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Mise en page 1 - Théâtre Massalia

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L’œuvre de Anne Teresa de Keersmaker par Philippe Guisgand<br />

peut pas dire : « Ti<strong>en</strong>s il y a du vocabulaire classique qui arrive ». D’abord parce que les<br />

sauts, qui eux, sont prés<strong>en</strong>t depuis qu’il y a des hommes, ne cherch<strong>en</strong>t jamais l’asc<strong>en</strong>sion<br />

verticale. Ils ont presque toujours plutôt une valeur de contraste qui permet de<br />

mettre <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce un passage au sol par exemple, plutôt que un désir d’aller vers le<br />

haut. C’est presque plutôt, à la Cunningham, un désir d’aller vers l’avant.<br />

A partir du spectacle « Toccata », dont je vais vous montrer un petit extrait, la référ<strong>en</strong>ce<br />

classique se fait un peu plus nette. On voit apparaître les positions classiques, les ports<br />

de bras, les pirouettes, mais il y a tout un tas de petits acc<strong>en</strong>ts, qui décal<strong>en</strong>t la tête, un<br />

port de bras qui ne se termine pas, l’épaule, un désaxé latéral, qui fait que dans la<br />

distribution du mouvem<strong>en</strong>t, dans la distribution des énergies, on n’est plus du tout dans<br />

une logique classique. C’est toujours dans une partie assez inatt<strong>en</strong>due par rapport au<br />

schéma traditionnel du déroulem<strong>en</strong>t du mouvem<strong>en</strong>t qu’on trouve cette originalité. Le<br />

mouvem<strong>en</strong>t teinté du classique, mais pas une réappropriation complète du classique.<br />

[Extrait de Toccata]<br />

La Suite Française. Le fond est orange-rouge. Vous voyez qu’on est bi<strong>en</strong> loin de la fureur<br />

de « Rosas danst rosas », qu’on est bi<strong>en</strong> loin des énergies de « La Grande Fugue », et<br />

qu’on est bi<strong>en</strong> loin aussi de ce vocabulaire initial qui avait occupé la première déc<strong>en</strong>nie.<br />

Pourtant, ce sont les mêmes danseurs. Pourtant, les danseurs dans les <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s que j’ai<br />

eus avec eux, ont beaucoup dit la difficulté de r<strong>en</strong>trer dans ce schéma. D’ailleurs ça va<br />

correspondre au début d’un recrutem<strong>en</strong>t qui se fait de manière différ<strong>en</strong>te, avec des danseurs<br />

qui quitt<strong>en</strong>t la compagnie parce que cette manière de danser ne les interpelle pas,<br />

forme dans laquelle ils ne se s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t mal à l’aise. C’est le cas par exemple de Johanne<br />

Saunier, qui aujourd’hui fait un travail totalem<strong>en</strong>t indép<strong>en</strong>dant, ou de Vinc<strong>en</strong>t Dunoyer.<br />

C’est vraim<strong>en</strong>t sa dernière expéri<strong>en</strong>ce avec Rosas <strong>en</strong> tant qu’interprète. Mais il vi<strong>en</strong>t de<br />

chorégraphier une pièce pour Anne Teresa. Vous le voyez, le vocabulaire classique est<br />

prés<strong>en</strong>t, on l’id<strong>en</strong>tifie, mais <strong>en</strong> même temps, il est perpétuellem<strong>en</strong>t détourné. Comme si<br />

le mouvem<strong>en</strong>t ne pouvait pas trouver sa résolution de manière académique, et que l’intérêt<br />

se portait toujours sur une conclusion dans un lieu corporel un peu inatt<strong>en</strong>du. Ce<br />

n’est pas seulem<strong>en</strong>t le déroulem<strong>en</strong>t du mouvem<strong>en</strong>t, ou disons sa forme. Ce qui est aussi<br />

différ<strong>en</strong>t, c’est finalem<strong>en</strong>t les rythmes d’apparition, les acc<strong>en</strong>ts, on voit parfois des spasmes,<br />

des petites choses douloureuses, des petits acc<strong>en</strong>ts parfois viol<strong>en</strong>ts des épaules,<br />

comme là chez Marion.<br />

Donc, il y a bi<strong>en</strong> rev<strong>en</strong>dication d’un héritage, mais cet héritage est toujours considéré<br />

avec distance, comme si la chorégraphe voulait essayer d’<strong>en</strong> déjouer les pièges. Arrêter<br />

du Bach comme ça, c’est criminel, mais il faut bi<strong>en</strong> que j’avance un petit peu !<br />

A ce sujet, Anne Teresa se justifie, quand on lui pose la question, elle dit : « J’ai toujours<br />

eu un rapport très fort avec ce langage, avec la danse classique, qui a été le point de<br />

départ de ma formation, et pour lequel j’ai toujours eu une admiration par rapport à la<br />

rigueur et la cohér<strong>en</strong>ce ». Ce qui lui correspond très bi<strong>en</strong>. « Et <strong>en</strong> même temps, une<br />

grande impossibilité de m’exprimer avec ça ». Il y a un rapport de oui et de non, une<br />

espèce de valse hésitation avec ce vocabulaire. C’est peut-être cette aporie qui l’a<br />

conduite à déconstruire le mouvem<strong>en</strong>t à sa façon, d’<strong>en</strong> questionner le déroulem<strong>en</strong>t, pour<br />

<strong>en</strong> réordonner certaines étapes, ce qui n’est pas parfois sans rappeler la démarche d’un<br />

William Forsythe dans sa première période chorégraphique.<br />

Je repr<strong>en</strong>ds la biographie. A partir de 1997, l’alternance <strong>en</strong>tre les œuvres de danse « pure »,<br />

on va les appeler comme ça, et les créations <strong>en</strong> li<strong>en</strong> avec d’autres matériaux dramaturgiques,<br />

notamm<strong>en</strong>t le texte et l’image, va s’imposer comme une espèce d’étape incontournable<br />

du processus créatif, et puis comme élém<strong>en</strong>t de l’œuvre chorégraphique elle-même.<br />

Mais il y a un autre rythme d’alternance qui apparaît à ce mom<strong>en</strong>t là, c’est celui d’un travail<br />

<strong>en</strong> effectif réduit, qui vi<strong>en</strong>t s’ajouter à la grande création de la saison. Ces petites<br />

pièces sont des pièces <strong>en</strong> soi, elles ont leur valeur, il leur arrive d’être presque plus<br />

intéressantes que la grande pièce qui suit, mais très souv<strong>en</strong>t, elles <strong>en</strong> constitu<strong>en</strong>t une<br />

forme d’étude. C’est à dire, que c’est parce qu’à un mom<strong>en</strong>t donné, il y a un matériau suffisant<br />

débordant pour faire la grande pièce, que l’étude de ce matériau devi<strong>en</strong>t une petite<br />

pièce, ou alors, c’est la démarche inverse. Elle dit : « Je fais une pièce d’étude ». C’est le<br />

cas de « La Grande Fugue » qui existait avant « ERTS », qui existait avant ce spectacle et<br />

qui continue sa vie ; c’est le cas de « Kinok » qui est une petite partie, un travail de<br />

contrepoint qui apparti<strong>en</strong>t au spectacle qui s’appelle lui-même « Kinok » mais qui conti-<br />

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