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Mise en page 1 - Théâtre Massalia

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La solitude, proposé par La P<strong>en</strong>sée de Midi<br />

Zad Moultaka<br />

Hier, je dis à Ziya Azazi, ti<strong>en</strong>s, « Est-ce que ça te dit quelque chose cette bande là ?», et<br />

il me dit « Bi<strong>en</strong> sûr ». On essaie de faire quelque chose. Finalem<strong>en</strong>t, j’ai pu faire le montage,<br />

parce que j’ai eu des problèmes techniques. Vous allez l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> fin de concert.<br />

J’ai pris un chanteur de « ezan », que j’ai coupé. Jai coupé dans ce qu’il fait et j’ai fait une<br />

espèce de polyphonie parce que, <strong>en</strong> plus, c’est relié à un rêve de la musique arabe qui<br />

est d’arriver à une polyphonie. La musique arabe n’a jamais été polyphonique. Comme<br />

vous le savez sûrem<strong>en</strong>t, c’est une musique linéaire, qui n’a jamais réussi, <strong>en</strong>fin, elle<br />

n’avait pas ce besoin là, ce besoin de verticalité. Elle était dans une horizontalité et ça<br />

lui suffisait. C’est d’une très grande richesse, mais dans l’horizontalité. Sauf que nous,<br />

aujourd’hui, je dis nous, je parle des compositeurs qui sont à cheval <strong>en</strong>tre l’ori<strong>en</strong>t et l’occid<strong>en</strong>t,<br />

pour aller très vite dans des schémas faciles…<br />

Thierry Fabre<br />

Qu’on est justem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>train d’essayer de casser ! On est là pour ça !<br />

Zad Moultaka<br />

Voilà ! Justem<strong>en</strong>t. Il y a cette volonté de r<strong>en</strong>ouer, un peu comme ce qui s’est passé au<br />

12 ème , 13 ème siècle, à l’époque du schisme, de r<strong>en</strong>ouer avec un mom<strong>en</strong>t où il n’y avait pas<br />

de notion d’horizontalité ou de verticalité. A un mom<strong>en</strong>t, l’occid<strong>en</strong>t a pris son <strong>en</strong>vol avec<br />

la musique occid<strong>en</strong>tale, avec la musique écrite et qui a pu, par ce biais là, développer<br />

énormém<strong>en</strong>t la verticalité. J’ai aussi ce rêve qui consiste à me demander : est-ce que c’est<br />

possible de rapprocher ces deux attitudes, c’est à dire une attitude verticale, d’un point<br />

de vue, même philosophique, de vision du monde aussi. Est-ce que ce rapprochem<strong>en</strong>t<br />

est possible ? Dans cette pièce là, c’est un clin d’œil, c’est un « tajwid», donc une cantilation<br />

coranique, mais qui, <strong>en</strong> même temps, vous allez l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre tout à l’heure, arrive à<br />

une verticalité, comme si c’était une polyphonie du 15 ème arabe, alors que ça n’a jamais<br />

existé.<br />

Thierry Fabre<br />

Le rêve toujours recomm<strong>en</strong>cé, peut-être pas des réconciliations, mais <strong>en</strong> tout cas, de<br />

l’arc qui permet de t<strong>en</strong>ir, de mettre <strong>en</strong> t<strong>en</strong>sion les deux sources, les deux formes musicales.<br />

Je dis les deux, mais…<br />

Zad Moultaka<br />

Oui mais aussi peut-être qu’<strong>en</strong> chacun de nous il y a une s<strong>en</strong>sation de perte de quelque<br />

chose. Finalem<strong>en</strong>t, quand on parle de l’occid<strong>en</strong>t <strong>en</strong> tant qu’ori<strong>en</strong>taux, je me dis que j’ai<br />

peut-être perdu une part de moi-même. Et peut-être que l’occid<strong>en</strong>t a perdu une partie de<br />

lui-même. Finalem<strong>en</strong>t, ce ne sont pas des choses séparées, et on essaie de faire des jonctions<br />

pour retrouver une mémoire qui a été perdue il y a très longtemps.<br />

Thierry Fabre<br />

C’est souv<strong>en</strong>t le détour par l’autre qui r<strong>en</strong>voie, qui permet de redécouvrir par effet de<br />

prisme. C’est Adonis qui expliquait qu’il avait relu les textes d’un grand poète d’origine<br />

syri<strong>en</strong>ne, qui expliquait qu’il avait relu les textes de la poésie classique arabe <strong>en</strong> les<br />

lisant complètem<strong>en</strong>t différemm<strong>en</strong>t après avoir lu Mallarmé, et surtout Rimbaud, avec<br />

« La Lettre du Voyant ». C’est cette idée du détour. Je vais me tourner vers Ziya Azazi,<br />

d’abord pour vous le prés<strong>en</strong>ter. Il m’a expliqué que son langage était d’abord un langage<br />

du corps. Il est danseur, chorégraphe, il ne parle pas avec un concept, mais avec le corps.<br />

Je p<strong>en</strong>se que la meilleure façon de compr<strong>en</strong>dre son projet, c’est de regarder ce qu’il fait.<br />

Il vi<strong>en</strong>t d’un double héritage, au moins, qui est un héritage turc et un héritage arabe. Il<br />

vi<strong>en</strong>t d’Antioche, qui était la province de Syrie qui a été annexée par la Turquie dans les<br />

années 20. Il part d‘une source qu’il a non seulem<strong>en</strong>t détournée mais déplacée, qui est<br />

celle de l’héritage de cette danse sacrée qui est la danse des Derviches, de cet art de tourner<br />

et tourner <strong>en</strong>core, pour atteindre une forme d’absolu. Il y a une dim<strong>en</strong>sion mystique<br />

qui vi<strong>en</strong>t de ce grand poète qui était Djalal-ud-Din Rûmî. Là aussi, c’est comme pour le<br />

« ezan», il y a un déplacem<strong>en</strong>t, une transgression.<br />

Mais la question que j’aimerai poser à Ziya Azazi, c’est comm<strong>en</strong>t se construit, et c’est une<br />

façon d’interroger cette solitude du créateur, le li<strong>en</strong> avec l’héritage, avec la forme traditionnelle<br />

de la danse des Derviches et comm<strong>en</strong>t est v<strong>en</strong>ue l’idée d’<strong>en</strong> faire un acte de<br />

danse contemporaine ? Au fond, quel est ce langage là ? Je crois que ça s’appelle un<br />

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