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Mise en page 1 - Théâtre Massalia

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Prélude à un Abécédaire des nouvelles écritures théâtrales par Daniel Lemahieu<br />

C / « Crise » (du personnage)<br />

Je vais laisser de côté cet aspect souv<strong>en</strong>t analysé. Je vous signale la thèse de Robert<br />

Abirached publiée <strong>en</strong> 1978 : La crise du personnage dans le théâtre moderne .<br />

D / « Didascalie »<br />

La didascalie, le drame gestuel (cf. Beckett, Acte sans paroles I ; Souffle, intermède), le<br />

drame corporel, l’écriture didascalique. À l’époque classique, peu de didascalies. Plus on<br />

avance dans le temps, plus on r<strong>en</strong>contre de didascalies. Exemple, Beckett : dans Acte<br />

sans paroles I n’existe aucune parole. Théâtre muet <strong>en</strong> référ<strong>en</strong>ce au cinéma muet. On baigne<br />

dans une écriture didascalique. Je vous passe toute l’histoire du pourquoi presque<br />

pas ou peu de didascalies. Chez Molière, il <strong>en</strong> existe très peu, avec Shakespeare, très peu<br />

ou pas du tout. En tout cas, dans les éditions premières. L’écrivain ne dit pas ce qu’il faut<br />

faire. Seul le texte fait loi.<br />

Ensuite les indications scéniques se sont accrues : Hugo, Labiche ; Feydeau, lui, propose<br />

parfois une ou deux <strong>page</strong>s. Une sorte de « romanisation » du théâtre. Beckett aussi n’arrête<br />

pas d’<strong>en</strong> produire. Si vous lisez Fin de Partie, au début est énoncée, déclinée d’abord<br />

la partition de l’escabeau, de la f<strong>en</strong>être, du drap, de la poubelle, et ta ta ta, ta ta ta…<br />

apparaît un rythme.<br />

Fin de partie de Samuel Beckett<br />

Au c<strong>en</strong>tre, recouvert d’un vieux drap, assis dans un fauteuil à roulettes, Hamm.<br />

Immobile à côté du fauteuil, Clov le regarde. Teint très rouge.<br />

Il va se mettre sous la f<strong>en</strong>être à gauche. Démarche raide et vacillante. Il regarde la f<strong>en</strong>être<br />

à gauche, la tête rejetée <strong>en</strong> arrière. Il tourne la tête, regarde la f<strong>en</strong>être à droite. Il va<br />

se mettre sous la f<strong>en</strong>être à droite. Il regarde la f<strong>en</strong>être à droite, la tête rejetée <strong>en</strong> arrière.<br />

Il tourne la tête, regarde la f<strong>en</strong>être à gauche. Il sort, revi<strong>en</strong>t avec un escabeau, l’installe<br />

sous la f<strong>en</strong>être à gauche, monte dessus, tire le rideau. Il desc<strong>en</strong>d de l’escabeau, fait six<br />

pas vers la f<strong>en</strong>être à droite, retourne pr<strong>en</strong>dre l’escabeau, l’installe sous la f<strong>en</strong>être à<br />

droite, monte dessus, tire le rideau. Il desc<strong>en</strong>d de l’escabeau, fait trois pas vers la f<strong>en</strong>être<br />

à gauche, retourne pr<strong>en</strong>dre l’escabeau, l’installe sous la f<strong>en</strong>être à gauche, monte dessus,<br />

regarde par la f<strong>en</strong>être. Rire bref. Il desc<strong>en</strong>d de l’escabeau, fait un pas vers la f<strong>en</strong>être<br />

à droite, retourne pr<strong>en</strong>dre l’escabeau, l’installe sous la f<strong>en</strong>être à droite, monte dessus,<br />

regarde par la f<strong>en</strong>être. Rire bref. Il desc<strong>en</strong>d de l’escabeau, va vers les poubelles, retourne<br />

pr<strong>en</strong>dre l’escabeau, le pr<strong>en</strong>d, se ravise, le lâche, va aux poubelles, <strong>en</strong>lève le drap qui les<br />

recouvre, le plie soigneusem<strong>en</strong>t et le met sur le bras. Il soulève un couvercle, se p<strong>en</strong>che<br />

et regarde dans la poubelle. Rire bref. Il rabat le couvercle. Même jeu avec l’autre poubelle.<br />

Il va vers Hamm, <strong>en</strong>lève le drap qui le recouvre, le plie soigneusem<strong>en</strong>t et le met sur<br />

le bras.<br />

’autres exemples : Peter Handke, Le pupille veut être tuteur ; L’heure où nous ne<br />

savions ri<strong>en</strong> l’un de l’autre. Philippe Minyana propose pareillem<strong>en</strong>t des drames didascaliques<br />

brefs : Drames brefs (1) et (2) .<br />

Écoutons Le Pupille veut être tuteur, proposition gestuelle pour deux personnages : le<br />

pupille et le tuteur.<br />

Anecdote : quand je travaillais au Théâtre national de Belgique, avec Philippe Von Kessel,<br />

ce texte a réussi à réunir les Flamands et les Wallons parce qu’on a produit et créé ce<br />

spectacle muet. En outre, les personnages y sont masqués, ainsi personne ne sait qui<br />

parle, Wallon ou Flamand. De ce fait, les publics des deux communautés sont parv<strong>en</strong>us<br />

à se tolérer, voire à s’écouter et à se parler.<br />

Le Pupille veut être Tuteur de Peter Handke<br />

Le tuteur : p<strong>en</strong>che soudain la tête d’un côté, comme un piège.<br />

Le pupille : est saisi du regard du tuteur et cesse de prom<strong>en</strong>er son regard.<br />

Ils se fix<strong>en</strong>t l’un l’autre, ils se dévisag<strong>en</strong>t l’un l’autre, ils se perc<strong>en</strong>t l’un l’autre, ils se quitt<strong>en</strong>t<br />

l’un l’autre du regard. Ils se regard<strong>en</strong>t l’oreille.<br />

Le pupille : pose d’un seul coup les pieds sur le plancher ; nous l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dons.<br />

Le tuteur : regarde l’oreille du pupille.<br />

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