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Mise en page 1 - Théâtre Massalia

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“Déroutes” de Mathilde Monnier par Gérard May<strong>en</strong><br />

C’est le propre de cette pièce là. On peut, à tout instant, se porter sur l’un, sur l’autre,<br />

choisir. Ce qui fait qu’<strong>en</strong> même temps, elle paraît d’une aridité, d’une sécheresse<br />

exceptionnelles, parce qu’elle ne cultive pas cette composition d’<strong>en</strong>semble, ces unissons<br />

qui vont nous <strong>en</strong>traîner. Elle est beaucoup perçue comme « sèche comme un coup de<br />

trique », comme l’avait écrit Dominique Frétard dans Le Monde. En fait, elle est à<br />

profusion. Ça n’arrête pas. Il se passe toujours quelque chose dans « Déroutes », c’est<br />

une pièce over active. Surdosée. On peut à tout instant choisir, avec ce mode de<br />

composition de l’espace, vers qui on va porter notre regard.<br />

Donc Stéphane Bouquet vous a sûrem<strong>en</strong>t déjà attirés par sa singularité. Alors qu’est-ce<br />

qu’il a que les autres n’ont pas, qu’est-ce qui fait qu’il est différ<strong>en</strong>t ? A part de rares<br />

exceptions comme là, il marche. Il marche. Alors, il marche nettem<strong>en</strong>t plus l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t<br />

que les autres. Il marche sur des lignes strictem<strong>en</strong>t rectilignes. Ses trajectoires n’ont de<br />

variations qu’exclusivem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> angle droit. Donc, une marche excessivem<strong>en</strong>t géométrique,<br />

<strong>en</strong> carrés etc. Il est manifestem<strong>en</strong>t beaucoup plus absorbé peut-être que les autres.<br />

Il est claquemuré dans un univers intérieur. Vous avez peut-être remarqué que les autres<br />

ont des jeux de regards, d’att<strong>en</strong>tion. On va y v<strong>en</strong>ir, ce sont des micro-dramaturgies qui se<br />

produis<strong>en</strong>t. Lui, ne s’y prête absolum<strong>en</strong>t pas. Quel est-il ? On peut aussi trouver, par rapport<br />

à cette qualité de marche qu’à un danseur dont je parlais précédemm<strong>en</strong>t, qu’apparemm<strong>en</strong>t,<br />

il ne l’a pas vraim<strong>en</strong>t. Il a quelque chose d’un peu gourd, peut-être dans son<br />

port corporel, dans son corps.<br />

Stéphane Bouquet <strong>en</strong> fait est écrivain, scénariste de cinéma et poète. Il n’est pas du tout<br />

danseur. Danseur, alors, <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dons-nous, il faut problématiser ça. Il n’est pas danseur de<br />

profession. Il n’a pas suivi des formations de danse, il ne se consacre pas à cette activité<br />

de manière professionnelle, il n’<strong>en</strong> tire pas de rev<strong>en</strong>us, sauf exception comme ici. En<br />

revanche, il apparti<strong>en</strong>t à un certain courant de l’écriture contemporaine <strong>en</strong> poésie, dont<br />

le propre est d’essayer d’<strong>en</strong>gager un état corporel dans l’acte de création littéraire, et <strong>en</strong><br />

l’occurr<strong>en</strong>ce, la marche, dans son cas. De longues marches dans la ville. L’écriture est<br />

issue de ce processus là. C’est une écriture, qui n’est pas la poésie romantique à grand<br />

déploiem<strong>en</strong>t émotionnel, elle est très contemporaine, très neutre, peu tonale.<br />

En fait, vous vous souv<strong>en</strong>ez ce qu’on disait de « L<strong>en</strong>z ». Stéphane Bouquet est ici sur le<br />

plateau et se consacre à cette activité qu’il choisit habituellem<strong>en</strong>t comme mode d’écriture.<br />

Qu’est-ce que ça donne ? Moi je le sais, 95 % des spectateurs de cette pièce ne le<br />

savai<strong>en</strong>t pas. Ils n’ont pas forcém<strong>en</strong>t lu tout ce qui a pu se dire. La feuille de salle qu’on<br />

distribue à l’<strong>en</strong>trée comportait certains de ses poèmes, qui étai<strong>en</strong>t donc accessibles à la<br />

lecture pour les spectateurs. C’est tout. Là <strong>en</strong>core, ça me touche énormém<strong>en</strong>t, dans ces<br />

élém<strong>en</strong>ts de composition strictem<strong>en</strong>t imperceptibles. Je le sais, mais ça peut ne pas se<br />

savoir, la pièce se déroule tout autant, se reçoit tout autant. Je suis convaincu qu’elle<br />

s’<strong>en</strong>richit de ça, que ça ne produit pas ri<strong>en</strong>, que c’est là que ça travaille. Ça fait partie du<br />

dispositif. Ça permet le travail du regard sans que ce soit un rapport d’évid<strong>en</strong>ce<br />

manifeste. On continue à s’intéresser au son.<br />

[Extraits de la vidéo]<br />

Vous voyez la marche <strong>en</strong> crabe de Juli<strong>en</strong> Gallé-Ferré, que vous verrez ce soir dans le<br />

spectacle. Vous vous souv<strong>en</strong>ez qu’il y avait des chambres à air ? Et bi<strong>en</strong> le son, là a peutêtre<br />

à voir avec ces objets.<br />

On me signale que je parle trop. Je vais accélérer. Je ne vais pas pouvoir tout passer <strong>en</strong><br />

revue. Je me dis que si au moins vous voyez comm<strong>en</strong>t j’essaie de travailler dans le regard,<br />

j’aurais fait passer l’ess<strong>en</strong>tiel de ce que je voulais faire passer. Pour ce qui est de la<br />

musique, Erikm, dans la feuille de salle, figure dans la liste des interprètes. Ils sont 13. Il<br />

est placé dans l’ordre alphabétique. Son nom figure aussi dans la ligne : création son.<br />

C’est intéressant à questionner. C’est un musici<strong>en</strong> électronique actuel, qui travaille. C’est<br />

toute une mise <strong>en</strong> œuvre, vous l’avez peut-être perçu. Il amène son propre son, sa bande<br />

sonore, qui est composée d’élém<strong>en</strong>ts de musique composée, même s’il y <strong>en</strong> a très peu,<br />

au s<strong>en</strong>s conv<strong>en</strong>tionnel du mot, de sons captés, et surtout ici d’une auto-captation des<br />

sons du plateau. Ils sont absorbés, altérés, amplifiés, ils vont s’articuler <strong>en</strong> rebonds, <strong>en</strong><br />

déphasage, qui vont rev<strong>en</strong>ir beaucoup plus tard <strong>en</strong> écho etc. Il utilise une procédure de<br />

recyclage, de retraitem<strong>en</strong>t, de rediffusion. Je ne suis pas spécialiste, même si j’adore tout<br />

ça. Je ne compr<strong>en</strong>ds pas très bi<strong>en</strong> comm<strong>en</strong>t tout ça fonctionne. En tout cas, on a là un<br />

usage de la musique qui devi<strong>en</strong>t, je dirais, une sorte de matériau d’une méta-chorégraphie.<br />

En tout cas, ça n’est absolum<strong>en</strong>t pas quelque chose qui ne serait qu’un appui ou<br />

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