>t il va<br />
permettre des choses, permettre de produire des effets ? Comm<strong>en</strong>t est-il lui-même organisé<br />
et p<strong>en</strong>sé ?. On va s’intéresser avant tout à ça. Disposer, là, c’est disposer comme<br />
arranger, mettre dans un certain ordre.<br />
Je passe la parole à Philippe Guisgand. Quand on est sur des questions de danse, on<br />
essaie d’avancer, un des réflexes, c’est de chercher dans la collection de Nouvelles de<br />
Danse. C’est une revue Belge, pas au s<strong>en</strong>s de magasine dans les kiosques, mais de compilation<br />
de textes de référ<strong>en</strong>ce, d’<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s approfondis, qui sort deux fois par an sur des<br />
grands thèmes. Evidemm<strong>en</strong>t, miracle, on a une Nouvelles de Danse sur la composition.<br />
Je vais juste vous lire une phrase de l’introduction, écrite par la rédactrice <strong>en</strong> chef,<br />
Patricia Kuypers, qui est elle-même pratiquante de la danse, ainsi que théorici<strong>en</strong>ne. Elle<br />
pose la question de la composition d’emblée <strong>en</strong> t<strong>en</strong>sion, avec une contradiction. Elle<br />
écrit : « Le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’une obligation à combattre sans cesse la composition <strong>en</strong> même<br />
temps qu’on l’élabore, une obligation de p<strong>en</strong>ser l’irruption du sauvage, de l’indomptable,<br />
de l’informel et du chaotique, au sein d’un schéma précis, forme la base de la dialectique<br />
de la composition chorégraphique t<strong>en</strong>due <strong>en</strong>tre ces deux pôles ». Vous avez bi<strong>en</strong><br />
saisi : d’un côté cette élaboration d’un ordre, d’une mise <strong>en</strong> ordre, et de l’autre, l’irruption<br />
de l’informel etc.<br />
Je p<strong>en</strong>se qu’on va garder <strong>en</strong> tête cette proposition et se demander si la composition<br />
serait comme un jeu de Lego, où on aurait des élém<strong>en</strong>ts bruts posés là et qu’il s’agirait<br />
d’arranger pour construire quelque chose. En fait, c’est l’acte de composer lui-même qui<br />
produit ces élém<strong>en</strong>ts. Je ne sais pas si vous me suivez. On n’a pas des pièces de Lego<br />
qu’on va arranger, pour produire quelque chose. Le fait même de se mettre à produire,<br />
produit ses propres composants. C’est beaucoup plus « <strong>en</strong> boucle », avec des r<strong>en</strong>vois.<br />
Je vais terminer sur une autre citation. Quand on se pose des questions <strong>en</strong> danse, <strong>en</strong> tout<br />
cas, dans ma génération, où la recherche <strong>en</strong> danse était moins développée qu’aujourd’hui,<br />
on va chercher dans Laur<strong>en</strong>ce Louppe. C’est une chercheuse, une théorici<strong>en</strong>ne,<br />
qui réfléchit sur l’esthétique de la danse, et qui a écrit de multiples articles de recherche.<br />
Elle a rédigé un article pour ce numéro sur la composition. J’ai ret<strong>en</strong>u une phrase.<br />
C’est un certain langage, qui est magnifique, que je déf<strong>en</strong>ds totalem<strong>en</strong>t, mais qui n’est<br />
pas basique : « Un des élém<strong>en</strong>ts fondam<strong>en</strong>taux de la trans-poétique moderne consiste<br />
<strong>en</strong> l’approche globale de l’acte compositionnel, qui efface la hiérarchie <strong>en</strong>tre les parties<br />
et le tout ». Quand on ne réfléchit pas beaucoup, on pourrait se dire que les parties sont<br />
des choses mineures, et que le tout est majeur. Les parties sont dans une position inférieure<br />
par rapport au tout. Elle vi<strong>en</strong>t nous rappeler que dans une optique moderne, on<br />
va effacer cette hiérarchie. On va s’intéresser autant aux parties, et leur donner autant de<br />
portée poétique et d’articulation générale qu’au tout. Elle va nous inviter « à vivre le<br />
compositionnel non comme une démarche arrêtée, mais comme une interrogation sans<br />
fin ». Voilà. C’est ce que j’essaierais de conduire autour de cette pièce cet après-midi.<br />
L’un des interprètes est à mes cotés.<br />
Herman Diephuis<br />
Je voulais rajouter, par rapport à comm<strong>en</strong>t j’étais prés<strong>en</strong>té, à part d’être là pour prés<strong>en</strong>ter<br />
un spectacle « D’après J.C », et d’animer un atelier, <strong>en</strong>fin, une t<strong>en</strong>tative, autour de ce<br />
spectacle, je suis là aussi <strong>en</strong> tant que témoin parce que j’ai été un des interprètes de<br />
« Déroutes » de Mathilde Monnier. Je suis là pour être vigilant par rapport à ce que va<br />
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