Mise en page 1 - Théâtre Massalia
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Ecriture et notation musicales : L’écriture et l’espace par Nicolas Frize<br />
fait, elle était de moi ! Je l’avais reconnue. Non, je ne l’avais pas reconnue, mais reconnue<br />
intuitivem<strong>en</strong>t. Elle passait à la radio. Je p<strong>en</strong>se que cette abs<strong>en</strong>ce de mémoire plus cette<br />
mobilité, plus un côté amoureux un peu fou furieux, qui consiste à vraim<strong>en</strong>t avoir <strong>en</strong>vie<br />
des choses, des g<strong>en</strong>s, d’être un peu boulimique des situations, plus cette situation de<br />
mourir régulièrem<strong>en</strong>t, me met dans une insécurité pour laquelle j’ai une grande passion.<br />
L’insécurité est une chose<br />
jubilatoire. C’est sublime de ne<br />
pas savoir ce qui va se passer<br />
demain. De ne pas savoir si on va se réveiller le l<strong>en</strong>demain. On ouvre l’œil, c’est un<br />
cadeau. Ça n’est pas acquis, ça n’est pas donné. Je ne sais jamais si je vais me réveiller<br />
le l<strong>en</strong>demain. D’ailleurs ce matin j’ai <strong>en</strong>voyé un SMS dans l’avion, avant de décoller, <strong>en</strong><br />
disant à des amis, « Je pars à Toulon, j’espère que je vais rev<strong>en</strong>ir ! ». Jusque là ça va ! C’est<br />
marrant que l’on parle de ça. D’ailleurs l’avion a bougé à l’arrivée. J’ai rep<strong>en</strong>sé à mon<br />
SMS. C’est drôle.<br />
L’insécurité est une chose jubilatoire<br />
Question dans le public :<br />
A propos du fait que vous ne voulez pas éditer. Il y a peut-être quelque chose de dommage de refuser de le<br />
faire.<br />
Oui, c’est dommage. Enfin, je n’ai pas à dire ça, je serais fier si je disais ça ! Mais je trouve<br />
ça regrettable. Mais bon, il faut le faire.<br />
Question dans le public :<br />
C’est peut-être dommage aussi de p<strong>en</strong>ser qu’à un mom<strong>en</strong>t donné il y a d’autres interprètes qui pourrai<strong>en</strong>t<br />
s’approprier cette musique <strong>en</strong> faire autre chose et continuer à la faire vivre.<br />
Oui, mais ils le font avec les autres. C’est bi<strong>en</strong> qu’il y <strong>en</strong> ait un qui le fasse. Ça crée plein<br />
de questions, ça soulève des idées. Il faut qu’il y <strong>en</strong> ait un qui le fasse jusqu’au bout. Si<br />
je craque <strong>en</strong> cours, c’est dommage.<br />
Ça pose des questions : Qu’est-ce que c’est que le vivant ? Qu’est-ce que c’est que la<br />
consommation ? Qu’est-ce que le rapport à l’arg<strong>en</strong>t ? Est-ce qu’un sujet peut dev<strong>en</strong>ir un<br />
objet ? Est-ce qu’un objet est reproductible ? Est-ce qu’un sujet est reproductible ? Là,<br />
vous pouvez m’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre parce que je suis là. Si je n’étais pas là, vous ne m’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>driez<br />
pas. C’est le cas de tout le monde, mais pour la musique, je parle.<br />
C’est formidable, <strong>en</strong> général, il y a un monde fou au concert. Ça n’est pas prévisible. Mais<br />
les g<strong>en</strong>s sav<strong>en</strong>t qu’on pourra m’écouter à ce mom<strong>en</strong>t là, après, c’est dans un an. Du coup,<br />
ça fait un monde fou au concert. C’est le mom<strong>en</strong>t vivant. Ça va se passer à ce mom<strong>en</strong>t là.<br />
Il y a eu un travail d’un an, avec des interprètes, un travail d’écriture compliqué dans un<br />
lieu choisi avec un thème particulier, bon, b<strong>en</strong>, on y va.<br />
Si vous savez que vous pouvez le voir dix fois, que vous pouvez acheter le DVD dans un<br />
mois, pourquoi pas rester chez soi et se faire une choucroute. Ça crée de la société. Le<br />
chou, c’est bon, oui ! Mais on peut le faire le l<strong>en</strong>demain. Un concert, c’est un mom<strong>en</strong>t de<br />
société. C’est très important de sortir, de se retrouver <strong>en</strong>semble <strong>en</strong>train d’écouter les<br />
choses.<br />
Je vous <strong>en</strong> montre un autre. C’est Marseille, sur la Poste. La salle, je la recrée, je la peins<br />
<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> blanc, pour pouvoir la colorer <strong>en</strong> bleu. J’imagine un ciel bleu, <strong>en</strong>tre le ciel<br />
et la mer, comme à Marseille, un univers bleu, dans lequel je reconstruis une usine.<br />
Enfin, pas vraim<strong>en</strong>t une usine, plutôt un c<strong>en</strong>tre de tri, de distribution, où des sons<br />
arriv<strong>en</strong>t de partout. Les interprètes vont se déplacer. Ce serait comme un lieu de travail.<br />
Les g<strong>en</strong>s sont assis dans des rangées, comme des casiers. La musique va leur parler de<br />
la distribution, du courrier, de ces choses qu’on se dit les uns les autres par le courrier.<br />
Il y a toute une installation. Le postier pr<strong>en</strong>d son petit déjeuner, il a son toaster. On voit<br />
un tuyau arriver, là. Il y avait cet imm<strong>en</strong>se tuyau qui traversait toute la salle à l’horizontale,<br />
et quelqu’un <strong>en</strong>voyait des billes. Les billes dévalai<strong>en</strong>t dans la salle. C’est une métaphore<br />
de la transmission, qui est le propre du courrier. Je suis au c<strong>en</strong>tre <strong>en</strong>train de diriger,<br />
derrière moi il y a la clarinette, la clarinette basse, un haute contre, un chœur d’adultes,<br />
à gauche, notre facteur, qui dit des textes. Ici on a un autre facteur qui fait des sons.<br />
Tout à l’heure, il va se prom<strong>en</strong>er avec un piano r<strong>en</strong>versé. Il joue avec sa distribution. On<br />
avait mis une grille au fond, et quand il <strong>en</strong>voie les lettres, ça fait un bruit sympa, avec<br />
leur rythme. Il est d’ailleurs rejoint par un percussionniste qui est dans un autre casier.<br />
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