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Mise en page 1 - Théâtre Massalia

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Du fait divers à la fiction, le cas Roberto Zucco par Jean-Pierre Ryngaert<br />

est <strong>en</strong> train de se dérouler, sous les regards conjugués de l’Ecrivain et de la Serveuse.<br />

L’Ecrivain fait une sorte de démonstration de son pouvoir, mais aussi des limites de son<br />

autorité sur les faits, et peut-être aussi de la jouissance et la toute-puissance que peut<br />

donner l’écriture, et l’asc<strong>en</strong>dant qu’elle lui confère sur la serveuse. Là <strong>en</strong>core, il y a rivalité,<br />

l’écrivain se sert de l’écriture pour approcher une femme. Ce qui n’est pas le cas de<br />

Succo, ni de Zucco. On a dans cette scène : Roberto, Cécile, l’Ecrivain et la Serveuse.<br />

LA SERVEUSE. - C’est lui.<br />

L’ECRIVAIN. - Oui.<br />

LA SERVEUSE. - Il est beau.<br />

ROBERTO. - Emmène-moi, il faut que je parte très vite. Je suis un terroriste. Je suis très dangereux.<br />

L’ECRIVAIN. - Maint<strong>en</strong>ant, ils sont dans sa voiture.<br />

LA SERVEUSE. - Ah bon ?<br />

L’ECRIVAIN. - On est pas au cinéma<br />

LA SERVEUSE. - Je vois. Et alors ?<br />

L’ECRIVAIN. - Et alors ri<strong>en</strong> je n’ai pas <strong>en</strong>vie d’écrire.<br />

LA SERVEUSE. - Raconte-moi.<br />

L’ECRIVAIN. - Ils ont roulé jusqu’à un petit bois, et là, il l’a forcée à se déshabiller.<br />

LA SERVEUSE. - Complètem<strong>en</strong>t ?<br />

L’ECRIVAIN. - Elle a <strong>en</strong>levé son pull.<br />

LA SERVEUSE. - Elle n’avait ri<strong>en</strong> dessous ?<br />

L’ECRIVAIN. - Si un t-shirt.<br />

LA SERVEUSE. - Et alors ?<br />

L’ECRIVAIN. - Il a essayé de l’embrasser, et il l’a caressée.<br />

LA SERVEUSE. - Avec son arme toujours ?<br />

L’ECRIVAIN. - Oui.<br />

LA SERVEUSE. - Et alors ?<br />

L’ECRIVAIN. - Elle ne l’a pas laissé faire. Elle lui a expliqué qu’elle était amoureuse de l’homme chez qui<br />

il l’avait surprise.<br />

LA SERVEUSE. - Il a compris.<br />

L’ECRIVAIN. - Apparemm<strong>en</strong>t.<br />

LA SERVEUSE. - Non, parce que ça, beaucoup d’hommes ne compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas justem<strong>en</strong>t. Et <strong>en</strong>suite ?<br />

L’ECRIVAIN. - Elle a remis son pull-over et il l’a laissée filer.<br />

LA SERVEUSE. - Dans le petit bois ?<br />

L’ECRIVAIN. - Non, il lui a demandé de le laisser <strong>en</strong> ville. Elle l’a laissé devant chez elle. Il lui a fait la<br />

bise, avant de desc<strong>en</strong>dre de sa voiture et il est parti dans la nuit. Il a juste dit avant de claquer la portière :<br />

Coup de hache !<br />

l arrive aussi que l’écriture ne soit absolum<strong>en</strong>t pas dramatisée, et on assiste alors à<br />

des effets de collage, à quelques rares insertions d’extraits de journaux, comme ceux-ci.<br />

J’ai s<strong>en</strong>ti une prés<strong>en</strong>ce derrière moi, je me suis retourné. J’ai compris qu’il était là. J’ai compris instantaném<strong>en</strong>t<br />

qu’il allait tirer. J’ai voulu le ceinturer, et j’ai s<strong>en</strong>ti deux balles qui m’<strong>en</strong>trai<strong>en</strong>t dans le v<strong>en</strong>tre.<br />

Libération 1er mars 1988, d’après le témoignage du collègue de l’Inspecteur Morandin,<br />

grièvem<strong>en</strong>t blessé au thorax et à l’abdom<strong>en</strong>.<br />

Le même procédé est repris quelque fois dans le texte. Par exemple avec une citation du<br />

journal France Soir par le Chœur. Joseph Danan fait donc référ<strong>en</strong>ce à des formes d’écriture<br />

extrêmem<strong>en</strong>t diverses.<br />

Septième série d’exemples : le Chœur peut pr<strong>en</strong>dre la parole plus longuem<strong>en</strong>t, sur le<br />

mode semi-lyrique de l’écriture segm<strong>en</strong>tée pour interv<strong>en</strong>ir dans la conduite du récit, ou<br />

bi<strong>en</strong> pour comm<strong>en</strong>ter plus longuem<strong>en</strong>t le comportem<strong>en</strong>t du meurtrier.<br />

LE CHŒUR. – « Ce sont les 4 visages d’André », titre du Midi Libre <strong>en</strong> première <strong>page</strong> le 7 février 1988,<br />

<strong>en</strong>cadré par ces quatre photos. On l’appelait <strong>en</strong>core, faute de mieux, André. Avant d’<strong>en</strong> avoir découvert<br />

son id<strong>en</strong>tité. J’aimerais bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> connaître les dates. Elle sont, selon toute appar<strong>en</strong>ce, dans l’ordre chronologique.<br />

Dans les deux premières, on pourrait le dire angélique, et sur la troisième, son air m<strong>en</strong>açant l’est<br />

juste un tout petit peu trop. Comme s’il avait quelque chose de joué, pour la photo. Il a <strong>en</strong>core ce visage<br />

juvénile. Oui. Le regard… Tout de même, on s’y perd. L’innoc<strong>en</strong>ce sans fard a laissé place au mystère<br />

désormais visible. C’est un visage qui exhibe sa propre énigme. Et sur la quatrième, il n’a plus ri<strong>en</strong> d’un<br />

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