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Mise en page 1 - Théâtre Massalia

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Du fait divers à la fiction, le cas Roberto Zucco par Jean-Pierre Ryngaert<br />

contemporaine d’un personnage non psychologique, a-psychologique, qui parle peu, qui<br />

agit sans prév<strong>en</strong>ir et qui ne comm<strong>en</strong>te jamais ce qu’il a accompli. L’assassin sans raison,<br />

comme l’appelle Pascale From<strong>en</strong>t, est un personnage plus intéressant pour nos mythologies<br />

contemporaines qui le préfèr<strong>en</strong>t donc auréolé de son mystère que passé à la moulinette<br />

des mobiles d’une <strong>en</strong>quête policière classique, ou des fêlures repérées dans l’<strong>en</strong>fance,<br />

analysées par des experts psychiatres.<br />

La déréalisation participe du travail de Koltès qui place Zucco à l’écart. Un peu macho,<br />

un peu étranger, un peu étrange, un peu étudiant, un peu bizarre, mais pas trop. Le vrai<br />

Succo trouvait son bonheur à s’<strong>en</strong>fuir <strong>en</strong> voiture avec une femme qui lui servait d’otage,<br />

de réconfort, de proie sexuelle, <strong>en</strong> échappant à toutes les polices. Mais même la part du<br />

sexe s’est fait discrète dans « Roberto Zucco », où, avec la Gamine, il s’agit autant d’une<br />

histoire d’amour que d’une perte de pucelage, avec cet « autre » très romanesque dont<br />

le nom ne sera plus jamais oublié.<br />

Koltès a fait le choix du mystère, ce qui probablem<strong>en</strong>t fait de la bonne dramaturgie. Il a<br />

surtout créé une fascination adolesc<strong>en</strong>te pour le personnage indéterminé, non achevé<br />

peut-être. Et <strong>en</strong> tout cas, non conforme.<br />

C’est ce qui a intéressé Joseph Danan, qui a eu le culot d’écrire « R.S/Z », sous-titré :<br />

« Impromptu/Spectre ». Joseph Danan pr<strong>en</strong>d au départ le point de vue inverse : c’est à dire<br />

qu’il ne va pas <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir le mystère, il va m<strong>en</strong>er l’<strong>en</strong>quête. Il se demande ce qui a fait la<br />

fortune de la réception de ce personnage de tueur. Le pourquoi de la viol<strong>en</strong>ce, des meurtres<br />

et des viols et son point de départ. Je le cite : « Pourquoi avoir fait de ce tueur, violeur,<br />

parricide, un héros contemporain qu’on comm<strong>en</strong>te dans les écoles ? ».<br />

A propos de cela, vous savez évidemm<strong>en</strong>t que, quand il a été question de choisir dans les<br />

écoles un texte de Koltès, pour les lycées, ça a fait débat, et ça n’était pas forcém<strong>en</strong>t<br />

« Roberto Zucco » qui v<strong>en</strong>ait <strong>en</strong> tête.<br />

Donc Danan, sans avoir de préoccupation morale, met <strong>en</strong> place un remontage et un<br />

démontage de scènes assez complexes, et, à l’intérieur de certaines d’<strong>en</strong>tre elles, il fait des<br />

rapprochem<strong>en</strong>ts inédits et montés serrés. Il y a un certain nombre de personnages de la<br />

pièce initiale, mais il y <strong>en</strong> a d’autres, qu’il crée, et surtout, il y a un personnage double et<br />

assez particulier, qui crée un effet de théâtre dans le théâtre, mais un peu plus que ça : le<br />

personnage de l’Ecrivain et le personnage de l’Auteur à la hache, qui mèn<strong>en</strong>t l’<strong>en</strong>quête.<br />

On va t<strong>en</strong>ter, avec les acteurs, un inv<strong>en</strong>taire de quelques types d’écriture de scènes, cette<br />

fois-ci chez Joseph Danan, <strong>en</strong> comm<strong>en</strong>çant par des scènes qui sont très inspirées par les<br />

évènem<strong>en</strong>ts réels, telles qu’ils ont été diffusés par les articles de journaux. Danan fait<br />

pour cela le choix d’une écriture, le mot n’est pas très juste, mais <strong>en</strong>fin, d’une écriture<br />

assez neutre, brève et elliptique où si c’était possible de le dire comme cela, l’auteur<br />

serait très peu prés<strong>en</strong>t. Par exemple celle-ci.<br />

Roberto danse avec Béatrice et Carole les regarde.<br />

ROBERTO. - Pas trop près.<br />

BEATRICE. - Pourquoi ? C’est ma sœur.<br />

ROBERTO. - Je sais. Il est pas là le marin ?<br />

BEATRICE. - Pas vu.<br />

ROBERTO. - Qu’il s’avise pas de vous toucher.<br />

BEATRICE. - Toutes les deux ? Qu’est-ce que tu lui fais ?<br />

ROBERTO. - Je le bute.<br />

BEATRICE. - Comm<strong>en</strong>t ?<br />

ROBERTO. - Une balle <strong>en</strong>tre leurs deux yeux.<br />

BEATRICE. - T’as une arme ? Montre.<br />

ROBERTO. - Pas ici.<br />

BEATRICE. - Elle est où ?<br />

ROBERTO. - Touche pas. Je l’ai pas sur moi. Touche pas. Tu t’<strong>en</strong>nuies pas ?<br />

BEATRICE. - Je sais pas.<br />

ROBERTO. - Tu danses pas ?<br />

BEATRICE. - Je sais pas non plus.<br />

ROBERTO. - Hier tu dansais.<br />

BEATRICE. - Je suis <strong>en</strong> deuil<br />

ROBERTO. - De qui ?<br />

BEATRICE. - De toi.<br />

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