Mise en page 1 - Théâtre Massalia
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Ecriture et notation musicales : L’écriture et l’espace par Nicolas Frize<br />
posé, ou que je choisis, mais qui <strong>en</strong> lui-même n’est pas porteur de commande, et que du<br />
coup, je scénographie. Je le mets <strong>en</strong> scène et je lui impose de dev<strong>en</strong>ir un lieu. Au départ,<br />
c’est un espace. Je p<strong>en</strong>se par exemple à des usines dont l’histoire ne m’intéressait pas.<br />
Par exemple à la Friche la Belle de Mai à Marseille, où j’ai fait une création l’année dernière.<br />
En tant que tel, je n’ai pas voulu travailler sur l’histoire de la Friche, sur la Seita,<br />
sur cet <strong>en</strong>droit. On m’a donné un volume. Disons que dans le cadre de ce travail, son histoire<br />
ne m’intéressait pas, son architecture était intéressante, <strong>en</strong>fin, je l’ai modifiée, et<br />
puis par contre, je l’ai fortem<strong>en</strong>t scénographié, parce que je voulais lui faire dire quelque<br />
chose qu’il ne disait pas. Je voulais le transformer <strong>en</strong> un certain espace. J’ai écrit la musique<br />
<strong>en</strong> fonction de la transformation que j’avais anticipée de l’espace. Donc ça, c’est la<br />
deuxième rubrique. Les lieux à scénographier. Je ne suis toujours pas dans une musique<br />
qui s’écoute, mais qui se joue, là, dans une salle.<br />
Les non-lieux.<br />
Après, il y a les non-lieux. C’est à dire que ce sont les<br />
musiques que l’on peut écouter dans une salle, on se<br />
fiche complètem<strong>en</strong>t de là où on est. On se met dans le noir, on paie, un peu comme dans<br />
une psychanalyse, on se projette, et puis on att<strong>en</strong>d. C’est l’auditeur qui fait tout le travail.<br />
De territorialisation interne.<br />
En fait, avant de faire trop de théorie, on va parcourir quelques uns des espaces. Un peu<br />
dans le désordre.<br />
Je me suis amusé à faire des paysages pour la vue. Vous voyez la Rue Lafayette, qui croise<br />
la Rue du Château Landon. Il y a un feu rouge. Au bout, on voit le métro qui passe, à<br />
Stalingrad. Je me suis amusé à faire des tas de paysages. Ce ne sont pas des partitions<br />
de musique, ça n’est pas jouable. C’est pour vous montrer que j’ai <strong>en</strong>vie de faire coller<br />
les sons et les images.<br />
Ça, c’est une création que j’ai donnée dans le cadre du Festival d’Ile de France, qui s’appelle<br />
Auguste s’<strong>en</strong>vole. C’était une anci<strong>en</strong>ne usine de chaudières Babcok à la Courneuve. J’ai<br />
voulu utiliser les trois volumes et que le public déambule <strong>en</strong>tre les espaces, mais de<br />
façon non libre. Il y avait des parties. Le public était simultaném<strong>en</strong>t dans les trois parties.<br />
C’est quelque chose qu’on va retrouver plusieurs fois. Il y avait un imm<strong>en</strong>se hangar dans<br />
lequel il y avait deux scènes. Le public est assis. Des objets sonores vont circuler p<strong>en</strong>dant<br />
que les musici<strong>en</strong>s jou<strong>en</strong>t. On a une pièce pour Ténor et Violoncelle.<br />
Dans le volume suivant, sur une des deux scènes, sur des tourets électriques, on a un<br />
<strong>en</strong>semble de cuivres et de bois, qui sont plantés là. Dans cette même salle, il y avait 8 instrum<strong>en</strong>tistes<br />
qui étai<strong>en</strong>t collés au plafond, et deux lecteurs. Le public déambulait dans<br />
l’espace. Chaque fois, ce sont des pièces de 20 minutes. Le public s’arrête, écoute ça.<br />
Le troisième espace était un imm<strong>en</strong>se gradin. Il me servait de scène pour une première<br />
partie. Les instrum<strong>en</strong>tistes sont dessus et se déplac<strong>en</strong>t dans l’espace. Un peu comme du<br />
théâtre musical. Sauf qu’il n’y a ri<strong>en</strong> de parlé. Il n’y a pas de texte. C’est une pièce pour<br />
contrebasse, violon, clavecin et voix. Ce gradin va se r<strong>en</strong>verser. C’est quelque chose que<br />
j’aime beaucoup faire. Le public est à la place des interprètes, et il va se reverser pour le<br />
final, alors que les interprètes se retrouv<strong>en</strong>t sur une scène.<br />
On est vraim<strong>en</strong>t sur une option de lieu scénographié, parce que je propose un rapport à<br />
l’écoute. Ce qui m’intéresse c’est de travailler la verticalité, avec les instrum<strong>en</strong>tistes <strong>en</strong><br />
l’air, que le public aille lui-même chercher les sons, puisse se déplacer et trouver sa<br />
place. Souv<strong>en</strong>t les g<strong>en</strong>s se déplac<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant une dizaine de minutes, apprivois<strong>en</strong>t l’espace,<br />
s’arrêt<strong>en</strong>t, et <strong>en</strong> général s’assoi<strong>en</strong>t. Alors que dans d’autres <strong>en</strong>droits, ils sont assis,<br />
et écout<strong>en</strong>t un dispositif avant/arrière pour la première des salles. C’était un travail sur<br />
la neurologie que j’ai fait avec des neurologues, sur les g<strong>en</strong>s qui ont subi des opérations<br />
du cerveau et qui finiss<strong>en</strong>t par avoir des troubles cognitifs importants. Ils finiss<strong>en</strong>t par<br />
dire des choses qui n’ont pas de s<strong>en</strong>s. Un peu comme dans le livre « L’homme qui pr<strong>en</strong>ait<br />
sa femme pour un chapeau ». Ce sont des associations de langage qui cré<strong>en</strong>t des<br />
effets de s<strong>en</strong>s incroyables. J’avais recueilli auprès de ce neurologue toute une série de<br />
textes de g<strong>en</strong>s qui avai<strong>en</strong>t des troubles neurologiques. C’étai<strong>en</strong>t des très beaux textes<br />
d’associations d’idées très hétérogènes, un peu hors du s<strong>en</strong>s. J’ai voulu que le public soit<br />
emporté comme ça dans cet imaginaire de langage, avec des dispositifs où les g<strong>en</strong>s vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />
derrière, mont<strong>en</strong>t, de déplac<strong>en</strong>t, redesc<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t. Une chose qui chavire tout le temps.<br />
Quand on passe d’une salle à l’autre, on est mis dans un rapport d’écoute complètem<strong>en</strong>t<br />
transgressif. Le tout dans le noir avec peu d’éclairage, laissant l’espace assez neutre, de<br />
manière à gommer l’usine, qui <strong>en</strong> elle-même m’intéressait peu, sauf qu’elle m’offrait des<br />
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