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Epistemologie des sciences sociales

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L’hétérodoxie marxienne met l’accent sur les phénomènes d’exploitation <strong>des</strong> travailleurs par les<br />

détenteurs du capital, le travail incorporé dans la production constituant le fondement ultime de la valeur<br />

accordée aux biens.<br />

Ces trois programmes de recherches se matérialisent dans <strong>des</strong> modèles sensiblement différents dans leur<br />

forme, et conduisent à <strong>des</strong> recommandations de politique économique souvent contradictoires. Le premier<br />

donne naissance à la microéconomie, caractérisée par <strong>des</strong> modèles explicatifs formalisés, et préconise<br />

une absence d’intervention sur le système économique sinon pour établir la concurrence. Le second est au<br />

fondement de la macroéconomie, symbolisée par <strong>des</strong> modèles de simulation analytiques, et met en avant<br />

l’impact que peut avoir une politique d’investissement public, ou une politique monétaire. Le troisième,<br />

plus pluridisciplinaire, s’exprime sous une forme essentiellement littéraire et préconise une lutte <strong>des</strong><br />

agents regroupés en classes pour établir un rapport de force moins inégal entre dominés et dominants.<br />

Dans les années 1970, l’orthodoxie s’assouplit par la prise en compte de défaillances du marché<br />

(concurrence imparfaite, information imparfaite, rigidité <strong>des</strong> prix) alors que trois courants nouveaux<br />

émergent. Le courant institutionnaliste (voir encadré) part de l’observation de régimes historiques<br />

successifs de régulation économique entre agents, chaque forme institutionnelle étant soutenue par un<br />

compromis provisoire. Le courant cognitiviste naît de l’importance <strong>des</strong> spéculations effectuées par les<br />

agents dans la formation de bulles financières, les croyances acquérant un rôle explicatif aussi primordial<br />

que les préférences. Le courant évolutionniste s’appuie sur l’influence de l’innovation technologique et<br />

organisationnelle sur le développement du système économique, sa diffusion mettant en œuvre <strong>des</strong><br />

processus d’imitation et d’apprentissage.<br />

L’orthodoxie élargie s’exprime toujours dans <strong>des</strong> modèles formalisés, qui s’efforcent de fournir <strong>des</strong><br />

fondements microéconomiques à la macroéconomie, voire de soutenir certaines analyses marxiennes. Les<br />

prescriptions deviennent plus précises à travers la construction de grands modèles macroéconométriques<br />

à support informatique et le développement d’outils de calcul économique pour l’investissement et la<br />

tarification. Les nouveaux courants, qui apparaissent aux marges de l’orthodoxie, s’expriment à la fois<br />

par une prémodélisation sous forme qualitative et par <strong>des</strong> modélisations mathématiques partielles de<br />

certains de leurs messages. Ils adoptent un point de vue bien plus positif que normatif, et considèrent que<br />

la régulation du système économique ne peut se faire qu’à la marge, à l’aide de leviers locaux mobilisés à<br />

<strong>des</strong> moments privilégiés.<br />

L’école régulationniste française<br />

L’école régulationniste est une incarnation française du programme de recherches institutionnaliste,<br />

et s’inspire à ses débuts aussi bien de la tradition keynésienne que de la tradition marxienne. Elle<br />

met l’accent sur le fonctionnement et la transition entre mo<strong>des</strong> de régulation liant les agents<br />

économiques dans et hors marché, soutenues par <strong>des</strong> institutions organiques ou <strong>des</strong> conventions<br />

informelles. Elle s’intéresse particulièrement au marché du travail où le rapport salarial va au-delà<br />

d’un simple contrat anonyme et éphémère, et au marché financier où le signe monétaire repose sur un<br />

lien de confiance à long terme. Elle emprunte, d’une part, au courant évolutionniste en montrant<br />

comment les formes institutionnelles émergent de façon involontaire <strong>des</strong> processus dynamiques<br />

d’interaction entre agents à rationalité limitée. Elle emprunte, d’autre part, au courant cognitiviste en<br />

exhibant la manière dont se structurent et s’homogénéisent les croyances à partir d’échanges directs<br />

ou indirects d’opinions entre les agents. L’école régulationniste, qui critique l’école néoclassique

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