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Epistemologie des sciences sociales

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caractéristiques communes à la région, s’individualisent en fonction de facteurs secondaires. À un<br />

deuxième niveau de généralisation, la région se divise ainsi en sous-espaces homogènes. Un nouveau<br />

changement d’échelle peut amener à considérer un troisième niveau, etc.<br />

L’identification de régions permet donc d’étudier à plusieurs échelles l’hétérogénéité de l’espace. Les<br />

critères qui déterminent le découpage varient en fonction de l’espace considéré, mais aussi selon les<br />

intérêts <strong>des</strong> géographes qui les effectuent. La région naturelle, caractérisée par son climat, son sol ou son<br />

relief était la panacée à un moment où les hommes, croyait-on, avaient peu affecté leur environnement<br />

naturel et étaient tributaires <strong>des</strong> conditions imposées par celui-ci. Les géographes français ont, dès la fin<br />

du xix e siècle, pris conscience que les sociétés n’étaient pas déterminées par le milieu naturel, et que<br />

l’existence même de ce dernier était douteuse, tant les hommes ont partout, à travers l’histoire, transformé<br />

leur cadre de vie. On considère alors que l’homogénéité d’une région procède plutôt de faits<br />

économiques et culturels, du choix d’un genre de vie et d’une activité économique. On parle de région<br />

historique pour souligner que la région est un produit de l’activité <strong>des</strong> hommes qui se construit à travers<br />

les temps.<br />

Qu’est-ce qu’une région ?<br />

Une question reste pendante : quel est le statut de ces régions ? Existent-elles ailleurs que dans l’esprit<br />

<strong>des</strong> géographes qui effectuent le découpage ? Comment prouver qu’elles existent dans la réalité, c’est-àdire<br />

du point de vue non pas du géographe qui l’identifie, mais de celui <strong>des</strong> hommes qui les peuplent ?<br />

Deux réponses peuvent être données. La première tient aux comportements géographiques <strong>des</strong> hommes. Si<br />

l’on peut montrer que, par exemple, les déplacements <strong>des</strong> habitants, les flux de biens ou d’informations<br />

respectent <strong>des</strong> limites régionales, le fait régional est établi. Ceci est souvent passé par l’identification de<br />

régions polarisées, c’est-à-dire d’espaces dans lesquels une bonne part <strong>des</strong> flux partent vers un pôle, ou<br />

s’y <strong>des</strong>tinent. Ce carrefour est constitué par une ville, une métropole. La région urbaine est ainsi l’espace<br />

organisé par une ville. Effectuer le découpage revient alors à identifier les métropoles qui jouent ce rôle<br />

organisateur, et à délimiter dans l’espace le champ de leur influence (à travers, par exemple, la<br />

localisation <strong>des</strong> lecteurs <strong>des</strong> journaux qui sont édités dans la métropole). On note que pareille région<br />

n’est pas homogène, puisque s’y différencient un centre et une périphérie sous l’influence de celui-ci.<br />

La seconde réponse fait appel aux faits de perception. Pour savoir si la région existe pour ceux qui y<br />

vivent, il suffit après tout de leur poser la question. Ont-ils conscience de l’existence de cet espace ? Lui<br />

donnent-ils un nom ? Y sont-ils attachés psychologiquement, émotionnellement ? L’identité régionale se<br />

manifeste-t-elle dans la langue, les coutumes ? On voit que cette réponse n’est pas exclusive de la<br />

première : pour que les habitants adoptent <strong>des</strong> comportements régionaux, c’est-à-dire respectent une<br />

frontière régionale, fréquentent préférentiellement une métropole régionale, il faut que la région existe<br />

dans leurs représentations, qui déterminent leurs comportements géographiques.<br />

Les régions du géographe ne sont pas nécessairement celles que les administrations ont découpées. Les<br />

régions officielles peuvent résulter de logiques très différentes, d’ordre politique par exemple. C’est une<br />

difficulté importante : les données statistiques collectées par l’État ou les collectivités locales<br />

s’appliquent aux régions (ou départements) administratives, qui ne sont pas nécessairement <strong>des</strong> espaces<br />

pertinents pour le géographe.<br />

L’école régionale et son héritage

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