Mise en page 1 - Théâtre Massalia
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L’écriture au théâtre jeune public - Emerg<strong>en</strong>ce d’un nouveau langage ou nouveau rapport au public ? (1ère partie)<br />
choses qui sont des situations extrêmem<strong>en</strong>t concrètes. Ce que j’aime bi<strong>en</strong> aussi quand<br />
j’écris, c’est que ça se résume toujours à : « Toi t’es qui ? Ça ça va où ? Tout ça, c’est à<br />
moi. On dirait que ce serait… ». Voilà, moi j’aime bi<strong>en</strong> me poser ces questions là. Et souv<strong>en</strong>t<br />
les <strong>en</strong>fants se dis<strong>en</strong>t ça aussi. Je me souvi<strong>en</strong>s, j’avais travaillé avec Christiane<br />
Véricel, et une réplique m’avait beaucoup marquée, qu’un <strong>en</strong>fant avait inv<strong>en</strong>tée, il était<br />
<strong>en</strong>tré, il avait dit : « Tout ça, c‘est à moi ». Je trouve ça fabuleux. C’est le début d’une vraie<br />
pièce de théâtre ! Après, il faut appr<strong>en</strong>dre à partager, se battre pour déf<strong>en</strong>dre son…<br />
Finalem<strong>en</strong>t, grâce aux <strong>en</strong>fants, toujours dans la compagnie des <strong>en</strong>fants, je suis dev<strong>en</strong>u<br />
un vrai écrivain. C’est ce qui a fait qu’un jour, on m’a reconnu comme un écrivain à part<br />
<strong>en</strong>tière. Il y avait quelque chose, un style, qui ne correspondait qu’à moi. C’était ma singularité.<br />
Ce qui m’a plu dans cette singularité, c’est que finalem<strong>en</strong>t, je suis un écrivain<br />
complém<strong>en</strong>taire. C’est à dire que je n’existe que par rapport aux autres. Parce que c’est<br />
vrai que le théâtre que l’on fait avec Sylviane, on ne peut pas dire : « ça, c’est du théâtre<br />
pour les <strong>en</strong>fants ». On ne peut le dire que quand on voit beaucoup de choses. En fait, il<br />
y a beaucoup de nos spectacles qui ne peuv<strong>en</strong>t pas être programmés dans des saisons<br />
où il n’y a qu’un spectacle pour les <strong>en</strong>fants. Parce que ça n’est pas très représ<strong>en</strong>tatif du<br />
théâtre pour les <strong>en</strong>fants. Notre force, c’est de pouvoir exister par rapport aux autres. C’est<br />
important parce que je crois que ce qu’il y a d’important dans le fait d’aimer le théâtre<br />
comme tout, tout l’art, c’est la comparaison. C’est à dire, de dire, « ça, je préfère, je me<br />
reconnais mieux là dedans ». Cet aspect comparatif, il est très important partout, particulièrem<strong>en</strong>t<br />
au théâtre. Justem<strong>en</strong>t, c’est grâce à la diversité des écritures, au fait qu’il y a<br />
des éditeurs qui se sont lancés dans l’édition de pièces pour le jeune public, parce que,<br />
des <strong>en</strong>fants qui sont dans une ville, voir plusieurs pièces dans l’année, c’est difficile. Il y<br />
a des théâtres qui le font, mais c’est difficile. Les <strong>en</strong>fants, soit ils ne vont jamais au théâtre,<br />
soit ils <strong>en</strong> voi<strong>en</strong>t un, soit ils <strong>en</strong> voi<strong>en</strong>t deux p<strong>en</strong>dant l’année. C’est très difficile d’apprécier<br />
le théâtre quand on voit un ou deux spectacles dans l’année. C’est le fait d’être<br />
toujours critique, de comparer les choses qui permet de se faire son idée du théâtre. Par<br />
contre, c’est très facile d’acheter des livres, et de lire. C’est là qu’apparaît la singularité<br />
des écritures, c’est là où les <strong>en</strong>fants peuv<strong>en</strong>t le voir.<br />
Pour conclure, je dirais que maint<strong>en</strong>ant, j’ai du mal à m’<strong>en</strong> défaire, d’écrire pour les<br />
<strong>en</strong>fants. Parce que j’ai r<strong>en</strong>contré d’autres compagnons metteurs <strong>en</strong> scène, qui m’ont<br />
demandé d’écrire pour les adultes. J’ai écrit une première pièce, qui ne changeait pas radicalem<strong>en</strong>t<br />
ma façon d’écrire, les mots étai<strong>en</strong>t les mêmes. Mais ce texte que j’ai écrit qui<br />
était destiné aux adultes, est dev<strong>en</strong>u malgré lui une pièce qui s’est jouée devant beaucoup<br />
d’<strong>en</strong>fants, et même j’ai <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du des g<strong>en</strong>s qui parlai<strong>en</strong>t de ce spectacle comme un spectacle<br />
jeune public. Donc c’est comme si le monde des adultes m’avait été interdit. Et alors,<br />
j’ai donc écrit une pièce, pour me défaire de ça. J’ai écrit une pièce contre les <strong>en</strong>fants. Et<br />
c’est une pièce qui comm<strong>en</strong>ce par une bordée d’injures. Je p<strong>en</strong>se que l’on <strong>en</strong> peut pas être<br />
complaisants, on se dit : « Non, les <strong>en</strong>fants ne peuv<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ça ». Donc il faut se<br />
séparer de ça, et écrire contre.<br />
Dominique Bérody<br />
Là tu évoques « Bouge plus », et Le Christ Sans Hache, publiés aux Solitaires Intempestifs ?<br />
Philippe Dorin<br />
Je vais vous lire la première scène du spectacle qu’on est <strong>en</strong> train de monter avec<br />
Sylviane, qui s’appelle « L’hiver quatre chi<strong>en</strong>s mord<strong>en</strong>t mes pieds, mes mains ». Ce qui<br />
compte le plus pour moi, c’est ce que je suis <strong>en</strong>train d’écrire. J’étais cont<strong>en</strong>t que Nathalie<br />
parle du doute, parce que c’est terrible ça. Là, vous me voyez, je parle de choses que j’ai<br />
l’air de maîtriser, mais <strong>en</strong> fait, j’ai tout le temps peur. Et l’écrivain, c’est ce que j’essaie de<br />
dire aux <strong>en</strong>fants, c’est quelque chose d’actuel. Ce n’est pas un livre dans une bibliothèque.<br />
Moi, c’est le matin quand je me lève, je suis devant ma <strong>page</strong>. On n’existe pas par<br />
rapport à ce qu’on a écrit, on existe par rapport à ce qu’on va écrire demain. Et c’est parfois<br />
difficile.<br />
Je vais vous lire la première scène<br />
Dominique Bérody<br />
Comme Philippe est un homme très concret, il écrit toujours sur du papier pelure. Il<br />
recherche les <strong>en</strong>droits <strong>en</strong> France où l’on trouve <strong>en</strong>core du papier pelure. Le papier est<br />
important. Il aime bi<strong>en</strong> écrire à la main.<br />
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