22.04.2015 Views

Mise en page 1 - Théâtre Massalia

Mise en page 1 - Théâtre Massalia

Mise en page 1 - Théâtre Massalia

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Ecriture et notation musicales : L’écriture et l’espace par Nicolas Frize<br />

sous-sols médiévaux qui dat<strong>en</strong>t de très loin. Je m’amusais à faire <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ce qu’on<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d à l’intérieur des pots. Des pots qui ont des c<strong>en</strong>taines de milliers d’années. On<br />

était allés <strong>en</strong>registrer dans la crypte, dans les cercueils des Rois de France. Il y <strong>en</strong> a certains<br />

qui sont un peu ouverts, donc on peut y glisser des micros. C’est un peu blasphématoire,<br />

mais c’est pas grave. Pour écouter, non pas ce qu’ils <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t, parce qu’ils ne<br />

sont plus là, mais pour réfléchir à ces notions de fréqu<strong>en</strong>ce de résonances.<br />

On faisait <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre au public ce qu’on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d dans un espace. C’est une sorte de métaphore<br />

de ce qu’on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d dans les espaces. Sauf que là, les espaces sont tellem<strong>en</strong>t petits<br />

qu’on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d une fréqu<strong>en</strong>ce particulière. J’ai oublié de vous apporter ces sons. C’est très<br />

intéressant d’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre chaque sil<strong>en</strong>ce. On <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d ça (sons de souffle). Un peu comme la<br />

fuite de gaz que je vais vous faire ! Je ne vous conseille pas de l’avoir chez vous. C’est<br />

pourtant ce qu’on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d dans les pots. Cette expéri<strong>en</strong>ce d’écoute, <strong>en</strong> l’occurr<strong>en</strong>ce, là, ce<br />

n’est pas la fréqu<strong>en</strong>ce de résonance que l’on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d, parce qu’elle est <strong>en</strong> général beaucoup<br />

plus timbrée. C’est une expéri<strong>en</strong>ce d’écoute des volumes, <strong>en</strong> se disant que ce qui<br />

se passe <strong>en</strong> petit se passe aussi <strong>en</strong> grand.<br />

A propos de concerts verticaux, j’ai fait des pièces qui s’appelai<strong>en</strong>t « Les Maisons<br />

Chant<strong>en</strong>t », et les musici<strong>en</strong>s étai<strong>en</strong>t aux f<strong>en</strong>êtres. On a fait ça sur des places, comme des<br />

cours itali<strong>en</strong>nes. J’ai fait ça sur deux places à Paris, et une à la Rochelle. Le grand intérêt<br />

de ce g<strong>en</strong>re de dispositifs spatiaux, c’est que c’est intéressant <strong>en</strong> terme d’accessibilité de<br />

la musique contemporaine. Si j’écris une pièce pour 30 solistes, là, ils étai<strong>en</strong>t 26, et je les<br />

mets tous sur une scène, et ce sont vraim<strong>en</strong>t des solistes, ce n’est pas un chœur, ils ont<br />

chacun des choses différ<strong>en</strong>tes à chanter, pour le public non averti, ou pas forcém<strong>en</strong>t intéressé<br />

à travailler, c’est à dire à aller écouter l’imbrication de ces élém<strong>en</strong>ts distincts, la<br />

notion de paysage qu’ils form<strong>en</strong>t, ou l’accumulation des contre-champs les uns avec les<br />

autres, c’est difficile à écouter. Souv<strong>en</strong>t les g<strong>en</strong>s dis<strong>en</strong>t que la musique contemporaine,<br />

c’est intellectuel. C’est difficile parce qu’il leur semble que les choses s’imbriqu<strong>en</strong>t de<br />

façon pas évid<strong>en</strong>te, et cela demande un décodage… Ils ont du mal à <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre la notion<br />

de paysage, c’est à dire être décontractés, ne pas vouloir compr<strong>en</strong>dre à tout prix les relations<br />

qu’il y a <strong>en</strong>tre les choses, mais les laisser se faire <strong>en</strong> nous, soit aller voir comm<strong>en</strong>t<br />

ils se décrypt<strong>en</strong>t, ou comm<strong>en</strong>t ils se crypt<strong>en</strong>t, mais ça, c’est beaucoup plus compliqué ;<br />

surtout, si les choristes sont rassemblés sur une scène, comme la plupart des <strong>en</strong>sembles<br />

de musique contemporaine font, ce qui est évidemm<strong>en</strong>t fatal à l’écoute.<br />

Je m’étais dit : « Ti<strong>en</strong>s, si on pouvait déployer la partition. Si on pouvait faire <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre<br />

aux g<strong>en</strong>s l’<strong>en</strong>semble comme ça, l’<strong>en</strong>semble déployé. Est-ce qu’il n’y aurait pas d’un coup<br />

une lisibilité qui vi<strong>en</strong>drait à la musique ? ». Donc j’ai proposé à ces solistes de se mettre<br />

chacun dans des appartem<strong>en</strong>ts. On est allés voir tous les g<strong>en</strong>s d’une place, la Place<br />

Sainte Opportune, la Place Sainte Catherine à Paris. On a demandé aux g<strong>en</strong>s d’arrêter de<br />

vivre dans leur maison le temps d’un concert, de nous prêter les clés, de sortir de chez<br />

eux, de desc<strong>en</strong>dre sur la place, et de nous prêter la chambre du petit, les WC, la cuisine,<br />

pour que les solistes s’install<strong>en</strong>t partout. On a mis les solistes à ces <strong>en</strong>droits là. Chacun<br />

avait un micro, un haut-parleur qui était diffusé sur place. Moi, je suis sur une tour au<br />

c<strong>en</strong>tre, et je dirige <strong>en</strong>core à 360 degrés. On <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d très nettem<strong>en</strong>t que la soliste du<br />

deuxième étage est <strong>en</strong>train de chanter un air ou une chose qui répond parfaitem<strong>en</strong>t au<br />

baryton du premier étage. Ça devi<strong>en</strong>t distinct, mais on les <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d <strong>en</strong>semble, donc on<br />

compr<strong>en</strong>d qu’il y a une relation <strong>en</strong>tre les deux, parce que on les distingue dans l’espace.<br />

Même si les autres se mett<strong>en</strong>t à chanter. On <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d que tout le 6ème étage fait une pulsation,<br />

qui est assez cohér<strong>en</strong>te, ou au contraire <strong>en</strong> contradiction avec ce qui se passe au<br />

deuxième etc…<br />

Tout au long de la partition, c’est comme si on pr<strong>en</strong>ait toutes les portées d’une partition<br />

que tout le monde sait lire, et qu’on la mettait comme ça, et tout d’un coup, on tourne<br />

la tête, et on se met à <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre l’imbrication et à <strong>en</strong> compr<strong>en</strong>dre les modalités.<br />

Et puis surtout on a une notion de paysage, du coup, on<br />

Se donner à<br />

une écoute errante.<br />

peut aussi abandonner l’écoute analytique, l’écoute réduite,<br />

et se donner à une écoute errante, qui est l’écoute musicale<br />

fréqu<strong>en</strong>te, qui consiste à laisser les choses v<strong>en</strong>ir à soi dans<br />

leur mélange, et écouter la musicalité plutôt que la musique,<br />

l’architecture, la structure musicale, le geste. Et pas seulem<strong>en</strong>t ses composantes.<br />

J’ai remarqué que dans ce g<strong>en</strong>re de dispositif, les g<strong>en</strong>s sont capables d’écouter des choses<br />

d’une complexité incroyable, qui sont réellem<strong>en</strong>t très hétérogènes et sédim<strong>en</strong>tées,<br />

là où dans une salle et sur scène, ils ne resterai<strong>en</strong>t pas 5 minutes parce que ça serait trop<br />

50

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!