Epistemologie des sciences sociales
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l’expliquait par une relation de dissimulation entre prestige social et fonction économique. Quand on en<br />
vient à la perspective <strong>des</strong> acteurs, cette unité est mise en cause (ils distinguent prestige et économie),<br />
mais si on réduit cette dissimulation à l’impossibilité de traduire une logique dans une autre, on perd<br />
peut-être là une dimension tragique de l’inconscience sociale.<br />
L’attention prêtée aux logiques de l’action aurait donc pu se comprendre comme une extension cognitive<br />
et culturaliste du programme « économiste », mais il est souvent plus raisonnable d’y voir un déplacement<br />
du regard <strong>des</strong> sociologues du social vers les acteurs, ou l’effet du programme « relationnel », inspiré<br />
d’une part de l’interactionnisme, d’autre part de l’ethnométhodologie. Il peut être éclairant de prendre la<br />
démarche de Parsons comme repère pour comprendre cette évolution. Il avait critiqué le programme «<br />
économiste » sous sa forme utilitariste ou paré tienne, en soutenant que les acteurs, au lieu de simplement<br />
se déterminer selon un calcul d’intérêts, intériorisaient <strong>des</strong> normes, qui définissaient leurs rôles, euxmêmes<br />
inscrits dans la logique <strong>des</strong> différentes fonctions nécessaires à la maintenance d’un système<br />
social. Les sociologues après lui ont réagi contre ce fonctionnalisme qui réduit l’acteur à son rôle, et<br />
c’est là une <strong>des</strong> premières apparitions de cette tendance à revenir du système aux acteurs.<br />
L’ethnométhodologie a proposé une interprétation radicale <strong>des</strong> interactions <strong>des</strong> acteurs, insérant<br />
l’observateur dans ces processus qui redéfinissent perpétuellement le sens <strong>des</strong> actions par le compterendu<br />
que s’en font les acteurs. Les sociologies contemporaines souhaitent pouvoir échapper à ce flux<br />
sans repères, mais aussi ne pas en revenir à un système de rôles imposé d’en haut à l’acteur. Les solutions<br />
adoptées sont <strong>des</strong> variantes de l’idée que l’acteur se réfère à une pluralité de logiques qui sont<br />
interprétatives et non pas simplement calculatrices, si bien que les « interprétations » (au sens cette foisci<br />
de performances) <strong>des</strong> acteurs peuvent les transformer, et que lorsque l’acteur prend ces logiques pour<br />
données, il s’ingénie à les utiliser en coexistence, en synergie ou en concurrence au gré de ses<br />
motivations, et aussi au gré <strong>des</strong> interactions qu’il noue avec <strong>des</strong> acteurs eux-mêmes inscrits dans ces<br />
logiques ou dans d’autres, mais selon <strong>des</strong> distributions différentes. On peut voir dans ces logiques <strong>des</strong><br />
régimes de justification, <strong>des</strong> régimes de pratiques (Boltanski et Thévenot), <strong>des</strong> régimes d’interaction, et<br />
voir dans ces exploitations ingénieuses ou non <strong>des</strong> stratégies d’interaction, <strong>des</strong> versions du lien social<br />
(Dubet), ou encore les matériaux d’une psychologie sociologique (Lahire).<br />
Géographie et perception <strong>des</strong> paysages<br />
Notons que la possibilité d’interpréter l’intérêt pour l’action et la cognition selon les trois programmes<br />
est possible en géographie. Bailly avait dès 1975 mentionné l’importance de l’étude de la perception<br />
pour le courant géographique dit béhavioriste, qui était en fait cognitif avant la lettre, et qui peut<br />
s’inscrire dans le programme « économiste ». On y relève par exemple que notre perception ne nous<br />
permettant de traiter que les objets perçus dans la fovea, nous avons tendance à ne retenir que les formes<br />
perceptives saillantes sur notre parcours, et celles qui ont une signification de statut social, si bien que,<br />
par exemple, nous choisissons notre résidence en fonction de ces signes, et sans avoir une image mentale<br />
complète de notre ville. Cette orientation cognitive avant la lettre n’a pas été très suivie chez les<br />
géographes, qui ont préféré d’abord se pencher sur les qualifications <strong>sociales</strong> <strong>des</strong> paysages. On pourrait<br />
lui redonner vie aujourd’hui. Mais on peut se demander, dans la perspective d’une cognition sociale,<br />
comment nous percevons ces statuts sociaux. Ici l’action se compose avec la cognition puisque ce sont<br />
nos déplacements quotidiens qui organisent notre espace de « familiarité ». On retrouve sans le dire<br />
l’activité comme inséparable de l’exploration. Il s’agit ici d’abord de l’action liée à la motricité.<br />
L’intérêt de la perspective géographique est de pouvoir toujours rattacher <strong>des</strong> activités <strong>sociales</strong> – qui ne<br />
se perçoivent que si on est capable d’interpréter <strong>des</strong> symboles – à <strong>des</strong> actions qui mettent en jeu le lien<br />
entre motricité et perception. Frémont (1980) notait ensuite que l’espace de vie comprenait non seulement