Mise en page 1 - Théâtre Massalia
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La solitude, proposé par La P<strong>en</strong>sée de Midi<br />
de votre travail.<br />
Zad Moultaka<br />
J’ai quitté le Liban il y a 25 ans maint<strong>en</strong>ant. C’est vrai que pour un créateur, pour pouvoir<br />
travailler avec une matière, avec la matière de la mémoire de choses qu’il a côtoyées,<br />
qu’elles soi<strong>en</strong>t viol<strong>en</strong>tes ou pas, on a besoin d’une distanciation. Le fait d’avoir été dans<br />
cette espèce d’exil, si on veut l’appeler comme ça…<br />
Thierry Fabre<br />
Un exil intérieur, pas un exil politique.<br />
Zad Moultaka<br />
Voilà. C’est ce chemin là et ce voyage là qui m’a permis avec la distance, de pouvoir travailler<br />
et réfléchir sur les choses de la mémoire, qui font <strong>en</strong> fait partie de ma mémoire.<br />
Thierry Fabre<br />
Ça a permis d’une certaine façon des jonctions de sources. Entre une formation musicale<br />
disons, de musique classique/contemporaine avec la volonté de r<strong>en</strong>ouer avec des formes<br />
musicales héritées, et de les retravailler pour les réintroduire dans l’écriture contemporaine.<br />
C’est intéressant d’expliciter cette problématique là.<br />
Zad Moultaka<br />
Tout à fait. En fait, cette problématique là, c’est une problématique qui est très anci<strong>en</strong>ne.<br />
Chaque créateur est <strong>en</strong> quête, <strong>en</strong> recherche de nouvelles formes. Alors, est-ce que les<br />
nouvelles formes vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t de quelque chose d’extérieur, est-ce une posture juste pour<br />
trouver de nouvelles formes ou est-ce qu’il y a à un mom<strong>en</strong>t donné une réflexion très<br />
intérieure de questions de son propre héritage et de sa propre position et exist<strong>en</strong>ce au<br />
sein d’une société ? C’est vrai que moi j’ai une formation de musique occid<strong>en</strong>tale, j’ai été<br />
formé à la musique occid<strong>en</strong>tale classique depuis Monteverdi, Bach, Mozart, tout ça. J’ai<br />
eu la chance d’être <strong>en</strong> France, parce qu’il y a eu l’espace de la musique contemporaine<br />
et la dynamique de la création qui m’ont été ouverts, pas seulem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> musique, égalem<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong> peinture, dans toutes formes d’expression artistique. A partir de ce mom<strong>en</strong>t là,<br />
j’ai comm<strong>en</strong>cé à interroger mon héritage qui n’est pas forcém<strong>en</strong>t seulem<strong>en</strong>t un héritage<br />
libanais ou arabe, mais c’est aussi un héritage occid<strong>en</strong>tal. C’est là où les choses devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />
un peu compliquées !<br />
Thierry Fabre<br />
Ça s’appelle la Méditerranée ! Dans la façon de les relier <strong>en</strong> tout cas.<br />
Zad Moultaka<br />
Voilà. A partir de ce mom<strong>en</strong>t là, quelle attitude avoir avec ces choses là qui me constitu<strong>en</strong>t<br />
? Comm<strong>en</strong>t travailler avec ça ? Comm<strong>en</strong>t mettre les choses <strong>en</strong> t<strong>en</strong>sion, comm<strong>en</strong>t,<br />
<strong>en</strong> fait, trouver un espace qui est, on a souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>vie de dire, un espace de fusion, on<br />
aime bi<strong>en</strong> aujourd’hui ces mots de fusion. C’est un espace de, c’est une quête de cohér<strong>en</strong>ce<br />
intérieure parce que, comme on est fait de mille morceaux, de choses complètem<strong>en</strong>t<br />
diffractées, et de plus <strong>en</strong> plus aujourd’hui dans la globalisation. Dans la mondialisation,<br />
tout est tellem<strong>en</strong>t éclaté, on a l’impression que l’être aussi a subi ce choc. Ce<br />
choc et ce morcellem<strong>en</strong>t, on le subit chacun de nous et la question, c’est finalem<strong>en</strong>t,<br />
c’est pour ça que je dis que ce n’est pas tout à fait une posture, c’est comm<strong>en</strong>t arriver à<br />
un espace intérieur cohér<strong>en</strong>t qui soit finalem<strong>en</strong>t dans une paix, pour rec<strong>en</strong>trer l’être.<br />
Thierry Fabre<br />
Jacques Berque, qui est un spécialiste du monde arabe et qui <strong>en</strong>seignait au Collège de<br />
France, avait fait un livre qui s’appelait « L’Ori<strong>en</strong>t Second ». Pour expliquer un peu cette<br />
quête là, il pr<strong>en</strong>ait deux exemples : <strong>en</strong> peinture Paul Klee avec son fameux voyage <strong>en</strong><br />
Tunisie où il dit « J’ai découvert la couleur, je suis peintre », et Bartok, musici<strong>en</strong> qui non<br />
seulem<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>ait au Congrès de Musique Arabe du Caire et qui s’est beaucoup intéressé<br />
à cette histoire, mais surtout, qui a r<strong>en</strong>oué avec ce qu’on appelait alors le folklore. Je sais<br />
bi<strong>en</strong> que ce n’est pas de cela dont il s’agit pour vous mais il s’agit quand même de<br />
r<strong>en</strong>ouer avec des voix, des formes de chant, des formes musicales. En écoutant par exemple<br />
la pièce « Ezan », il serait intéressant d’<strong>en</strong> dire quelques mots, vous essayez de réin-<br />
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