Mise en page 1 - Théâtre Massalia
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L’écriture au théâtre jeune public - Emerg<strong>en</strong>ce d’un nouveau langage ou nouveau rapport au public ? (2ème partie)<br />
J’appelle ce débat de tous les artistes, élargis aux acteurs culturels et aux publics, pour<br />
que nous franchissions <strong>en</strong>semble et au plus vite, nos seuils de satisfaction ». Donc, un<br />
éditorial artistico-politique ! Politico-artistique. Je te demande à partir ce ça, de prolonger<br />
la réflexion, mais aussi à partir de tes dernières créations. Parce que le choix des textes<br />
que tu fais n’es pas anodin. Tu dis souv<strong>en</strong>t que tu cherches des textes qui vont être<br />
une citation du monde. Parce que la mise <strong>en</strong> scène est quelque chose qui va permettre<br />
de r<strong>en</strong>trer dans un propos. Il y a une vraie signature chez toi. Peux-tu nous livrer quelques<br />
pans de ce travail que tu mènes depuis de nombreuses années.<br />
Christian Duchange<br />
Pas facile ! J’aimais bi<strong>en</strong> la manière dont Sylviane parlait de l’écriture de Philippe, avec<br />
un minimum de mots qui donnait accès à un maximum de choses. Vous étiez <strong>en</strong> résonance,<br />
<strong>en</strong>tre ta façon d’écrire et sa façon de parler du travail. Je crois que la première<br />
remarque qui me vi<strong>en</strong>t, je ne sais pas si je vais pouvoir répondre à toutes les questions<br />
que tu as soulevées, c’est que j’aime à p<strong>en</strong>ser que chaque geste de mise <strong>en</strong> scène qu’on<br />
fait, est une manière de pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> charge l’histoire des mises <strong>en</strong> scènes qui nous ont<br />
précédés, et de r<strong>en</strong>ouveler, si on <strong>en</strong> est porteurs, les questions que nos prédécesseurs<br />
nous ont transmises. Je faisais allusion à ce que j’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dais de Sylviane, parce que ce<br />
dont je voulais parler aussi, c’est la grande résonance dans laquelle on <strong>en</strong>tre avec les<br />
écritures. C’est le premier maillon de mon histoire de metteur <strong>en</strong> scène, dans une histoire<br />
de lecture, et plus globalem<strong>en</strong>t dans une r<strong>en</strong>contre. Je parlais de l’iceberg, c’est une<br />
image qui m’est chère, qui sert à compr<strong>en</strong>dre un peu comm<strong>en</strong>t je fonctionne. L’écriture<br />
que l’on reçoit, après l’avoir découverte dans une bibliothèque ou achetée dans une<br />
librairie, c’est évidemm<strong>en</strong>t la partie appar<strong>en</strong>te. On<br />
La partie cachée ne partage que la partie cachée que cette écriture<br />
veut bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>fouir, tout <strong>en</strong> révélant un certain nombre<br />
de mots sur la <strong>page</strong>, elle nous fait résonner à un autre <strong>en</strong>droit. C’est sans doute dans<br />
cette partie cachée, <strong>en</strong>fouie, que le dialogue peut se faire avec la partie émergée du texte,<br />
et sans soute avec le public p<strong>en</strong>dant le temps de la représ<strong>en</strong>tation. J’ai l’impression de<br />
situer mon travail à cet <strong>en</strong>droit de recomposition, à ma manière, sans doute, peut-être<br />
qu’elle repasse par les sept/huitième de l’auteur avant qu’il ait écrit, mais c’est une<br />
manière de reconstruire cette partie qui fonctionnerait tout d’un coup à merveille,<br />
comme organique, comme projetée au dehors, comme sont les mots sur la <strong>page</strong>.<br />
Comm<strong>en</strong>t ça pourrait fonctionner pour moi pour retrouver tout le chemin, et ces<br />
sept/huitièmes manquants à l’écriture, comme ces sept/huitièmes de l’iceberg, comm<strong>en</strong>t<br />
retrouver, reconstruire dans mon travail de mise <strong>en</strong> scène, ce qui pourrait faire que le<br />
verbe, comme le verbe sur la <strong>page</strong>, devi<strong>en</strong>ne clair, incandesc<strong>en</strong>t, audible par tous, par le<br />
plus grand nombre <strong>en</strong> tout cas ? C’est un rapport à une écriture, et au delà de ça, à un<br />
auteur. On essaie de lire plusieurs textes du même auteur quand il <strong>en</strong> existe. On essaie<br />
de compr<strong>en</strong>dre à travers cette multiplication des informations qu’on cherche sur lui, sur<br />
ces textes, sur le contexte, sur les sujets sur lesquels il a écrit, de reconstruire un chemin<br />
de résonance, de proximité, d’approche.<br />
C’est ce qu’on va t<strong>en</strong>ter de transmettre et de construire avec les comédi<strong>en</strong>s, qui eux, vont<br />
am<strong>en</strong>er de nouvelles p<strong>en</strong>sées et de nouvelles s<strong>en</strong>sations et émotions sur le texte. C’est<br />
ce résultat chauffé à blanc, qu’on va essayer de donner à voir dans une structure. Comme<br />
disait Sylviane, il faut choisir, à un mom<strong>en</strong>t. C’est aussi la forme définitive, la forme<br />
finale, un produit, résultat de tout ce processus, il va être forcém<strong>en</strong>t frustrant. Au minimum<br />
incandesc<strong>en</strong>t, on l’espère, mais il va masquer des brillances, des élém<strong>en</strong>ts au faisceau.<br />
C’est modeste et très laborieux chez moi. Je suis vraim<strong>en</strong>t un travailleur. J’ai vraim<strong>en</strong>t<br />
besoin d’user, creuser, chercher, parler aussi. J’ai besoin de parler les textes, de les<br />
<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre dire. J’ai besoin de m’<strong>en</strong>tourer de g<strong>en</strong>s qui, avec leur langage, <strong>en</strong> parl<strong>en</strong>t.<br />
C’est pourquoi j’ai une relation très suivie et très amicale avec deux philosophes que j’ai<br />
r<strong>en</strong>contrés au cours mon travail, et qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t échanger, interroger, qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t réfléchir<br />
tout haut, avec leurs outils à eux, sur les textes que je choisis, que je leur ai <strong>en</strong>voyés<br />
préalablem<strong>en</strong>t. Ils ne vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas me dire comm<strong>en</strong>t mettre <strong>en</strong> scène, ce que je dois ou<br />
ne dois pas faire. Il arrive que les textes que je leur propose <strong>en</strong> lecture soit ne les inspir<strong>en</strong>t<br />
pas, soit les rebut<strong>en</strong>t. C’est bi<strong>en</strong> l’idée d’un travail « autour ». Et ce n’est pas au s<strong>en</strong>s<br />
dramaturgique pleinem<strong>en</strong>t comme les Allemands l’aurai<strong>en</strong>t fait, <strong>en</strong> infirmant ou confirmant<br />
le choix d’un metteur <strong>en</strong> scène par la question dramaturgique. Non, c’est plus un<br />
compagnonnage, moi l’autodidacte, qui ai besoin des mots, qui ai besoin de la parole,<br />
des concepts, aussi. Ça me permet de déployer le texte à des <strong>en</strong>droits où moi tout seul<br />
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