Epistemologie des sciences sociales
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contemporain, les économistes étant convaincus que toutes les idées passées ont été correctement<br />
internalisées dans les modèles présents. Une première partie examine la vision ontologique du champ<br />
économique, à savoir ses concepts de base et ses schémas primaires, en insistant sur leur généralité et<br />
leur souplesse toujours accrues. Une deuxième partie analyse le statut épistémologique <strong>des</strong> modèles<br />
économiques, à savoir leurs principes fondamentaux de construction et d’utilisation, en se focalisant sur<br />
leur caractère formel et idéal dûment revendiqué. Une troisième partie étudie les restructurations récentes<br />
de la science économique, à savoir les débats poursuivis en son sein et avec ses consœurs, en<br />
privilégiant les dimensions tant conceptuelles que méthodologiques.<br />
La vision du champ économique<br />
L’économie développe une vision du monde fort simple à partir de trois entités fondamentales, les agents,<br />
les institutions et le temps, bien que le traitement de chaque entité se soit profondément complexifié<br />
depuis cinquante ans. Brique élémentaire, l’agent économique, d’abord doté d’une rationalité<br />
optimisatrice particulièrement exigeante, a peu à peu vu sa rationalité limitée par <strong>des</strong> contraintes de<br />
recueil et de traitement de l’information. Instance de coordination, l’institution, longtemps cantonnée au<br />
seul marché qui oriente aveuglément <strong>des</strong> agents passifs, s’est progressivement diversifiée et est devenue<br />
transparente à <strong>des</strong> agents tissant <strong>des</strong> interactions stratégiques directes. Support <strong>des</strong> phénomènes, le temps,<br />
initialement implicite dans la notion fondamentale d’équilibre statique, s’est ensuite déployé sous la<br />
forme de processus dynamiques d’apprentissage et d’évolution <strong>des</strong> agents.<br />
Les agents<br />
La science économique est fondée sur un postulat d’individualisme méthodologique, qui affirme que tous<br />
les phénomènes sociaux sont réductibles à la conjonction <strong>des</strong> comportements d’agents individuels<br />
plongés dans un environnement matériel. C’est dire que l’on peut isoler <strong>des</strong> agents élémentaires<br />
parfaitement balisés, généralement considérés comme <strong>des</strong> centres de décision autonomes, et qui posent<br />
<strong>des</strong> actions en fonction <strong>des</strong> influences qu’ils subissent. C’est dire que l’on peut mettre en évidence <strong>des</strong><br />
phénomènes sociaux, caractérisés par <strong>des</strong> structures stables liant <strong>des</strong> grandeurs collectives, elles-mêmes<br />
définies au niveau social ou à partir <strong>des</strong> grandeurs individuelles. C’est dire surtout que tout phénomène<br />
social peut être expliqué à partir <strong>des</strong> seules actions mises en œuvre par les agents de base placés en<br />
situation d’interaction mutuelle dans un environnement physique et technologique commun.<br />
Bien entendu, ce postulat n’empêche pas de prendre en considération, du moins à titre provisoire, <strong>des</strong><br />
entités collectives ou relationnelles non directement réductibles à <strong>des</strong> actions individuelles. Ainsi, <strong>des</strong><br />
organisations comme les entreprises sont directement traitées comme <strong>des</strong> centres de décision, et leur<br />
comportement n’est réduit que dans un second temps aux actions <strong>des</strong> individus qui les composent. De<br />
même, les institutions sont <strong>des</strong> entités a priori qui médiatisent les rapports entre agents de base, et leur<br />
genèse n’est décrite qu’en seconde instance comme résultant de la combinaison d’actions individuelles.<br />
Enfin, <strong>des</strong> relations permanentes entre les agents peuvent être considérées comme établies antérieurement<br />
à leurs actions réciproques, leur formation originelle n’étant là encore traitée que de façon subsidiaire.<br />
La science économique repose de plus sur un postulat de rationalité <strong>des</strong> agents, qui soutient que les<br />
actions <strong>des</strong> agents résultent d’une délibération interne, fondée exclusivement sur trois déterminants de<br />
choix supposés indépendants et stables. Les opportunités comprennent l’ensemble <strong>des</strong> actions possibles<br />
d’un agent entre lesquelles il va effectuer son choix, délimité par <strong>des</strong> contraintes reflétant aussi bien ses