10.02.2018 Views

Epistemologie des sciences sociales

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Commençons par les versions faibles. Une de leurs caractéristiques est le rôle limité du système de<br />

représentation dans les textes de ce type. Deux cas de figure méritent d’être distingués : a / tantôt la<br />

fonction du système s’arrête à la <strong>des</strong>cription de faits empiriques, à charge pour le lecteur d’en tirer<br />

quelques leçons sur le plan du sens, historique, sociologique, économique ou autre ; b / tantôt cette partie<br />

interprétative est présente dans le texte mais elle mobilise un ensemble de données beaucoup plus vaste<br />

que n’en livre explicitement la <strong>des</strong>cription, comme on le soulignera plus bas.<br />

Les exemples du premier type sont légion, dans toutes les disciplines : statistiques démographiques,<br />

inventaires archéologiques, observatoires socio-économiques, archives historiques, etc., toutes ces<br />

entreprises font appel à <strong>des</strong> jeux de variables qui constituent les systèmes de représentation retenus, entre<br />

mille autres possibles. On parle dans ce cas de modèles <strong>des</strong>criptifs ; leur fonction est d’ordre<br />

documentaire, sans prétentions théoriques.<br />

Les exemples du second type ne sont pas moins nombreux. Des travaux historiques ou sociologiques de<br />

toute espèce entrent dans cette catégorie pour peu qu’ils manifestent un effort de systématisation dans la<br />

collecte et la formulation <strong>des</strong> données qui servent de base à l’interprétation proposée, objet véritable de<br />

la publication. Mais le raisonnement lui-même échappe à cet effort : on le qualifie volontiers de « naturel<br />

», laissant entendre par là qu’il tend à se confondre avec le raisonnement ordinaire, passé les rigueurs<br />

apparentes ou réelles de la constitution <strong>des</strong> données. L’argumentation suivie pour dégager la signification<br />

de ces données en mobilise beaucoup d’autres, distillées au fil du discours : par exemple, <strong>des</strong><br />

observations parallèles (raisonnements par analogie, voir plus bas n. 2, p. 415), <strong>des</strong> connaissances tenues<br />

pour universellement établies, <strong>des</strong> présuppositions particulières à l’auteur ou à la communauté savante<br />

dont il partage les mo<strong>des</strong> de pensée (croyances, idéologies, convictions). L’expression « modèles<br />

discursifs » appliquée par Cl. Grignon à ce genre de textes trouve là sa pleine justification [5].<br />

Versions fortes<br />

À l’inverse, les versions fortes de la modélisation ont pour caractéristique principale la part<br />

prépondérante d’un outillage logico-mathématique dans le déroulement de la construction, au lieu ou en<br />

complément du raisonnement naturel considéré précédemment. Les travaux d’économie sont les exemples<br />

classiques du genre, auxquels on peut ajouter ceux <strong>des</strong> branches « -métriques » d’autres disciplines –<br />

sociométrie, archéométrie, psychométrie, etc. On qualifie parfois d’artificiel le langage de ces modèles ;<br />

notons cependant que les variables auxquelles s’applique le calcul ne sont pas nécessairement<br />

numériques et que le langage naturel n’est pas absent de telles constructions. Il fournit les termes qui<br />

désignent les entités visées par le modèle et les phénomènes du monde historique ou « réel » invoqués<br />

pour le valider.<br />

Ce souci de validation est une autre caractéristique <strong>des</strong> versions fortes de la modélisation. Sa<br />

manifestation la plus claire est la démarche axiomatique, fondatrice d’une vaste famille de modèles en<br />

économétrie. Le chercheur énonce a priori un certain nombre de principes et d’opérateurs qui<br />

déterminent la nature <strong>des</strong> calculs pratiqués sur les données empiriques. Les résultats de ces calculs sont<br />

alors confrontés à <strong>des</strong> observations propres à établir le degré de validité du modèle. Les écarts constatés<br />

donnent lieu à une argumentation en langage naturel pour les expliquer ou mettre sur la voie d’ajustements<br />

aptes à les réduire.<br />

Le pôle Récit et sa polysémie

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!