O TEMPO NA DIREÃÃO DO TRATAMENTO
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Tu/er la mort<br />
Martine Menès<br />
« Si vis vitam, para mortem 81 »<br />
ontrairement à l’attendu,<br />
C<br />
le temps ne passe pas sur<br />
l’homme ; c’est l’homme<br />
qui passe sous les arcades<br />
du temps, y cheminant<br />
selon la construction<br />
qu’il en fait, de l’ignorer<br />
superbement jusqu’à en<br />
être accablé, sans toujours le savoir. Car<br />
la fin du voyage, c’est la mort, image<br />
extrême de la castration dont nul ne peut<br />
ni se protéger, ni protéger autrui. Pas<br />
d’Autre entre la mort et le sujet, seul<br />
devant le gouffre de l’irreprésentable.<br />
Le rapport à la temporalité révèle la réponse<br />
du sujet au réel, entendons par là,<br />
pour simplifier, le vivant, le sexe, la mort.<br />
Comment traite-t-il le nouage entre vie et<br />
mort, état de fait qui n’existe ni pour<br />
celui auquel c’est arrivé puisque le sujet<br />
mort ne sait pas qu’il est mort, ni pour<br />
celui qui l’envisage puisqu’il ne peut<br />
jamais n’en être que spectateur 82 ? Sans<br />
traces ni mots cernant la chose, vivre se<br />
sachant mortel est une décision qui<br />
suppose un consentement dépendant de<br />
l’originelle Bejahung, dans un choix forcé,<br />
non seulement à la castration mais aussi à<br />
ce qu’elle échoue à traduire. Le rapport à<br />
la mort de l’un se rencontre donc à la<br />
même place que le manque dans l’Autre,<br />
écho des limites signifiantes et<br />
imaginaires qui le divisent entre être et<br />
sens, et qui le font pour jamais, pour<br />
toujours, perdant et solitaire.<br />
Ainsi la première acception de la mort<br />
se loge dans l’originelle perte de vivant,<br />
81<br />
FREUD, S. « Notre attitude devant la mort »,<br />
Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1981, p. 40.<br />
Freud conclut son article par cette citation : « Si<br />
tu veux pouvoir supporter la vie, soit prêt à<br />
accepter la mort ».<br />
82<br />
Idem. Comme Epicure, Freud déclare « Il nous<br />
est impossible de nous représenter notre propre<br />
mort et toutes les fois que nous l’essayons, nous<br />
nous apercevons que nous y assistons en<br />
spectateurs. »<br />
ancrée dans l’entame faite à l’absolue<br />
satisfaction mythique du narcissisme primaire,<br />
dont l’objet a est le reste et la<br />
pulsion de mort la mémoire. Le vide<br />
creusé dans le sujet est dans un deuxième<br />
temps interprété via la différence<br />
des sexes, et traité par la castration qui va<br />
pour partie transformer cette perte en<br />
manque structurant, origine d’où le sujet<br />
peut (se) compter. D’emblée donc la<br />
saisie de la mort oscille entre deux<br />
instants, celui de la perte et celui du<br />
manque. Et si comme Freud le relève,<br />
l’angoisse de mort (dont il précise qu’elle<br />
est de fait angoisse devant la vie) est<br />
l’analogon de l’angoisse de castration 83 ,<br />
ce que Lacan poursuit en les déclarant<br />
interprétables 84 de façon équivalente, elle<br />
ne peut entièrement s’y réduire.<br />
Le temps fait symptôme<br />
Ce patient que j’appellerai Ahasvérus 85<br />
marche sans repos et « erre seul dans les<br />
immenses déserts de l’éternité 86 » comme<br />
« quelqu’un déguisé en personne 87 ». Il<br />
s’ennuie à mourir mais il ne meurt<br />
jamais. Aucune date, aucun rendez-vous,<br />
aucun souvenir, ne fait pour lui point de<br />
capiton. Sans projet, confondant<br />
mémoire et avenir, il n’attend ni n’espère<br />
rien. « Mieux aurait valu ne pas naître »,<br />
se dit-il, comme le fit Œdipe. Le voilà<br />
donc en deuil perpétuel de lui-même,<br />
mort dans le temps mort qui enserre son<br />
83<br />
FREUD, S. Inhibition, symptôme, angoisse, Paris,<br />
PUF, 1981, p. 53 et 64.<br />
84<br />
Lacan, J. Le séminaire livre X, L’angoisse, Paris,<br />
Seuil, 2004, p.305 : « C’est une angoisse qui se<br />
rapporte au champ où la mort se noue<br />
étroitement à la vie. Que l’analyse l’ait localisée<br />
en ce point de la castration permet fort bien de<br />
comprendre qu’elle soit équivalemment<br />
interprétable… »<br />
85<br />
Ahasvérus, le juif errant condamné à<br />
l’immortalité pour avoir maltraité le Christ sur le<br />
chemin du Golgotha<br />
86<br />
WOOLF, V. Orlando.<br />
87<br />
FRUTTERO, C. et LUCENTINI, F. L’Amant<br />
sans domicile fixe, Paris, Laffont, 2007.<br />
Heteridade 7<br />
Internacional dos Fóruns-Escola de Psicanálise dos Fóruns do Campo Lacaniano 57