Mise en page 1 - Théâtre Massalia
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L’écriture au théâtre jeune public - Emerg<strong>en</strong>ce d’un nouveau langage ou nouveau rapport au public ? (1ère partie)<br />
Anne Luthaud<br />
Je n’ai pas d’exemples de phrases, là, comme ça, tout de suite. Mais, <strong>en</strong>core une fois, il<br />
s’agit des codes de la langue. Ces phrases qui sont toutes faites, qu’on retrouve aussi<br />
bi<strong>en</strong> dans des livres pour <strong>en</strong>fants que dans des livres pour adultes, et qui sont la manière<br />
d’écrire conv<strong>en</strong>tionnelle et habituelle, et qui n’est pas juste, dans l’ess<strong>en</strong>ce de la langue.<br />
Peut-être que ça rejoint ce que tu disais tout à l’heure, tu parlais de poésie. Comm<strong>en</strong>t<br />
être à l‘<strong>en</strong>droit de la langue, le plus épuré et le plus juste.<br />
Dominique Bérody<br />
Ça me fait p<strong>en</strong>ser à la relation que tu as avec Philippe Rollet qui est un des auteurs publié<br />
aux Editions Verticales mais publié aussi aux Editions de Minuit. Il a une écriture, pour<br />
ceux qui ont <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du parler de lui, très proche de l’oralité, une écriture qui dit la parole,<br />
mais toujours dans l’écriture, avec toujours cette scansion, avec un rythme de la répétition<br />
qu’on a parfois dans la parole. Mais le fait de répéter par écrit ce que l’on dit <strong>en</strong> parlant<br />
donne de la littérature et de la poésie. Dans tes romans et dans « Le Bleu de Madeleine et<br />
les Autres », on retrouve cette scansion de la parole, qui finalem<strong>en</strong>t nous met au bord de<br />
la poésie, et c’est là que naît un poème dramatique. Ce n’est pas par hasard d’ailleurs si<br />
certains textes de Philippe Rollet ont été montés par de grands conteurs et je p<strong>en</strong>se notamm<strong>en</strong>t<br />
à Abi Patrix, qui avait créé « L’Enfant Sans Nom », qui était une errance dans la ville<br />
à la quête de son nom. Comme par hasard, mais ce n’était pas un hasard, un grand conteur,<br />
<strong>en</strong> lisant l’écriture de cet auteur, trouvait là un prolongem<strong>en</strong>t à son travail de conteur. C’est<br />
vrai qu’on retrouve ça dans ton texte. On peut lire le début.<br />
Lecture de Le Bleu de Madeleine et les Autres<br />
« Un matin, Madeleine s’est réveillée <strong>en</strong> disant qu’elle voulait trouver le plus beau bleu de la terre. Bi<strong>en</strong><br />
sûr, elle a d’abord p<strong>en</strong>sé au ciel. Au ciel, l’été quand il fait très chaud. Mais il est tellem<strong>en</strong>t bleu qu’il <strong>en</strong><br />
devi<strong>en</strong>t presque blanc. Alors au ciel l’hiver quand il fait très froid. Mais ce bleu là est trop dur. Il ne lui<br />
plaît pas. Et puis le ciel est aussi rose le matin, et rose le soir. Et il est souv<strong>en</strong>t gris aussi. Alors ça ne va<br />
pas. Elle ne pr<strong>en</strong>d pas le bleu du ciel, qui n’est même pas capable d’être toujours bleu ».<br />
n se demande qui part à la recherche du bleu ? Qui part à la recherche du jaune ?<br />
Comm<strong>en</strong>t c’est incarné par des personnages ? Dis-nous deux ou trois choses sur l’histoire<br />
elle-même et sur les personnages qui l’habit<strong>en</strong>t.<br />
Anne Luthaud<br />
En fait c’est le regard d’une petite fille sur le monde. C’est le parcours de la petite fille dans<br />
le bleu, qui est à la recherche de ce bleu. Elle id<strong>en</strong>tifie le bleu autour d’elle et l’id<strong>en</strong>tifie à<br />
ce qu’elle vit, elle. Dans le rouge, elle cherche à nommer les mots du rouge. Donc c’est forcém<strong>en</strong>t<br />
des noms qu’elle ne connaît pas parce que ce sont des noms de couleurs, Garance,<br />
dont elle cherche à trouver le s<strong>en</strong>s. Dans le jaune, elle cherche à trouver comm<strong>en</strong>t se fabrique<br />
cette couleur dans le réel. A la fin de chaque couleur, on arrive à une toile.<br />
C’était une des demandes d’Anne Marie de travailler autour de la peinture, parce que<br />
c’est mis <strong>en</strong> scène avec une femme peintre, qui peint <strong>en</strong> direct sur le plateau et qui est<br />
filmée. Il y avait cette idée là aussi du regard d’un <strong>en</strong>fant sur le monde et comm<strong>en</strong>t on<br />
nomme le monde. Comm<strong>en</strong>t un <strong>en</strong>fant peut nommer le monde. Mais ce qui est important,<br />
c’est surtout de le faire <strong>en</strong> ne se mettant pas à la place de l’<strong>en</strong>fant. C’est raconter ce<br />
parcours, mais <strong>en</strong>core une fois, avec le savoir que nous on <strong>en</strong> a, et le donner à <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre<br />
à des <strong>en</strong>fants, mais aussi à des adultes, parce qu’on a une manière de regarder particulière.<br />
Comme nettoyer des codes. Tout à l’heure, tu parlais de Philippe Rollet. C’est ce qui<br />
est intéressant dans cette langue à dire, et c’est ce qui m’intéresse par rapport au travail<br />
du roman, quand j’écris une pièce, qu’elle soit pour adultes ou pour <strong>en</strong>fants, à dire, elle<br />
est tout à coup comme nettoyée des conv<strong>en</strong>tions du roman. J’essaie de ne pas l’installer<br />
dans le roman, mais il s’y glisse toujours une espèce de fatras que j’essaie d’ôter autant<br />
que je peux. Quand c’est à l’<strong>en</strong>droit du théâtre, de cette langue à dire, j’ai l’impression<br />
que ce fatras est plus facile à <strong>en</strong>lever. Elle se nettoie plus vite, la langue. Sans doute<br />
parce qu’elle est mise <strong>en</strong> espace et <strong>en</strong> bouche par la suite. Elle n’existe pas seule.<br />
Dominique Bérody<br />
Ce qui est vrai, c’est qu’à la fin de chaque couleur on débouche sur une toile. A la fin de<br />
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