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Mise en page 1 - Théâtre Massalia

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L’œuvre de Anne Teresa de Keersmaker par Philippe Guisgand<br />

nue sa vie. Il y a comme ça, à travers ces petites œuvres, à la fois un statut d’étude et de<br />

prise d’autonomie d’une part du mouvem<strong>en</strong>t, de petites unités qui se cré<strong>en</strong>t comme ça,<br />

indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t des pièces phares.<br />

On le voit, ce qui est très intéressant quand on suit ce travail, c’est de voir grandir,<br />

s’interroger, mûrir sous les nos yeux de spectateurs au fil des spectacles, justem<strong>en</strong>t ces<br />

questions de vocabulaire, ces manières de dialoguer avec le texte, avec l’image, avec la<br />

musique et qui fait voir aussi ce travail comme un « work in progress » perman<strong>en</strong>t, une<br />

réflexion sur ces relations qui ne s’arrête pas.<br />

Si on veut parler du style « Rosas », c’était un peu le titre qu’on a choisi de donner à cette<br />

interv<strong>en</strong>tion, j’aurais pu aussi, je l’ai évoqué un petit peu, parler de l‘influ<strong>en</strong>ce de Trisha<br />

Brown, sur la manière de construire le mouvem<strong>en</strong>t à partir des années 90, sur la<br />

question du g<strong>en</strong>re, dans les rapports hommes-femmes, sur la question de l’adresse au<br />

spectateur, sur la question des référ<strong>en</strong>ces au temps, sur les référ<strong>en</strong>ces à la mémoire.<br />

J’<strong>en</strong> avais parlé il y a peu de temps, à Nice, à Monaco, sur la question de la place de<br />

l’artiste dans le monde, sur la question de l’improvisation, sur le rôle des langues. Mais<br />

avec un tel panel, s’il avait fallu le prés<strong>en</strong>ter de façon ext<strong>en</strong>sive, déjà là, je suis ne suis<br />

pas sûr, mais je risquais de vous perdre. Donc, j’ai préféré ramasser un petit peu.<br />

Ramasser sur trois questions artistiques qui me paraiss<strong>en</strong>t intéressantes.<br />

La première, c’est comm<strong>en</strong>t l’œuvre s’inscrit, non pas <strong>en</strong> convoquant les arts pour les faire<br />

se r<strong>en</strong>contrer, mais comm<strong>en</strong>t elle creuse un questionnem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre les arts. De ce point de<br />

vue là, ce travail d’exploration date de très longtemps, déjà dans sa première pièce<br />

d’étude, qui ne fait pas franchem<strong>en</strong>t partie du répertoire qui s’appelait « Asch », qui avait<br />

été prés<strong>en</strong>tée <strong>en</strong> fin d’année à MUDRA, <strong>en</strong> 1980, avant même qu’elle parte à New York.<br />

C’était déjà un travail à partir d’un texte, avec un comédi<strong>en</strong>. Ce li<strong>en</strong> avec le théâtre était<br />

déjà très fort. De ce point de vue là, la première pièce dans laquelle se pose cette question<br />

du « <strong>en</strong>tre les arts » et de la relation des arts <strong>en</strong>tre eux, c’est « El<strong>en</strong>a’s aria ». Dans<br />

cette pièce, il y a de la vidéo, des textes qui sont lus par les interprètes, de la musique,<br />

des objets fonctionnels qui sont presque là pour faire exister la danse. Il y a des choses,<br />

des fauteuils <strong>en</strong> pagaille, une énorme soufflerie, des lampes qui serv<strong>en</strong>t à structurer les<br />

espaces de lecture notamm<strong>en</strong>t, et qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t habiter l’espace de la danse. Vous vous<br />

souv<strong>en</strong>ez, c’est la pièce dans laquelle Anne Teresa de Keersmaeker se demande : « Estce<br />

que je continue ce travail sur l’unisson, ce travail de défi à la musique, ou bi<strong>en</strong> est-ce<br />

que pars vers autre chose ? ».<br />

Cette pièce là n’est pas une réponse. Elle est la mise <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce scénique de ce questionnem<strong>en</strong>t.<br />

C’est une pièce qui s’interroge sur son propre processus de création. On voit<br />

bi<strong>en</strong> comm<strong>en</strong>t la chorégraphe cherche, à travers tous ses matériaux. Malheureusem<strong>en</strong>t<br />

on l’a peu vue, et il <strong>en</strong> reste des traces difficiles à trouver, mais on voit comm<strong>en</strong>t elle<br />

cherche déjà à travailler cet impact des différ<strong>en</strong>ts matériaux et comm<strong>en</strong>t ils peuv<strong>en</strong>t s’articuler<br />

<strong>en</strong>tre eux dans la composition.<br />

Seize ans plus tard, avec un goût jamais dém<strong>en</strong>ti pour ces <strong>en</strong>vies de cohabitation des disciplines,<br />

Anne Teresa de Keersmaeker, avec une pièce qui s’appelle « In real time « . C’est<br />

l’irruption de l’improvisation dans son travail, qui est d’ailleurs une pratique commune<br />

à la fois à la musique au théâtre et à la danse, et elle va t<strong>en</strong>ter d’opérer une fusion <strong>en</strong>tre<br />

ces trois disciplines. Elle instaure la disponibilité et l’écoute, qui permet le « faire<br />

<strong>en</strong>semble » de cette pièce, et qui permet d’habiter un espace commun. Là, clairem<strong>en</strong>t,<br />

cette recherche, même si de mon point de vue, la pièce n’est pas véritablem<strong>en</strong>t aboutie,<br />

se fait assez clairem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre les arts et non pas comme une superposition des arts. Et<br />

d’ailleurs, elle dira souv<strong>en</strong>t : « Je reçois assez bi<strong>en</strong> cette idée d’être <strong>en</strong>tre les arts, je n’ai<br />

pas formulé ça clairem<strong>en</strong>t. Mais c’est normal, moi je suis Belge, et <strong>en</strong> Belgique tout est<br />

<strong>en</strong>tre. On est <strong>en</strong>tre l’Allemagne, la Hollande et Paris. C’est un mélange de cultures, <strong>en</strong>tre<br />

la culture romane et la culture germanique. Bref, c’est une espèce de no man’s land ».<br />

Qui d’ailleurs aujourd’hui est dans une crise assez inquiétante.<br />

Autre domaine qui pourrait constituer un exemple assez éclairant, c’est l’image. D’abord<br />

parce qu’elle a un li<strong>en</strong> avec l’image qui est très fort. Toutes les pièces évidemm<strong>en</strong>t sont<br />

filmées, captées depuis le début, mais souv<strong>en</strong>t ont été reprises pour des vidéo danses.<br />

« Rosas danst rosas », « Achterland », c’est un peu différ<strong>en</strong>t, ou « Rosa », ce sont des pièces<br />

qui ont été filmées pour dev<strong>en</strong>ir des objets-vidéo danse <strong>en</strong> soi. C’est elle qui filme,<br />

comme dans « Achterland », où elle devi<strong>en</strong>t cinéaste. Parfois, elle va chercher des noms<br />

très prestigieux. « Rosa » a été filmé par Peter Gre<strong>en</strong>away, et beaucoup ont été faites par<br />

Thierry de Mey, qui prés<strong>en</strong>te la caractéristique d’avoir la double casquette d’être à la fois<br />

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