22.04.2015 Views

Mise en page 1 - Théâtre Massalia

Mise en page 1 - Théâtre Massalia

Mise en page 1 - Théâtre Massalia

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

L’œuvre de Anne Teresa de Keersmaker par Philippe Guisgand<br />

Une danse des bras.<br />

prés<strong>en</strong>ce de l’auteur dans une œuvre. C’est dans ses<br />

premières pièces, que s’impose, chez Keersmaeker,<br />

avant tout une danse du haut du corps. Alors, c’est d’abord, même si ce n’est pas forcém<strong>en</strong>t<br />

évid<strong>en</strong>t à voir, une danse des bras notamm<strong>en</strong>t. On peut l’apercevoir <strong>en</strong> regardant<br />

un extrait de « Fase », qui est sa première pièce.<br />

[Extrait vidéo de Fase, et Rosas danst rosas]<br />

Vous voyez que là, ce sont les bras qui <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t la figure majeure de la pièce qui est<br />

la rotation, mais dans « Rosas danst rosas » dont je vous ai prés<strong>en</strong>té un court extrait, là<br />

aussi ce sont les bras qui permett<strong>en</strong>t de faire avancer cette danse. « Rosas danst rosas »<br />

est construit de manière très particulière, puisque la pièce est divisée <strong>en</strong> trois morceaux,<br />

une partie couchée, une partie assise et une partie debout. Je vous montrerais tout à<br />

l’heure un extrait de la partie assise, et vous verrez que là aussi ce sont les bras et le<br />

buste qui color<strong>en</strong>t le mouvem<strong>en</strong>t, qui lui donn<strong>en</strong>t son émotion, beaucoup plus qu’une<br />

danse de jambes. On va retrouver, dans les pièces ultérieures, jusqu’à « Drumming », ou<br />

« Rain », dans les années 2000, cette priorité accordée aux bras, tant sur le plan graphique,<br />

dans les lignes tracées par le corps, que dans les variations d’int<strong>en</strong>sité tonique, les<br />

énergies. Donc, il y a une volonté de mettre aussi <strong>en</strong> avant une espèce d’expansion du<br />

c<strong>en</strong>tre, du buste. C’est un travail qui utilise aussi une énergie qui est emmagasinée par<br />

le relâché des bras. Il y a tout un travail cinétique des bras qui permet d’<strong>en</strong>cl<strong>en</strong>cher cette<br />

danse.<br />

Deuxième caractéristique de ses premières œuvres, c’est l’influ<strong>en</strong>ce, je l’ai déjà évoqué,<br />

du minimalisme. Anne Teresa de Keersmaeker émerge au mom<strong>en</strong>t où deux post<br />

modernismes finalem<strong>en</strong>t, se font face : d’un côté celui des minimalistes aux Etats-Unis,<br />

et de l’autre côté, celui des trois chorégraphes qu’on appelle les trois cousines, <strong>en</strong><br />

Allemagne, c’est à dire Pina Bausch, et dans une moindre part, Susanne Linke, et<br />

Reinhild Hoffmann. V<strong>en</strong>ant des minimalistes, on retrouve des principes de variation,<br />

d’accumulation, par exemple dans « Rosas danst rosas ». Je vais vous <strong>en</strong> montrer un<br />

exemple dans la dernière partie, et vous allez voir que, à partir d’une base qui est<br />

toujours une base, un patron de mouvem<strong>en</strong>t id<strong>en</strong>tique, la fin étant toujours la même, il<br />

y a une variation sur des postures qui est directem<strong>en</strong>t influ<strong>en</strong>cée par cette manière de<br />

composer. C’est le film qui est de 1997, la pièce est de 1984.<br />

[Extrait de Rosas danst rosas]<br />

Là, vous voyez un unisson, où le geste se regroupe comme ça, dans une attitude jambe<br />

pliée, et finalem<strong>en</strong>t on voit l’espèce d’arrimage du collectif avant qu’on ait à la fois un<br />

travail sur le contre point au niveau de l’écriture et de la répartition du mouvem<strong>en</strong>t sur<br />

les interprètes. C’est aussi le mom<strong>en</strong>t où vont se faire les variations individuelles sur les<br />

postures et le travail du haut du corps. Finalem<strong>en</strong>t, ce qui va écarter, de manière<br />

relativem<strong>en</strong>t s<strong>en</strong>sible, le travail esthétique de Keersmaeker de l’esthétique minimaliste<br />

américaine, c’est précisém<strong>en</strong>t que Keersmaeker cherche à épuiser la forme, et <strong>en</strong> même<br />

temps à épuiser, à faire presque changer d’état ses interprètes. A travers le r<strong>en</strong>ouvellem<strong>en</strong>t<br />

du même, il y a aussi un processus de dévoilem<strong>en</strong>t, de l’énergie que coûte le<br />

mouvem<strong>en</strong>t. On le voit par exemple, dans ce travail qui est relativem<strong>en</strong>t physique, alors<br />

que l’impression que peut donner le travail de Lucinda Childs est plutôt un état relativem<strong>en</strong>t<br />

étal, relativem<strong>en</strong>t calme, où on a l’impression que les danseurs pourrai<strong>en</strong>t danser<br />

presque infinim<strong>en</strong>t. Ce n’est pas du tout le cas dans « Fase », ou « Rosas danst rosas ».<br />

Quand les danseurs vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t saluer, ils sont épuisés et cet épuisem<strong>en</strong>t se voit. Il se<br />

laisse approcher, mais absolum<strong>en</strong>t pas masquer. Il fait partie de la danse.<br />

Par conséqu<strong>en</strong>t, son travail de cette époque là est bi<strong>en</strong> loin de l’exercice de style. C’est à<br />

dire qu’<strong>en</strong> même temps qu’elle est arrimée à ses fondem<strong>en</strong>ts d’écriture, elle cherche<br />

aussi autre chose et s’affirme dans un troisième trait, qui serait une théâtralité<br />

particulière.<br />

Dès ses premières pièces, est annoncée une <strong>en</strong>vie d’explorer une théâtralité qui, à cette<br />

époque là est assez peu courante, et d’<strong>en</strong> faire l’un des élém<strong>en</strong>ts ess<strong>en</strong>tiels de la composition<br />

de ses spectacles. Dans « El<strong>en</strong>a’s aria », les postures qui sont prises, (c’est la troisième<br />

pièce, créée <strong>en</strong> 1985), par ces 5 femmes, <strong>en</strong> t<strong>en</strong>ues de cocktail, très élégantes sur<br />

leurs talons aiguilles, sont déjà un peu dérangeantes. On les voit à quatre pattes, affalées,<br />

<strong>en</strong> déséquilibre sur les talons. On p<strong>en</strong>se, à ce mom<strong>en</strong>t là, que Keersmaeker ne<br />

79

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!