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Mise en page 1 - Théâtre Massalia

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L’écriture au théâtre jeune public - Emerg<strong>en</strong>ce d’un nouveau langage ou nouveau rapport au public ? (1ère partie)<br />

est dans la confusion des g<strong>en</strong>res. Il y a avait un monsieur qui s’appelait Sandor Fer<strong>en</strong>zci,<br />

un psychanalyste hongrois, qui a écrit dans les années 30 un très bel article qui s’intitule<br />

« Confusion de g<strong>en</strong>res, <strong>en</strong>tre le langage des adultes et le langage des <strong>en</strong>fants ». Son propos<br />

c’était ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t que la langue qui était adressée aux adultes, des adultes aux<br />

adultes, <strong>en</strong>tre adultes, était un langage de passion. C’est à dire que les adultes, quand<br />

ils se parlai<strong>en</strong>t, étai<strong>en</strong>t passés par le stade de la sexualisation. Ils avai<strong>en</strong>t un rapport à la<br />

sexualité qui passe par le langage, qui est particulier, qui est avéré. Chacun de nos mots,<br />

de nos <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>ts témoign<strong>en</strong>t de cette implication, de cet acharnem<strong>en</strong>t de la sexualité<br />

à travers nos propos et nos gestes. Ça, c’est très Freudi<strong>en</strong>, cette idée qu’il y a du sexe<br />

partout, et que, assurém<strong>en</strong>t, c’est un grand moteur de la vie. Nous sommes tous, vous le<br />

savez bi<strong>en</strong>, très Freudi<strong>en</strong>s. Ceux qui p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t autrem<strong>en</strong>t peuv<strong>en</strong>t sortir de la salle… ! La<br />

vraie vie, c’est ça. Ça se passe assurém<strong>en</strong>t beaucoup <strong>en</strong> dessous de la ceinture.<br />

Mais cette espace <strong>en</strong> dessous de la ceinture n’a de s<strong>en</strong>s que parce que nous avons une<br />

p<strong>en</strong>sée. Que nous sommes des animaux p<strong>en</strong>sants, et qu’à partir de là, nous sommes toujours<br />

à nous référer à notre capacité à mettre <strong>en</strong> mots, mettre <strong>en</strong> rêverie des représ<strong>en</strong>tations,<br />

chercher du s<strong>en</strong>s etc… Mais que, tous ces efforts de p<strong>en</strong>ser, toutes ces cogitations<br />

que nous faisons, sont constamm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> li<strong>en</strong> avec une recherche qui a un rapport avec la<br />

sexualité. Quelque chose qui nous fait du bi<strong>en</strong> quelque chose qui est bon, quelque<br />

chose qui essaie de nous ram<strong>en</strong>er <strong>en</strong> ce temps où nous avions tout, où nous espérions<br />

avoir tout, où nous imaginions avoir tout… donc l’idée que les adultes fonctionn<strong>en</strong>t<br />

comme ça, dans ce langage là, qui est le langage de la passion. Et il dit que les <strong>en</strong>fants,<br />

et pour les <strong>en</strong>fants c’est, vous savez, avant Sophocle, Œdipe et toutes ces choses là, c’est<br />

à dire, avant la phase œdipi<strong>en</strong>ne, <strong>en</strong> gros, leur langage n’est pas ce langage là. Ils parl<strong>en</strong>t<br />

le langage de la t<strong>en</strong>dresse. Leur façon de compr<strong>en</strong>dre le monde n’est pas sexué,<br />

comme nous le compr<strong>en</strong>ons.<br />

Cette différ<strong>en</strong>ce là est capitale et irrémédiable, dans tout li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre l’<strong>en</strong>fant et l’adulte.<br />

Quand les adultes se mett<strong>en</strong>t à parler passion aux <strong>en</strong>fants, ça s’appelle l’inceste.<br />

N’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dez pas l’inceste ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t sur le mode du rapport physique, mais sur tout<br />

ce qui fait incestuel, confusion, confusion de g<strong>en</strong>res, de générations, confusion de la différ<strong>en</strong>ce…<br />

On est tous pareils. La question du même. On parle tous la même langue. On<br />

se congratule tous les uns et les autres, d’être à la même tribune. On fait tous du même.<br />

Et à côté de cela, on se retrouve dans une dynamique où l’autre aspect c’est de pouvoir<br />

proposer quelque chose qui est différ<strong>en</strong>t. C’est à dire que l’adulte, quand il s’adresse à<br />

l’<strong>en</strong>fant, doit p<strong>en</strong>ser à l’<strong>en</strong>fant.<br />

Il y a eu toute une campagne de prév<strong>en</strong>tion, à une époque, sur la question des sévices<br />

sexuels où on disait aux <strong>en</strong>fants dans les écoles, on déf<strong>en</strong>dait un projet qui v<strong>en</strong>ait du<br />

Canada, qui disait « Mon corps, c’est mon corps ». On leur disait tout un truc autour de<br />

l’idée : « Tu dois dire à un autre qui vi<strong>en</strong>drait toucher ton corps, touche pas ! Mon corps,<br />

c’est mon corps ». Ce qui est une façon complètem<strong>en</strong>t folle de p<strong>en</strong>ser le li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre les<br />

générations. Parce que ça, c’est l’adulte qui doit le p<strong>en</strong>ser. Ce n'est pas l’<strong>en</strong>fant qui doit<br />

intégrer l’interdit, mais c’est l’adulte qui doit savoir au préalable qu’on ne touche pas le<br />

corps de l’<strong>en</strong>fant. Et toucher, je le répète, ça n’est pas simplem<strong>en</strong>t un rapport physique,<br />

ça peut être des mots qui ont exactem<strong>en</strong>t cette portée là. La viol<strong>en</strong>ce du langage passionnel<br />

qui peut être adressé à un <strong>en</strong>fant, aujourd’hui, il est majeur dans notre société. On<br />

devrait être att<strong>en</strong>tif à cette chose là. Cette att<strong>en</strong>tion là, provi<strong>en</strong>t du fait qu’on se dise :<br />

« J’ai <strong>en</strong> face de moi un sujet différ<strong>en</strong>t ».<br />

Je dois faire un effort pour aller à la r<strong>en</strong>contre de cette différ<strong>en</strong>ce là. C’est ce qu’on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d<br />

à longueur de jour aujourd’hui sur le modèle de l’intégration. Tout le monde doit être intégré.<br />

Regardez sur le modèle des retraites : tout le monde doit payer la même chose. On<br />

est sur le modèle du « toutlemondisme » extrêmem<strong>en</strong>t développé. Tous pareils. Et ce «<br />

tous pareils » là, il faut qu’il se mette <strong>en</strong> place dans le « pas de conflits ». Il faut qu’on<br />

arrive à être tous pareils sans qu’il y ait de conflits. Ce qui est la folie la plus totale. Parce<br />

qu’il ne faut pas que l’on soit tous pareils. Il faut aussi qu’il y ait du conflit. Ça n’est que<br />

comme ça que les choses évolu<strong>en</strong>t.<br />

On se retrouve dans un champ où, d’une certaine façon, le théâtre pour la petite <strong>en</strong>fance,<br />

est totalem<strong>en</strong>t imprégné de ces données là. Il peut tout à fait être un langage de passion<br />

et éveiller, et Fer<strong>en</strong>czi disait qu’il s’agissait là d’un mode de traumatisme de l’<strong>en</strong>fant, de la<br />

petite <strong>en</strong>fance. Alors bi<strong>en</strong> sûr, ça va loin ces questions là. En quoi telle ou telle r<strong>en</strong>contre<br />

avec un tout-petit peut faire traumatisme dans sa vie ? Qu’est-ce que ça veut dire, d’ailleurs,<br />

cette histoire là du traumatisme, qui est constamm<strong>en</strong>t convoquée aujourd’hui ?<br />

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