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Psychologie de la manipulation et de la soumission

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268 PSYCHOLOGIE DE LA MANIPULATION ET DE LA SOUMISSION<br />

(condition <strong>de</strong> regard furtif). Après c<strong>et</strong>te interaction, le suj<strong>et</strong> <strong>de</strong>vait évaluer le<br />

compère à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> six échelles d’adjectifs bipo<strong>la</strong>ires (soumis/dominant,<br />

faible/fort, <strong>et</strong>c.) <strong>et</strong> il <strong>de</strong>vait estimer, à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s mêmes échelles, comment le<br />

compère l’évaluerait. Les résultats montreront que le compère, en condition<br />

<strong>de</strong> regard prolongé, est jugé plus dominant qu’en condition <strong>de</strong> regard furtif.<br />

Dans le même temps, le suj<strong>et</strong> regardé a estimé que le compère le jugerait<br />

moins dominant en condition <strong>de</strong> regard prolongé qu’en condition <strong>de</strong> regard<br />

furtif. Pour Thayer (1969), <strong>de</strong> tels résultats qui ont été répliqués (Argyle,<br />

Levebre <strong>et</strong> Cook, 1974), confirmeraient le modèle animal d’expression <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

dominance : le privilège du dominant est <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r le dominé.<br />

La perception <strong>de</strong> dominance est également accrue lorsque l’on est le<br />

simple observateur d’une scène où une personne en regar<strong>de</strong> une autre. Ainsi,<br />

si on reprend l’expérience <strong>de</strong> Brooks, Church <strong>et</strong> Fraser (1986) que nous<br />

avons présentée ci-<strong>de</strong>ssus <strong>et</strong> où <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s <strong>de</strong>vaient juger une cible à partir<br />

d’une vidéo sans son, on observe c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong>. Selon le cas, <strong>la</strong> cible regardait son<br />

interlocuteur 5, 30 ou 50 secon<strong>de</strong>s sur les 60 secon<strong>de</strong>s du film. Ici, outre les<br />

eff<strong>et</strong>s du temps <strong>de</strong> regard sur l’évaluation <strong>de</strong> <strong>la</strong> cible, on observera un eff<strong>et</strong><br />

sur les évaluations <strong>de</strong> traits en lien avec <strong>la</strong> dominance <strong>et</strong> le statut social.<br />

Lorsque le suj<strong>et</strong> regar<strong>de</strong> longuement son interlocuteur, il est perçu comme<br />

plus dominant, plus efficace, plus indépendant, plus mature <strong>et</strong> comme ayant<br />

une capacité <strong>de</strong> lea<strong>de</strong>rship plus prononcée. En outre, le niveau <strong>de</strong> diplôme<br />

qu’il possè<strong>de</strong> est jugé comme plus élevé lorsqu’il regar<strong>de</strong> plus longuement<br />

l’interviewer. On voit donc que les caractéristiques personnologiques en lien<br />

avec <strong>la</strong> dominance <strong>et</strong> les caractéristiques en lien avec le statut sont positivement<br />

<strong>et</strong> linéairement liées à <strong>la</strong> durée du regard. Ces résultats ont été confirmés<br />

par Dovidio <strong>et</strong> Ellyson (1982) <strong>et</strong> s’observent aussi bien dans les<br />

jugements <strong>de</strong> cibles composées d’hommes ou <strong>de</strong> femmes. En outre, ces chercheurs<br />

observeront que le pouvoir attribué à celui qui regar<strong>de</strong> est d’autant<br />

plus important qu’il regar<strong>de</strong> beaucoup lorsqu’il parle à son interlocuteur <strong>et</strong><br />

qu’il regar<strong>de</strong> peu son interlocuteur lorsque celui-ci lui parle. Ce résultat est<br />

entièrement compatible avec une théorie <strong>de</strong> <strong>la</strong> dominance liée au contact<br />

visuel : il importe que l’expression <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te dominance soit importante lorsque<br />

l’on ém<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’information pour autrui <strong>et</strong> qu’elle soit <strong>la</strong> moins importante<br />

possible lorsque l’on en reçoit.<br />

Les résultats <strong>de</strong> ces quelques travaux semblent donc montrer qu’il existe<br />

un lien entre regard <strong>et</strong> dominance. De fait, en attribuant un pouvoir accru à<br />

celui qui nous regar<strong>de</strong>, ce<strong>la</strong> conduirait à rendre le suj<strong>et</strong> plus susceptible<br />

d’accé<strong>de</strong>r à ses requêtes. Si nous avons vu, dans le premier chapitre, que<br />

l’attribution <strong>de</strong> <strong>la</strong> légitimité du pouvoir est bien un facteur prédisposant à <strong>la</strong><br />

<strong>soumission</strong>, on manque encore, s’agissant <strong>de</strong>s recherches sur le regard, <strong>de</strong><br />

preuves que ce facteur explique <strong>la</strong> <strong>soumission</strong> observée par les suj<strong>et</strong>s dans<br />

les recherches évoquées précé<strong>de</strong>mment. Il est c<strong>la</strong>ir que, dans ce domaine,<br />

<strong>de</strong>s travaux empiriques sont maintenant nécessaires.

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