Mise en page 1 - Théâtre Massalia
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L’écriture au théâtre jeune public - Emerg<strong>en</strong>ce d’un nouveau langage ou nouveau rapport au public ? (1ère partie)<br />
tomates, écrase les fraises <strong>en</strong>tre ses mains, ponctuant ses gestes de « Tu vas parler, crevure ! », et de<br />
variantes de même nature « Je vais te faire la peau si tu ne l’ouvres pas ! ». Sa mère apparaît tandis qu’il<br />
est <strong>en</strong> pleine action. Elle s’immobilise et regarde le carnage. Noir.<br />
Musique de chambre.<br />
Jojo est avec ses copains. Devant eux, sur le sol, l’aspirateur. Jojo <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>d le démontage de l’appareil et<br />
distribue les différ<strong>en</strong>tes pièces Chacune d’elle devi<strong>en</strong>t un instrum<strong>en</strong>t à v<strong>en</strong>t ou à percussion. Et chacun des<br />
copains, sitôt <strong>en</strong> possession de son instrum<strong>en</strong>t, comm<strong>en</strong>ce à émettre des sons. C’est au mom<strong>en</strong>t où l’orchestre<br />
complet se déchaîne, que la mère r<strong>en</strong>tre. Elle s’approche de Jojo, lui <strong>en</strong>lève son instrum<strong>en</strong>t, et lui<br />
colle une baffe. Les autres musici<strong>en</strong>s arrêt<strong>en</strong>t instantaném<strong>en</strong>t de jouer. Noir.<br />
Dominique Bérody<br />
Merci de cet extrait et c’est une superbe coïncid<strong>en</strong>ce, comme quoi le hasard n’existe pas.<br />
J’étais hier à la première de « Jojo le Récidiviste », à l’espace des Arts à Chalon, mis <strong>en</strong><br />
scène par Joël Jouanneau. C’est naturellem<strong>en</strong>t une première mondiale à laquelle vous<br />
v<strong>en</strong>ez d’assister puisque « Jojo le Récidiviste » est la première pièce de théâtre jeune<br />
public écrite <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> didascalies. Le spectacle et la mise <strong>en</strong> scène de Joël<br />
Jouanneau est une comédie muette, burlesque, et il fait jouer à ses acteurs très exactem<strong>en</strong>t<br />
et au millimètre près les didascalies de Joseph Danan. Et <strong>en</strong> même temps, ce texte<br />
didascalique offre, on le voit, un immédiat plaisir de la lecture à voix haute, donc, formidable<br />
coïncid<strong>en</strong>ce. Et si Joël Jouanneau a voulu mettre <strong>en</strong> scène ce texte, lui cet amoureux<br />
du texte, de la littérature et de la poésie parce que toute son <strong>en</strong>fance, il s’est<br />
demandé si c’était la main de sa mère qui voulait s’abattre sur lui, ou si c’était sa joue<br />
qui att<strong>en</strong>dait la main de sa mère, et que c’était une manière, pour lui, qu’ils puiss<strong>en</strong>t dire<br />
leurs « Je t’aime » journaliers. On va poursuivre notre voyage avec les auteurs cette fois<br />
ci, et avec leur écriture.<br />
Anne Luthaud est romancière, elle publie ses romans aux éditions Verticales, mais elle<br />
écrit aussi dans de nombreuses revues littéraires. C’est une aussi passionnée. Elle a eu<br />
à voir avec la création de la Fémis, donc elle a aussi un certain regard, (pour repr<strong>en</strong>dre<br />
un certain Festival de Cannes), sur le cinéma et sur le monde et qui aussi, depuis quelques<br />
temps, contribue du côté de l’écriture, à la création de spectacles qui mêl<strong>en</strong>t<br />
l’image, la poésie et le théâtre. J’évoque notamm<strong>en</strong>t le travail tout à fait novateur, je<br />
trouve, dans l’utilisation de la vidéo et l’écriture de l’image, de la compagnie dirigée et<br />
animée par Anne-Marie Marques. Le spectacle dont je parle tourne actuellem<strong>en</strong>t, il s’appelle<br />
« Le bleu de Madeleine et les autres ». Mais la meilleure manière d’<strong>en</strong>trer <strong>en</strong> relation<br />
et de faire connaissance avec Anne Luthaud, c’est d’écouter ce qu’elle écrit. Nous<br />
ferons ce petit voyage avec les auteurs <strong>en</strong> compagnie de Nathalie Papin, de Philippe<br />
Dorin, qui nous livreront peut-être, quelques-unes unes des raisons profondes intimes,<br />
qui fait qu’il y a eu chez eux ce désir de s’adresser aux <strong>en</strong>fants, et d’avancer sur leur propre<br />
recherche sur la langue.<br />
Lecture de Garder<br />
« Maint<strong>en</strong>ant je me souvi<strong>en</strong>s. C’est ce jour là que ça a vraim<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>cé. J’ai raconté une histoire à Louise<br />
pour ne pas qu’elle me quitte. Plus tard, j’ai passé une annonce, pour dire que j’étais à la recherche de toutes<br />
les histoires qu’on voudrait me confier. Après, je suis allé habiter le phare. Il s’allume et s’éteint automatiquem<strong>en</strong>t.<br />
La machinerie n’a pas besoin d’hommes. J’ai obt<strong>en</strong>u la permission d’y rester, à condition de ne<br />
pas toucher à la lanterne. C’est rond, et on est <strong>en</strong>fermé. Il y a plusieurs étages, des f<strong>en</strong>êtres étroites, de murs<br />
de pierre. La mer autour. Aujourd’hui, je regarde la mer le moins possible. Je la laisse à distance. Certains<br />
jours, il me faut l’éviter. Sinon elle s’infiltre, me dissout. Alors, je regarde les pierres des murs, le parquet, les<br />
tours de f<strong>en</strong>êtres ou la table, au c<strong>en</strong>tre de la pièce où je suis. Tout est <strong>en</strong> ordre. Ici, tout est lisse. J’ai jeté beaucoup.<br />
Je l’ai fait peu à peu. Lorsque j’habitais à terre, je gardais tout. La plus insignifiante carte postale, elle<br />
était écrite. Les vêtem<strong>en</strong>ts, ils pouvai<strong>en</strong>t toujours servir. Les objets, je les <strong>en</strong>tassais dans des boîtes. Les livres,<br />
je rachetais souv<strong>en</strong>t les mêmes, je les avais oubliés. Puis, j’ai voulu me débarrasser des choses, pour avoir l’esprit<br />
libre. Faire place nette. J’ai vidé, trié, choisi, jeté. Me sont seulem<strong>en</strong>t restées les histoires ».<br />
’est le début de « Garder », le titre s’imposait. Alors Anne, j’aimerais que tu nous dises<br />
un peu comm<strong>en</strong>t ça s’est passé, cette r<strong>en</strong>contre avec Anne-Marie Marques, et comm<strong>en</strong>t,<br />
tout <strong>en</strong> continuant à développer ton écriture littéraire et tes romans, tu as voulu, à un<br />
mom<strong>en</strong>t donné, creuser du côté de l’<strong>en</strong>fance ?<br />
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