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Mise en page 1 - Théâtre Massalia

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Ecriture et notation musicales : L’écriture et l’espace - Confér<strong>en</strong>ce-concert de Nicolas Frize<br />

Question du public :<br />

Pourquoi dans vos concerts, vous avez la volonté de mélanger les amateurs et les professionnels ?<br />

Pour plusieurs raisons. Je p<strong>en</strong>se que la musique savante ne doit pas être réservée aux<br />

professionnels. C’est une première disposition militante qui consiste à dire que même si<br />

ça va me coûter parfois <strong>en</strong> précision, me coûter <strong>en</strong> temps de travail, c’est important que<br />

tout le monde ait accès à la pratique artistique la plus sophistiquée, la plus complexe, la<br />

plus élaborée, savante, écrite. Ensuite, les professionnels, je ne peux pas m’<strong>en</strong> passer<br />

parce que ça me permet d’écrire des choses difficiles, des choses virtuoses, des choses<br />

qui demand<strong>en</strong>t une qualité de son importante, au niveau instrum<strong>en</strong>tal <strong>en</strong> particulier. Je<br />

travaille rarem<strong>en</strong>t avec des amateurs au niveau instrum<strong>en</strong>tal. Mais au niveau vocal, je<br />

travaille souv<strong>en</strong>t avec des amateurs. Soit avec des solistes, avec des g<strong>en</strong>s que je choisis,<br />

qui sont des g<strong>en</strong>s singuliers avec qui je fais un travail sur le long terme ; j’écris pour eux,<br />

pour leurs caractéristiques vocales ; soit ce sont des chœurs. Dans les deux cas, les<br />

amateurs apport<strong>en</strong>t quelque chose de très important. Un professionnel, c’est son métier.<br />

Il joue avec un formidable apport <strong>en</strong> technicité, <strong>en</strong> référ<strong>en</strong>ces culturelles. Il joue aussi<br />

parce que c’est son métier. C’est à dire qu’il est situation de travail. Donc, à un mom<strong>en</strong>t<br />

donné comm<strong>en</strong>t dire…. Les amateurs, pour eux, ça ne peut pas être un travail, ça peut<br />

être un mom<strong>en</strong>t de recherche, <strong>en</strong> général personnelle, un mom<strong>en</strong>t de t<strong>en</strong>sion. Cette<br />

t<strong>en</strong>sion, on l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d. Je trouve que plus on met les amateurs dans des choses difficiles,<br />

dans des choses t<strong>en</strong>dues, ça s’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d. J’ai du mal parfois, à obt<strong>en</strong>ir autant de t<strong>en</strong>sion<br />

avec des professionnels qu’avec des amateurs. Il y a quelque chose d’exist<strong>en</strong>tiel que les<br />

amateurs apport<strong>en</strong>t. C’est que si ils sont là, c’est que ils doiv<strong>en</strong>t y être. Bi<strong>en</strong> sur il y a des<br />

instrum<strong>en</strong>tistes qui sav<strong>en</strong>t pourquoi ils sont là, mais parfois aussi, ils ont besoin de<br />

vivre, ils ont besoin de manger. Ils font aussi de la musique pour manger. Heureusem<strong>en</strong>t,<br />

il ne sont pas nombreux dans ce cas là, ils se rappell<strong>en</strong>t toujours pourquoi ils ont voulu<br />

faire de la musique, donc ils investiss<strong>en</strong>t beaucoup dans leur métier. Mais <strong>en</strong> tout ça un<br />

amateur, dès que ça le dépasse, dès qu’il se casse les pieds, dès qu’il n’aime pas, il s’<strong>en</strong><br />

va. Donc si il est là, c’est par survie, c’est qu’il a besoin d’y aller. Vous savez, sortir, le soir,<br />

loin, aller à une répétition, pour jouer un truc qu’on ne compr<strong>en</strong>d pas, à plusieurs,<br />

plusieurs fois de suite, ça demande pas mal de travail. Il faut forcém<strong>en</strong>t y mettre quelque<br />

chose qui va à un mom<strong>en</strong>t donné s’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre, et qui effectivem<strong>en</strong>t, soulève la musique.<br />

Je vais vous passer un extrait. Vous allez me dire, ce ne sont pas des amateurs. Mais si,<br />

ce sont des amateurs, j’ai fait une création pour la Nuit Blanche à Paris <strong>en</strong> 2004 parce<br />

que j’<strong>en</strong> étais le directeur artistique. J’ai fait diverses créations. J’avais <strong>en</strong>vie de faire<br />

quelque chose avec des <strong>en</strong>fants. Alors, ce sont des <strong>en</strong>fants de Maîtrise, ce ne sont pas<br />

des <strong>en</strong>fants du tout v<strong>en</strong>ant qui chant<strong>en</strong>t. Oui, effectivem<strong>en</strong>t. Mais il n’empêche que ce<br />

sont des <strong>en</strong>fants. C’est donc quand même un peu des amateurs. Ils ne sont pas payés<br />

pour ça. Ils font de la musique, à leur âge, pour leur plaisir. Avec beaucoup de travail<br />

quand même. Je trouve que leur imperfection est très intéressante. Je trouve que la façon<br />

dont ils chant<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> n’étant pas parfaits, donne quelque chose de très fort. On s<strong>en</strong>t que<br />

chez eux il y a quelque chose qui <strong>en</strong>gage tout leur être, et qui est lié à leur statut. Je vais<br />

vous <strong>en</strong> faire <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre deux passages, pour mieux parler de ce que je veux dire. Je trouve<br />

cette petite fille de 12 ans admirable, ainsi que la jeune Marocaine, qui elle, avait 15 ans.<br />

[Extrait du la Nuit Blanche à Paris <strong>en</strong> 2004]<br />

Jeune fille de 12 ans qui chante du Bach.<br />

Jeune fille de 15 ans.<br />

C’est du Bach, hein ! Je préfère le dire. Elle ne chante pas des notes, elle chante de la<br />

musique, ça se s<strong>en</strong>t. Elle est à 6 mètres de haut sur une place, il y a quatre mille<br />

personnes <strong>en</strong> bas, dans la nuit. On va <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre la jeune fille Marocaine maint<strong>en</strong>ant, qui<br />

est complètem<strong>en</strong>t dans son univers. Elle n’est même plus là…<br />

Pour moi c’est ça les amateurs. L’une et l’autre. Vous me direz, elles ont déjà beaucoup<br />

chanté. N’empêche que c’est cela qu’on s<strong>en</strong>t qu’elles donn<strong>en</strong>t. On s<strong>en</strong>t qu’elles donn<strong>en</strong>t,<br />

qu’elles sort<strong>en</strong>t de chez elles. Moi j’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds leur vie, j’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds ce que leur corps traverse.<br />

Alors, vous me direz, les professionnels aussi, ils font ça. Oui, mais ils le font d’une autre<br />

façon. Je p<strong>en</strong>se que c’est complém<strong>en</strong>taire. On ne peut pas s’<strong>en</strong> passer.<br />

e peux maint<strong>en</strong>ant vous montrer un dispositif, des photos, d’une création que j’ai faite.<br />

On parlait tout à l’heure d’un travail militant, et j’ai souhaité réfléchir il y a deux ans sur<br />

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